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›› Editorial

Les repères brouillés du Parti

Hésitations au sommet. L’indiscrétion grandissante des médias.

A Pékin, l’oligarchie au pouvoir n’est pas non plus à la fête, secouée par les relents nauséabonds du scandale Bo Xilai et harcelée par la nouvelle obsession de transparence des médias qui, de plus en plus, dévoilent les connexions affairistes des hautes sphères du Parti, affaiblissant d’autant ses exhortations morales et ses appels récurrents à lutter contre la corruption. La dernière cible en date étant le futur Secrétaire Général lui-même, dont Bloomberg a, le 29 juin dernier, révélé la longue liste d’intérêts économiques et financiers dissimulés sous des prête-noms, dans l’immobilier, les terres rares et la téléphonie mobile.

Dans ce contexte incertain et fragile, que Hu Jintao lui-même - interpellé par un activiste de la Région Administrative Spéciale - a pu mesurer le 1er juillet, lors de l’anniversaire de la rétrocession à Hong Kong, comment affronter sans risques majeurs les accès de fureur des laissés pour compte ou de ceux qui, découvrant la puissance politique d’Internet, tiennent de plus en plus à participer à la gestion du pays ou à faire valoir leurs avis et leurs droits ?

Depuis l’épisode catastrophique de Tian An Men, le Parti considère avec crainte les conséquences néfastes d’une répression brutale et indiscriminée. Même s’il s’y résout parfois dans les cas extrêmes où il estime que l’unité du pays et la pérennité de son pouvoir sont en cause, il a depuis longtemps donné des consignes pour assouplir autant que possible les heurts avec la foule et éviter à tous prix les bains de sang.

A ces questionnements qui ne sont pas minces et renvoient indirectement à la question sensible de la loyauté au Parti, lui-même hésitant sur la route à suivre, le système apporte globalement deux séries de réponses débattues à l’Ecole Centrale du Parti, et dont les idées ne sont pas exclusives les unes des autres.

Au-delà du consensus contre la répression brutale et indiscriminée, elles proposent des solutions alternatives différentes. Les premières qui pourrait être qualifiées de « conservatrices », cherchent des boucs émissaires et désignent à la fois l’incompétence des cadres subalternes et les effets pervers de l’influence étrangère, militant pour un regain de la propagande idéologique et l’affirmation confiante des spécificités de la culture chinoise.

Autrement dit, pour ce groupe auquel se rattachent naturellement Li Changchun, maître de la propagande, ainsi que Hu Jintao et son successeur, Xi Jinping, qui tous deux ont récemment abordé ces thèmes controversés sous l’angle de la différence culturelle, l’éducation politique doit persuader les masses que, désormais, dans le chaos du Monde et les interrogations qui surgissent sur la pertinence de l’Occident et de son système, le Parti est en mesure d’offrir autre chose que le simple progrès économique et social.

L’autre sensibilité, plus « réformiste », défendue par Wang Yang, le Secrétaire Général de Canton, Wen Jiabao, Li Keqiang le premier ministre et son successeur, ainsi que Li Yuanchao, le très consensuel diplômé de la Kennedy School of Government de Harvard, actuel grand maître de l’organisation interne du Parti, prône l’amélioration du niveau des cadres pour les rendre plus capables d’anticipation et d’écoute, par la formation et le relèvement de leur niveau de recrutement et de sélection. L’écrémage des meilleurs, ajoute Li Yuanchao, ne pourra pas se passer plus longtemps d’une sélection démocratique des candidats par un processus électif ouvert et compétitif, seule manière, avec la lutte contre les abus et la corruption, d’améliorer la légitimité des membres du Parti.

Philosophiquement les deux tendances sont à l’exact opposé l’une de l’autre. La première procède de l’ancienne tendance à la glorification culturelle chinoise qui stigmatise l’étranger, avec, en arrière pensée, le rejet d’une ouverture politique à l’Occidentale, considérée comme dangereuse pour le magistère du Parti. La deuxième qui, elle aussi, ne prétend pas mettre en danger le Régime, prône cependant le progrès qualitatif par la compétition démocratique, la transparence, l’ouverture et le respect de l’état de droit.

Il serait cependant erroné de croire que ces mouvements s’arc-boutent l’un contre l’autre, sans aucune porosité entre eux. Mais, pour l’heure, c’est bien la tendance adoptée par Hu Jintao et Xi Jinping, plutôt xénophobe, antioccidentale et moins portée aux réformes politiques, qui domine. Les deux semblent avoir fait alliance pour imposer leur ligne au Parti et l’unité de pensée du système chinois en cette période troublée.

Le calicot brandi par les manifestants à Shifang, souhaitant à la fois l’expulsion de l’usine de cuivre et longue vie au Parti, pourrait les conduire à penser que leur marge de manœuvre est encore confortable.


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