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›› Politique intérieure

Le Parti revisite son histoire : son regard édulcoré éclaire le présent

De la difficulté nouvelle des manipulations politiques.

Le comité permanent craint l’ébranlement idéologique d’une rupture avec le Maoïsme.

Les réactions publiques sur les réseaux sociaux dont certaines ont été promptement effacées par la censure ont donné raison à Deng Yuwen : à l’heure de l’information débridée par les nouvelles technologies la manipulation de l’histoire devient difficile. Quelques internautes ou adeptes des réseaux sociaux relevèrent les erreurs factuelles dans la chronologie comme celle de la date à laquelle Deng Xiaoping réussit à accaparer tout le pouvoir, circonstance qui, comme indiqué par un message de weibo, n’intervint qu’après le procès de la Bande des Quatre lancé par Hua Guofeng.

Ou encore la fable selon laquelle Mao aurait eu, avant sa mort, l’intention d’éliminer la Bande des Quatre au prétexte qu’elle projetait de fomenter une révolte. Mais, et c’est bien plus ennuyeux, de nombreux autres ironisent sur l’oubli des épisodes les plus controversés de la carrière de « Petit Timonier » dont l’histoire est arrêtée 13 années avant sa mort et 5 ans avant la répression de Tian An Men.

La conclusion de l’article de Deng Yuwen rappelle que, dans un monde où l’information et la vérité circulent de plus en plus facilement, trouvant toujours une voie pour contourner les blocages de la censure, la poursuite d’une attitude d’omerta sur des événements majeurs de l’histoire récente de la Chine ferait plus de mal que de bien à la légitimité du Parti.

Il suggère même que l’opinion serait impressionnée par la capacité du régime à revenir sur les errements de son passé et à se remettre en question. Du coup, elle serait plus portée à reconnaître les réussites du régime telles que la lutte contre la pauvreté, la montée en puissance du pays et la préservation de la paix. L’une des dernières phrases renvoie aux controverses internes sur la mémoire de Mao : « Puisque le Parti a déjà reconnu que le lancement de la révolution culturelle par Mao fut un désastre pourquoi ne pas l’admettre officiellement ? (…). L’image de Mao en souffrirait mais pas celle du Parti et ni celle de ses actuels dirigeants ».

Le Parti et Xi Jinping refusent la rupture historique.

Il reste que ni le Comité Permanent ni Xi Jinping ne sont sur cette ligne. Alors que l’appareil est confronté à un nombre considérable de défis qui vont de la lutte contre les féodalités enkystées des banques publiques et des sociétés d’État, à la situation très instable du Xinjiang, en passant par le combat sans merci contre la corruption des cadres et des dirigeants des grands groupes, à quoi s’ajoutent la réparation des dommages écologiques et l’accompagnement social et économique de l’urbanisation, il est extrêmement peu probable que le Bureau Politique se risque à l’ébranlement idéologique d’une remise en cause du symbole maoïste.

Le cauchemar de la chute de l’URSS.

Derrière ces réticences qui peuvent apparaître comme une dangereuse frilosité dans un monde de plus en plus épris d’ouverture, de vérité et de transparence, surnage une obsession : la chute de l’URSS que le magazine Qiu Shi et le Centre des recherches du Parti attribuent à la « déstalinisation. ». Une idée reprise dans le Quotidien du Peuple : « La raison essentielle de la chute de l’Union Soviétique fut la négation de l’histoire du Parti Communiste de l’Union Soviétique, de Lénine ainsi que des autres figures du Parti, accompagnée par un nihilisme historique qui installa la confusion dans l’esprit des populations ».

C’est bien cette vision sans rupture qui sous tendait les discours de Xi Jinping lors du 120e anniversaire de la naissance de Mao, le 25 décembre 2013 : « Notre expérience socialiste avant la réforme, qu’elle soit positive ou négative, a permis au Parti de se confronter à la réalité. Elle a établi la plateforme à partir de laquelle nous avons construit le futur d’une nouvelle période historique. Sans les succès idéologiques, institutionnels et pratiques accumulés au cours de cette période, l’ouverture n’aurait pu avoir lieu sans heurts ».

Disant cela le Président ne faisait que répéter sa vision « des deux périodes » de la République Populaire, avant et après la mort de Mao qu’il avait déjà exposée au nouveau Comité Central le 5 janvier 2013 : « Même si ces deux phases étaient sous-tendues par deux orientations politiques différentes avec d’importants contrastes dans la manière de construire le socialisme, elles ne peuvent pas être dissociées ». Il ajoutait que les deux périodes n’étaient pas en opposition, mais complémentaires : « il n’est pas possible de se servir de l’une pour nier l’autre ».

Deng Yuwen joue avec le feu.

On le voit, Deng Yuwen le spadassin infatigable de la transparence et des réformes politiques qui, déjà en 2012 depuis l’École Centrale du Parti, appelait aux réformes démocratiques pour équilibrer la sur-concentration du pouvoir dans les mains de l’appareil, selon lui à la racine des conflits sociaux en Chine, se place sans ambiguïté en opposition frontale avec la tête du régime. C’est la deuxième fois qu’il joue avec le feu.

La dernière fois il avait été sanctionné non pas pour avoir fait part de ses idées sur la politique nord coréenne de Pékin, mais pour les avoir publiées dans le Financial Times en février 2013. Il vient de récidiver puisqu’une traduction de son article a été reprise le 18 août dernier par le Wall Street Journal. Alors que Pékin est engagé dans une rivalité d’influence avec les États-Unis, l’ancien rédacteur en chef adjoint du Xuexi Shibao, devenu commentateur politique, vient d’entrer dans des eaux agitées. D’autant que la tendance à l’introspection historique manipulée à des fins politiques ne s’arrête pas à Deng Xiaoping.


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