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A la mi-octobre Xi Jinping qui en fait le marqueur de sa détermination politique, a lancé une réforme des taxes à la propriété. Jusqu’à présent jamais menée à bien, l’initiative a pour but d’assainir le marché immobilier en surchauffe.
Évalué à 50 000 Milliards de $, il porte avec ses dysfonctionnements liés à la spéculation sur près de 20% du parc des logements restés vides, un risque pouvant impacter toute l’économie. En même temps, mis en œuvre trop brutalement, l’assainissement aussi destiné à améliorer l’accès à la propriété de la classe moyenne, génère l’opposition politique interne des propriétaires enrichis par la spéculation.
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Alors que, par des injections financières, le Parti tente de tenir à distance le risque d’éclatement catastrophique de la bulle immobilière dont la crise d’Evergrande est le plus préoccupant symptôme, imperturbable Xi Jinping remet sur le tapis le chantier très controversé d’une taxe sur la propriété.
Récemment pourtant, même le Wall Street Journal doutait que l’actuel pouvoir exécutif, « de loin le plus puissant des dernières décennies », se risquerait à une réforme qui sent le soufre.
La réalité de cette quadrature du cercle s’est récemment manifestée. Il y a peu, les caciques de l’appareil dont les intérêts privés sont étroitement enchevêtrés au gigantesque marché immobilier évalué à 55 000 Milliards de $ - deux fois plus qu’aux États-Unis et près de 800 fois le marché français – représentant quatre fois le PIB de la Chine – ont obligé Xi Jinping à réduire la voilure d’une expérience de taxe à la propriété initialement prévue dans 30 villes, à seulement dix.
Pourtant, déterminé à crever l’abcès, Xi Jinping force l’allure. Mais son volontarisme s’affirme au moment même où les ventes résidentielles ont baissé de 16% depuis l’automne 2020, alors que les tensions sur la stabilité du réseau d’électricité ne sont pas résorbées [1].
En arrière-plan, source d’inquiétude supplémentaire, les chiffres de la croissance au troisième trimestre sont tombés à seulement +4,9% par rapport à 2020, dans une ambiance où les perspectives pour la fin de l’année s’annoncent moroses.
Assainir le marché immobilier au risque d’une réaction en chaîne.

Un des effets pervers les plus connus de la spéculation immobilière sauvage est la multiplication du nombre d’appartements vides et des villes fantômes (Photo Raoul Ariano pour Le Monde). Le phénomène qui traduit un désordre, immobilise des capitaux et réduit l’offre de logement. Par contraste, dans les zones urbaines, la spéculation hausse les prix des logements à un niveau inaccessible pour la classe moyenne.
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Le WSJ le rappelle : « la difficulté à mettre en œuvre une taxe foncière nationale met en lumière le dilemme politique représenté par l’immobilier, qui joue un rôle clé dans l’économie et la politique chinoises. » En théorie, un impôt foncier fournirait une source de revenus stable aux pouvoirs locaux et permettrait qu’ils cessent de se financer par la très controversée vente de terres. Représentant 30% de leurs revenus, elle est aussi une sérieuse source de compromissions politique et de corruption.
Il reste, ajoute le WSJ, « qu’une taxe suffisamment élevée pour abonder correctement les finances locales, entraînerait probablement un effondrement du marché immobilier ».
Il est vrai qu’il y a déjà dix ans, Shanghai et Chongqing avaient lancé un programme pilote de taxes à la propriété. Mais leur taux est bas et les dérogations nombreuses, au point que ses recettes représentent seulement 1,2% de la fiscalité totale de Shanghai en 2020. »
« Tant que l’impôt sur la propriété resteront dans cette épure peu contraignante, et aussi longtemps que les prix montent, les spéculateurs de l’immobilier préfèreront garder leurs appartement vides. » (…) « Mais si la hausse des impôts était trop brutale, ils vendraient ».
La mise sur le marché d’appartements vides augmenterait l’offre de logements, conformément au souci encore exprimé par Xi Jinping en mai dernier « Les logements, sont faits pour y vivre, pas pour la spéculation - 房子是用来住的, 不是用来炒的定位 ». Lire : people.cn.
Il y a cependant un risque. Si la réforme était trop rapide et trop agressive, elle affecterait directement le système financier et les banques et, par contrecoups, toute l’économie.
« Alors que le taux d’appartements vides atteint en moyenne 17%, avec des sommets à 22% pour certaines régions, leur mise sur le marché provoquerait une chute significative des prix de l’immobilier. » (…) Compte tenu du poids des logements dans l’économie, la réaction en chaîne impacterait les actifs de plus de 75% des ménages endettés pour accéder à la propriété et tous les secteurs liés à la construction dont l’acier et le ciment.
Le défi que le pouvoir a décidé d’affronter est donc considérable.
Note(s) :
[1] Le 7 novembre, le fournisseur national « State Grid » a prévenu qu’en dépit du relâchement des restrictions sur les centrales au charbon et des mesures destinés à contrôler la spéculation sur les prix du charbon, l’hiver verrait encore des tensions entre l’offre d’électricité et la demande.