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›› Chronique

Le Tibet brûle t-il ?

Une profonde fracture culturelle et politique.

La réalité est que la fracture entre, d’une part, les Han, agriculteurs agnostiques des plaines, et d’autre part, le peuple Tibétain, nomades des hautes altitudes, profondément religieux qui, dans les campagnes, consacrent 60% de leur temps aux relations avec les monastères, ne se comble pas facilement.

En Chine, où triomphe le pragmatisme des Han calibré par la stricte rigidité confucéenne, glorifiant le pouvoir politique centralisé et la modernisation matérielle, cette exubérance religieuse qui paraît à certains observateurs une survivance archaïque, est absente. S’il est vrai qu’on constate en Chine une renaissance de la ferveur bouddhiste et chrétienne, celle-ci est soigneusement encadrée par le pouvoir qui continue de surveiller les fidèles avec suspicion.

En dépit des dénégations de Pékin et des efforts concrets consentis pour éradiquer l’illettrisme, améliorer l’état sanitaire de la population locale et l’associer au développement – le gouverneur mis en place après les émeutes de 2008 est un tibétain de souche, ancien militaire de l’APL – les Tibétains perçoivent les politiques centrales comme une très contraignante « mise aux normes chinoises ».

Celle-ci est d’autant plus insupportable à ceux qui rejettent la présence chinoise que, depuis 2006, le train le plus haut du monde reliant chaque jour Pékin à Lhassa en 48 heures par Xining et Golmud fonctionne comme un multiplicateur de l’immigration des Han, dont la proportion à Lhassa dépasserait 50%, selon le Dalai Lama.

Interrogeant l’avenir on ne peut que constater les profondes différences entre les positions de Pékin et celles du gouvernement tibétain en exil. Ce contraste avait été rappelé assez brutalement en 2010 par Du Qinglin, Président de la Commission du Front Uni au Comité Central du Parti : « Il ne s’agit pas de dévoyer la Loi Fondamentale. Les idées de « Grand Tibet » et de « large autonomie » sont contraires à la Constitution. Les négociations ne pourront reprendre que si le Dalai Lama les abandonnait complètement ».

Et s’il est vrai qu’il existe au sein des intellectuels chinois et même du Parti une mouvance moins fermée qui milite pour le réajustement des politiques publiques à l’égard des minorités, le fait est que celle-ci s’exprime beaucoup moins facilement depuis 2010. (Lire notre article)

Nouvelles immolations par le feu.

Le 6 janvier 2012, 2 hommes se sont encore immolés dans la province du Sichuan. Ce qui porte le total des suicides par le feu à 13 depuis mars dernier. Les deux derniers incidents ont eu lieu dans le discrit d’Aba, préfecture autonome de Qian, où ont lieu la majorité des immolations. L’un des deux hommes âgé de 18 ans est décédé, l’autre âgé de 21 ans a été sauvé par la police.

Brève histoire des relations sino-tibétaines.

640 après JC : Songtsang Gampo, roi du Tibet épouse Wencheng, une nièce de l’Empereur Taizong des Tang, en même temps qu’une princesse népalaise. Les deux princesses sont bouddhistes et participent du développement de la religion bouddhiste au Tibet. Celle-ci s’affirmera au VIIIe siècle en partie par l’afflux des réfugiés fuyant l’Asie Centrale devant les envahisseurs arabes et kazakhs.

Entre 640 et 691, le Tibet s’empare de la vallée du Yarlung (Brahmapoutre) et annexe les actuelles régions du Qinghai, du Gansu et du Xinjiang. 692 : Le Tibet essuie une défaite militaire contre la Chine à Kashgar et s’allie aux Arabes et aux Turcs orientaux.

Début du VIIIe siècle : expansion de l’empire Tang jusqu’à sa défaite contre les Arabes à Talas en 751. Déclin rapide des Tang qui permet au Tibet de reprendre le contrôle d’une partie de l’Asie Centrale.

763  : Les Tibétains tiennent le nord de l’Inde et occupent Chang’an – actuelle Xian – capitale des Tang. 822 : Traité de paix entre le Tibet et la Chine. Le royaume du Tibet est maître de l’Asie Centrale.

842 – 1247 : Le Royaume du Tibet est divisé et en proie à des guerres internes.

Début du XIIIe siècle : Le Tibet devient un état tributaire puis une partie de l’empire Mongol (Dynastie chinoise des Yuan).

1368 : Chute des Yuan. Le Tibet réaffirme son indépendance et refuse de payer tribut aux Ming.

1474 – 1642  : Unification politique et religieuse du Tibet. Elle permit à Lobsang Gyatso, 5e Dalai Lama de devenir le chef spirituel et séculaire du Tibet grâce à l’aide des Mongols auxquels il était apparenté.

Le titre de Dalai Lama (transcription de Tale – Océan de sagesse -) fut pour la première fois donné par Altan Khan prince mongol, descendant de Kubilai Khan, à Sonam Gyatso, 3e successeur du fondateur de la secte des Gelugpa - Bonnets Jaunes – qui devint progressivement la secte la plus puissante du Tibet. Yonten Gyatso (1589-1616), 4e Dalai Lama, était le petit fils d’Altan Khan.

