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Le sommet intercoréen du 27 avril 2018 Des symboles à transformer en résultats concrets lors du sommet Trump-Kim

L’exigence économique.

Depuis quelques années, l’économie nord-coréenne semble connaitre un début de renaissance (confirmée en 2016 avec une croissance de 3,5%, la plus importante depuis 17 ans).

Mais cette dynamique ne peut se confirmer et se poursuivre sans levée des sanctions et sans un soutien massif extérieur, en particulier de la Corée du Sud, non plus sous la forme de micro-projets ou d’expériences (comme le complexe industriel de Kaesong ou le développement du site touristique de Kumgang san) mais sous celle d’un plan d’assistance d’envergure comparable au Plan Marshall ou à la constitution d’un organisme similaire à la Treuhand en RDA avant l’unification.

De même, une implication sud-coréenne massive dans l’économie nord-coréenne est indispensable si Pyongyang veut attirer des investissements étrangers et copier, toute proportions gardées, la stratégie de développement économique et de reformes de la Chine de Deng Xiao Ping en instaurant en interne un « management » politico-économique inspiré du régime de Park Chung-Hee qui reconstruisit la Corée du Sud entre 1962 et 1979.

Cela dit, quelle que soit la raison qui pousse KJU à adopter une attitude coopérative, elle est indissociable de la fenêtre d’opportunité unique qu’ont ouverte les récents développements de politique intérieure sud-coréenne et plus encore l’élection à la présidence de Moon Jae-In.

KJU est conscient du fait qu’une présidence conservatrice à Seoul serait un partenaire compliqué pour sortir de son isolement « par le haut ». Or, après la destitution de Park Geun-Hae et avant une possible alternance politique en 2022, Moon Jae-In, politicien progressiste, anti-américain dans sa jeunesse, offre à la Corée du Nord un partenaire favorable à une politique N/S fondée davantage sur l’engagement que la confrontation.

Elément majeur de la stratégie américaine de Pyongyang, le soutien indéfectible de Moon Jae-In est donc encore plus indispensable à la stratégie intercoréenne de Kim Jong-un qui réalise que la société sud-coréenne suit les récents évènements avec la distance désabusée qu’affichent volontiers ceux qui ont beaucoup espéré dans le passé et ont été trop souvent déçus et trompés.

Le défi de l’unification et du traité de paix… vu du Sud

En effet, les Sud-Coréens veulent-ils aujourd’hui un rapprochement avec le Nord ? Rien n’est moins sûr et l’unification n’est plus dans les esprits au Sud où, au fil des années, des occasions manquées et des espoirs trahis s’est développé un nationalisme strictement sud-coréen.

Cette réticence à l’égard de l’unification de la Nation coréenne est encore plus forte quand il s’agit de programmes d’aide économique.

Fiers artisans de la douzième économie mondiale alors que dans les années 60 leur pays était l’un des 10 États les plus pauvres de la planète, les Sud-Coréens estiment que la Corée du Nord a fait des choix qu’elle doit assumer et qu’il est hors de question qu’après avoir payé de leur sang et leur sueur leur développement économique et leur liberté ils payent économiquement pour des Nord – Coréens qui par ailleurs n’ont jamais su saisir les opportunités proposées par le Sud, de Park Chung-Hee à Roh Moo-Hyun.

Moon qui reste fidèle à ses convictions de jeunesse est en décalage par rapport à sa société et KJU a sans doute bien compris que les 5 ans de présidence Moon sont une occasion unique à saisir pour espérer convaincre et raviver au Sud la flamme d’une Corée unifiée, vue de Pyongyang, comme une garantie de survie ou d’évolution du régime nord-coréen.

Motivations de Kim .Jong-un. Une autre hypothèse.

Parmi les questions que l’on peut se poser quand on songe au revirement aussi récent que radical de la posture NK, je ne peux m’empêcher de me demander si des impératifs internes (de stabilité sociale ou de solidité de son pouvoir au sein du système nord-coréen après de lourdes purges) ne peuvent pas aussi partiellement expliquer le besoin urgent de reconnaissance internationale de Kim Jong-un.

Dans cette hypothèse, ce dernier aurait besoin de sécuriser son régime vis-à-vis de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur où, après des années de sacrifice et des sanctions de plus en plus lourdes, la nécessité de promouvoir un développement économique réel se fait plus aigüe que jamais, au prix, s’il le faut de quelques concessions stratégiques.

En conclusion…

Nombreux sont ceux qui estiment que KJU est d’ores et déjà le grand vainqueur de la phase diplomatique qui se joue depuis quelques mois, le sommet N/S et le prochain sommet Trump-Kim l’ayant fait sortir du groupe des parias pour le faire entrer parmi les dirigeants reconnus sur la scène internationale.

Pour autant, l’histoire a montré qu’en Corée il faut se garder de conclusions rapides et trop émotionnelles et cette victoire ne sera pérenne que si le sommet Trump – Kim est lui-même un succès et débouche sur une reconnaissance de la RPDC par les États-Unis et une levée des sanctions.

Si rien ne vient l’entraver, le sommet Trump-Kim se tiendra dans les semaines qui viennent à Panmunjom.

Son enjeu aujourd’hui réside dans le rapport « durée des négociations / résultats concrets ». Tandis que la RPDC tentera de gagner du temps et d’entrer dans un cycle long, les États-Unis voudront sûrement imposer un rythme « shock and awe » et obtenir des concessions concrètes au terme de négociations courtes et rapides pour éviter toute procrastination de Pyongyang et des négociations prolongées que les Nord-Coréens ont toujours su manipuler à leur avantage par le passé.

C’est donc la conclusion du sommet Trump-Kim qui définira si Kim Iong-un a remporté un seul set ou un match, certes en partageant les points avec les États-Unis et en laissant les Sud-Coréens répondre dans le temps à la douloureuse question de savoir si un traité de paix gagné ainsi vaut le fardeau economico-social qui l’accompagne.


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