›› Taiwan
Aux Etats-Unis les experts proches de la question et des lobbies taiwanais observent la situation avec suspicion et analysent les conséquences pour les intérêts américains des évolutions en cours. Ils notent avec inquiétude la tendance récente de Washington de se rapprocher de Pékin et considèrent que, dans le Détroit, l’équilibre des influences bascule progressivement en faveur de la Chine. C’est pourquoi ils se demandent si le moment n’est pas venu pour le gouvernement américain de faire pression pour que Pékin réponde concrètement aux initiatives de Ma Ying-Jeou (réduction progressive de l’arsenal balistique qui menace l’Ile et attribution effective à Taiwan d’une véritable marge de manœuvre diplomatique).
D’autres critiques vont plus loin et mettent en garde Washington contre les effets néfastes pour les intérêts stratégiques américains en Asie d’une politique trop favorable à Pékin. Du point de vue de ceux qui, aux Etats-Unis, défendent l’identité taiwanaise et sa démocratie face à la Chine autocrate, les prises de position de Washington à l’automne 2007 en faveur de Pékin et contre les initiatives de Chen Shui Bian, signalent la tendance américaine à laisser la Chine peser unilatéralement.
Mais il y a plus : alors que les Etats-Unis avaient toujours assuré à Taipei qu’ils ne joueraient jamais les médiateurs entre la Chine et Taiwan, les mêmes observateurs s’inquiètent d’une récente proposition de l’Amiral Keating, commandant la flotte du Pacifique, d’organiser une rencontre entre Chinois et Taiwanais pour « apaiser les relations dans le Détroit ».
Dans ce contexte, les critiques indiquent qu’un rapprochement sans contrepartie entre Washington et Pékin et une rupture des équilibres dans le Détroit en faveur de la Chine mettraient mécaniquement en danger l’efficacité des alliances militaires avec Séoul et Tokyo et fragiliseraient l’influence de Washington dans toute l’Asie.
On le voit, la question de l’intérêt stratégique des Etats-Unis dans le contexte de l’évolution des relations Chine-Taiwan est clairement posée. Elle renvoie non seulement au rôle des Etats-Unis, garants des équilibres dans le Détroit, mais à leur influence en Asie. Lors de son passage à Pékin, Hillary Clinton, focalisant sur la crise économique et les questions d’environnement, s’est gardée d’évoquer ces réflexions, d’autant que l’heure est l’apaisement.
Mais, compte tenu de l’intérêt affiché par la nouvelle administration américaine pour l’Asie Pacifique et l’ASEAN, où ils constatent que la démocratie, l’état de droit et les règles de transparence des politiques publiques peinent à s’imposer, il est difficile de croire que Washington restera inerte si la Chine menaçait directement l’identité de Taiwan, seule référence vraiment démocratique du monde chinois et l’un des verrous historiques de son influence en Asie.