1644  : Chute des Ming, avènement des Qing.

1645  : Début de la construction du Potala qui symbolise l’unité des pouvoirs religieux et politique.

1653 : Le 5e Dalai Lama, Lobsang Gyatso, rend visite l’empereur Shunzi, 2e souverain des Qing.

1682  : Mort du 5e Dalai Lama, dont le décès est tenu secret jusqu’en 1696 pour permettre de terminer la construction du Potala et consolider le trône du Dalai Lama.

1697 : Intronisation du 6e Dalai Lama Tsangyang Gyatso qui fut déposé par Lobsang Khan en 1705 à cause de sa vie dissolue.

1720  : L’empereur Kangxi, réagissant à une attaque contre le Tibet menée par les Mongols Dzungars, pillards irrespectueux de la religion lamaïque, place définitivement le Tibet sous la coupe de la Chine et intronise le 7e Dalai Lama, Kelzang Gyatso.

En 1788, Le Qing repousse une attaque népalaise. Dans la foulée il désolidarise du Tibet les régions de l’Amdo et de Kham qu’il adjoint au Qinghai. Les frontières du Tibet sont fixées jusqu’en 1920.

1804 – 1895  : Relations heurtées avec Pékin, qui tente d’imposer sa loi sans y parvenir complètement. Aucun des 5 Dalai Lama de cette période n’est resté sur le trône au-delà de l’âge de 19 ans. Soit que Pékin destituait celui en place, soit que Lhassa le relevait parce qu’on le jugeait trop inféodé aux Qing.

A partir de 1842 (1er traité inégal de Nankin), la Chine est affaiblie et le Tibet s’ouvre aux Occidentaux.

1903  : Les Britanniques envahissent le Tibet et prennent le contrôle des affaires du Royaume après un traité signé avec Lhassa, la Chine, le Népal et le Bhoutan.

1904 : Le 13e Dalai Lama Thubten Gyatso fuit à Pékin par la Mongolie avant de revenir à Lhassa en 1909 et d’émigrer en Inde après une offensive de Pékin.

1911  : Chute des Qing.

1912 : Retour du Dalai Lama à Lhassa.

1913  : Le Dalai Lama déclare l’indépendance du Tibet. Les puissances occidentales ne lui apportent pas leur appui.

1914 : Echec de la Convention de Simla préparée par Lhassa, Pékin et Londres, mais finalement refusée par Pékin, qui établissait un Tibet intérieur – le Qinghai – et un Tibet extérieur – le plateau du Tibet – et proposait une garantie d’autonomie, en même temps que l’intégrité des 2 territoires.

1914 – 1933  : Troubles internes en Chine. Le Tibet jouit d’une indépendance de fait. 1932  : L’armée de la République de Chine (Tchang Kai Chelk) inflige une défaite aux militaires tibétains qui avaient tenté de se saisir du Qinghai. Les Britanniques appelés au secours ne réagissent pas.

1933 : Décès du 13e Dalai Lama. Invasion de la Mandchourie par le Japon.

1937  : Tenzin Gyatso, le 14e Dalai Lama toujours en fonction, commence à Lhassa son éducation de futur souverain spirituel du Tibet.

1949  : Avènement de la République Populaire de Chine.

1951  : Signature de l’accord en 7 points établissant le contrôle de la RPC sur le Tibet en échange d’une promesse d’autonomie par Mao Zedong. Début d’une politique de redistribution des terres enlevées aux monastères et suppression du servage. Résistances des moines et répressions.

1956  : Début d’une révolte qui dura trois ans et fit plusieurs dizaines de milliers de morts parmi les Tibétains. Certaines sources estiment les pertes tibétaines à 300 000.

17 mars 1959 : Sous la menace d’une forte pression militaire chinoise, le Dalai Lama prend la fuite en Inde aidé par des agents de la CIA parachutés sur le plateau depuis quelques années.

De 1959 à 1961, puis pendant la révolution culturelle, plus de 6000 monastères furent détruits et des milliers de moines et nones bouddhistes torturés et tués.

1989 : Le Panchen Lama autorisé par Pékin à retourner à Lhassa meurt de manière suspecte d’une attaque cardiaque.

1989  : Le 14e Dalai Lama obtient le Prix Nobel de la paix.

2006 : Le Dalai Lama affirme que les Tibétains ne réclament pas l’indépendance du Tibet, mais seulement l’autonomie promise par Pékin en 1951. Pékin rejette systématiquement les références au « Grand Tibet » et suspecte le chef religieux en exil de fomenter des révoltés séparatistes.

Le 10 mars 2008, lors du 49e anniversaire du soulèvement de 1959, émeutes à Lhassa qui s’étendent au Gansu, au Qinghai et au Sichuan. 18 Han sont assassinés. La répression de Pékin menée par 5000 militaires et paramilitaires fait une centaine de morts. Plus de 2000 personnes sont emprisonnées.


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