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›› Editorial

Les non-dits de l’étrange accord commercial sino-européen ou l’improbable émancipation stratégique de l’UE

Critiques parlementaires.

Alors qu’à Bruxelles, Ursula Von der Leyen, la Présidente de la Commission, défendait l’accord en rappelant qu’il ne faisait que mettre l’UE au niveau de la phase 1 des accords commerciaux sino-américains conclus en janvier 2020 à Washington [1], « les valeurs », étaient précisément un des thèmes majeurs des principales critiques venant des parlementaires européens et de plusieurs États.

Le 30 décembre, Guy Verhofstadt, député européen, tendance libérale, candidat malheureux à la présidence du Parlement en 2017, ancien premier ministre de Belgique, fustigeait sur Twitter les « histoires horribles de travail forcé en provenance du Xinjiang » et doutait de la parole de la Chine en matières de droits de l’homme et de droit du travail.

L’Allemand Reinhard Bütikofer, de la mouvance politique des « Verts », président du groupe parlementaire pour les relations avec la Chine, doutait lui aussi des promesses chinoises d’abandonner les pratiques de travail forcé, alors que Pékin, membre fondateur de l’Organisation Internationale du Travail, n’avait toujours pas ratifié les dispositions qui le condamnent. « Il est risible que la Commission et Berlin présentent l’accord comme un succès ».

Au passage, comparant la méthode au « cavalier seul de D. Trump », il critiquait la précipitation contredisant la promesse de se coordonner avec l’administration Biden. La dénonciation. d’un accord signé dans précipitation était reprise par Varsovie.

Le 31 décembre, un article de Foreign Policy, signé Noah Barkin, éditeur de Rhodium Group et chercheur associé du German Marshall Fund, résumait les réticences américaines.

« Le moins qu’on puisse dire est que le “timing“ est étrange. Il est difficile de ne pas voir que l’accord est un camouflet infligé à la future administration américaine dont l’une des intentions exprimées est de réparer le lien transatlantique et de coopérer sur la question des défis stratégiques posés par la Chine ».

Ces réflexions ouvrent une nouvelle piste d’analyse. A côté de la Chine, elle place au centre la menace pesant sur la relation transatlantique et spécule sur la volonté des Européens, que les critiques jugent naïve, de rehausser leur influence mondiale en jouant le rôle de médiateur stratégique entre Pékin et Washington.

L’Europe en quête d’indépendance stratégique.

C’est peu dire que la présidence Trump tentée par le vieil isolationnisme a laissé des traces négatives dans l’esprit des élites européennes. Alors que fait rage la querelle stratégique sino-américaine, le contrepied de Bruxelles sonne comme la tentative de donner une leçon de mesure et de multilatéralisme à l’Amérique où les partisans de D. Trump restent nombreux.

Alors qu’en Europe les esprits doutent de plus en plus du futur de la relation transatlantique, l’essai de restauration du rôle stratégique de l’Union à la faveur des tensions avec la Chine, est cautionnée par Paris.

Le Président Macron, présent à la vidéo-conférence de signature, fervent avocat d’un rôle global accru d’une Europe plus forte, peut espérer rester en prise avec cette trajectoire vertueuse, après le départ des affaires d’Angela Merkel, puisqu’au moment de la ratification de l’accord commercial en 2022, c’est la France qui assumera de janvier à juin, la présidence de l’UE.

Bien plus que la portée de ses modalités pratiques (lire les détails de l’accord en annexe), l’accord sino-européen paraît un signal envoyé aux jusqu’au-boutistes américains de la confrontation tous azimuts avec la Chine, signifiant que le choix manichéen sans esprit de recul pourrait conduire au désastre.

Le pari n’est pas gagné puisqu’il spécule sur la solidarité européenne non seulement face à la Chine, mais également au milieu des doutes d’une relation transatlantique sérieusement mise à l’épreuve.

Surtout, la manœuvre fait l’impasse sur les intentions de Pékin d’élargir l’empreinte globale de son modèle de gouvernance antidémocratique, alors qu’une des initiatives du Portugal qui vient de prendre la tête de l’UE, le 1er janvier, est précisément de renforcer les droits sociaux européens lors d’un sommet social prévu les 7 et 8 mai à Porto.

Il est vrai que Lisbonne prévoit aussi d’organiser un sommet avec l’Inde pour afficher « la capacité d’autonomie stratégique de l’UE ». Mais, il n’est pas certain que l’ostentation d’une proximité avec New-Delhi suffira à tenir à distance les risques stratégiques posés par les prétentions chinoises en mer de Chine du sud que les États-Unis sont objectivement les seuls à contester efficacement.

Il en va de même des tensions dans le Détroit de Taïwan dont les enjeux sont aujourd’hui haussés à hauteur d’un défi aux systèmes démocratiques de la planète.

Note(s) :

[1Signé le 15 janvier 2020 à la Maison Blanche entre D. Trump et le Vice-Premier ministre Liu He, la phase 1 prévoyait la baisse des taxes sur les exportations chinoises en échange des promesses de Pékin d’augmenter les achats de gaz et de produits agricoles et manufacturés américains, en même temps qu’il condamnait les pratiques de viol de la propriété intellectuelle.


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