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Le Pakistan, premier souci stratégique de Pékin. Les faces cachées de l’alliance

La force des liens entre Islamabad et Pékin.

Le 20 avril, le Président Xi Jinping saluait les responsables de l’armée pakistanaise dont certaines groupes entretiennent des liens avec les Taliban.

Xi Jinping s’est entretenu pendant deux jours avec le Président Mamnoon Hussain, le premier Ministre Sharif et quelques uns de ses ministres. La préoccupation de sécurité était dans toutes les têtes après la déclaration du président chinois la veille de son arrivée à Islamabad, selon laquelle Islamabad et Pékin devaient « harmoniser leurs objectifs de sécurité et renforcer leur coopération. »

Ayant largement ouvert le flot de ses crédits qui alimenteront aussi la télécommunication (44 millions de $ pour un réseau de fibres optiques) et la production d’énergie (1,5 Mds pour des projets solaires, thermiques au charbon et hydrauliques qui s’ajoutent aux centrales nucléaires en cours), le régime chinois n’a pas non plus lésiné sur la phraséologie emphatique destinée à affirmer la solidité particulière des liens entre Pékin et Islamabad.

A côté des hyperboles qui évoquaient « une amitié de diamant », « la symphonie de la route de la soie » et « les sacrifices mutuels consentis par le passé, source d’un amour sincère », le site internet du Parti est allé jusqu’à classer les partenaires de la Chine en trois niveaux : avec les États-Unis, le partenariat était « constructif » ; avec la Russie, il était « global et stratégique » ; mais la proximité avec le Pakistan était la seule à atteindre le niveau de « coopération stratégique tous temps ».

Il est vrai que les deux voisins ne se sont jamais fait la guerre à l’instar de la Chine, avec l’inde, la Russie, le Japon ou le Vietnam. En dépit des constants démentis de Pékin nombre de services de renseignements attestent qu’Islamabad a, à la suite d’un accord secret conclu entre Mao et Ali Bhutto, bénéficié de l’assistance chinoise dans la mise au point de sa capacité nucléaire militaire dans les années 80 et 90.

A quoi il faut ajouter que le complexe militaro-industriel chinois est, depuis plus de 40 ans, le principal fournisseur d’armes d’Islamabad, au point que, selon les renseignements indiens, 65% des avions de combat et 75% des chars de combat pakistanais sont de fabrication chinoise. A partir de 2010, la panoplie des ventes d’armes chinoises s’est élargie aux équipements navals (sous marins et frégates F22) et aux missiles anti-navires de type C-801/C-802/C-803. Enfin la visite de Xi Jinping a été entourée de la rumeur d’une vente par la Chine de huit sous-marins d’attaque diesel de la classe Yuan qui s’ajouteraient aux 5 sous marins Agosta français achetés dans les années 70 et 90. En retour, Islamabad n’a pas hésité à transférer à Pékin des technologies sensibles venant de son allié américain.

Enfin depuis 2000, sans l’approbation du groupe des fournisseurs nucléaires (GFN) dont elle fait pourtant partie et qui interdit toute coopération avec les pays n’ayant pas signé le traité de non prolifération nucléaire, la Chine construit des réacteurs civils au Pakistan dont les 2 premiers d’une puissance de 300 et 650 mégawatts fonctionnent à Chasma au Penjab. Trois autres sont prévus sur ce site. En novembre 2013, Pékin annonçait une coopération pour 2 autres réacteurs à Karachi. Le 9 février 2015, Wang Xiaotao, vice ministre de la Commission Nationale pour la Réforme et le Développement confirmait qu’au total 6 nouvelles centrales dont la capacité installée sera de 3,4 millions de KW étaient en cours de construction au Pakistan par l’industrie nucléaire chinoise.

La carte sauvage de l’Islam radical.

Mais la richesse de ces longues coopérations où Islamabad a parfois joué les intermédiaires dans le rapprochement entre Pékin et Washington et plus tard entre la Chine et le régime Taliban avant 2001, n’empêchent pas les fêlures dont la plus grave est précisément le rapport ambigu d’une partie des services pakistanais avec la mouvance djihadiste dont le potentiel contagieux menace le Xinjiang. Quel que soit l’intérêt stratégique de Pékin au Pakistan, cet arrière plan inquiétant qui fonde en Chine l’image d’un pays semi anarchique contrôlant mal sa sécurité et menaçant celle de ses voisins, préoccupe sérieusement la direction politique du régime chinois.

Le malaise avait été conforté quand en 2008 deux ingénieurs des télécoms chinois avaient été pris en otage dans la vallée de la Swat par des Taliban pakistanais après que le président Asif Ali Zardani, prédécesseur de Mamnoon Hussain ait autorisé l’application de la Charia dans la région. En 2014 Xi Jinping avait été obligé de reporter sa visite à Islamabad alors que des troubles politiques avaient mis le pouvoir pakistanais sous tension.

Le pragmatisme tactique et les ambitions régionales de Pékin.

En jetant dans la balance son impressionnante puissance financière, la Chine joue une carte dont elle espère des retombées positives non seulement pour ses relations avec Islamabad et la sécurité du Xinjiang, mais également pour son influence dans toute la zone et en premier lieu en Afghanistan où le retrait américain l’oblige à passer du statut d’observateur critique à celui d’acteur. Mais il est clair que Xi Jinping compte le faire à la manière chinoise qui n’exclut pas des contacts avec les Taliban que la Chine connaît bien, puisque, dans les années 80, elle avait fourni des armes aux résistants Moudjahidin contre l’URSS et que de 1996 à 2001 Pékin avait noué des relations commerciales avec le régime Taliban.

En tous cas Pékin prend l’affaire très au sérieux et ne néglige aucune expérience, y compris celle des Américains qu’elle n’a pourtant cessé de critiquer depuis 2008, à mesure que la coalition de l’ISAF rencontrait des difficultés face à l’insurrection afghane. Dans un article du Wall Street Journal du 9 février, Jeremy Page qui fut le premier journaliste étranger a établir le lien entre la chute de Bo Xilai et l’assassinat du consultant anglais Neil Heywood, révèle qu’en décembre 2014 une rencontre discrète a eu lieu à Londres entre des représentants afghans, chinois et américains.

La réunion dont rien n’a filtré avait été précédée par deux visites d’une délégation de Taliban à Pékin quelques semaines après la venue en Chine du nouveau président afghan Ashraf Ghani qui lui même reconnaît le rôle positif que pourrait jouer une médiation chinoise.

Le risque terroriste au Xinjiang, principal moteur des ambitions chinoises.

Un groupe terroriste lié à Al-Qaida brandissant le drapeau de l’Arabie Saoudite au Baloutchistan. La mouvance a revendiqué la responsabilité d’une campagne de terreur dirigée contre la minorité chiite Hazara.

Après le semi échec américain en Afghanistan, le Bureau Politique placé sous la pression urgente des menaces de sécurité intérieure, fait, on le voit, preuve d’un pragmatisme tous azimuts balayant un large spectre allant de Washington à Islamabad en passant par Kaboul et les Taliban. Pour prouver son influence et son savoir faire, la Chine qui chez elle fait face à une menace terroriste de première grandeur, semble désormais bien décidée à jouer tous ses atouts. Ces derniers sont non seulement financiers, mais également stratégiques.

Le moindre d’entre eux n’est pas sa proximité avec la République Islamique d’Iran, source d’approvisionnement en hydrocarbures et possible contrepoids aux terroristes sunnites. Enfin, Pékin qui pourrait envisager de coopérer avec Washington pour des formations ponctuelles de spécialistes comme des pilotes d’hélicoptères, ne désespère pas non plus d’enrôler New-Delhi intéressé par le gaz iranien et partie prenante de la sécurité de la partie nord du « couloir Chine Pakistan ».

Reste la partie sud du couloir Chine – Pakistan qui prend naissance au Baloutchistan peuplé d’une ethnie indo-iranienne vivant à cheval sur l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan. Depuis la partition de l’Inde la région est soumise aux affres d’une guérilla contre Islamabad pour obtenir au moins un statut d’autonomie. Dans cette zone, Pékin devra compter avec une insécurité qui ne faiblit pas et il n’est pas certain que sa puissance financière suffira à calmer les tensions ethniques et religieuses. En janvier et février 2013, 2 attentats à Quetta, la capitale de la province avaient déjà tué près de 100 ressortissants de l’ethnie Hazara à majorité chiite.

En mars et octobre 2014, la capitale a à nouveau été frappée par une série d’attentats contre les forces de sécurité et des accrochages entre la communauté chiite Hazara et les Sunnites radicaux liés aux Taliban et à Al Qaida.

Selon France 24, « au cours des deux dernières années, près de 1 000 membres de la minorité Hazara facilement repérable à ses traits asiatiques ont été tués ». La situation au Baloutchistan a récemment fait la une de l’actualité quand Sabeen Mahmud, une militante des droits de l’homme a été assassinée à Karachi le 24 avril après avoir organisé un débat sur les « disparus baloutches ».


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