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Les « Sheng Nü » laissées pour compte et le renforcement du patriarcat

Récemment, sur Weibo, une jeune femme célibataire a appelé les parents à cesser de faire pression sur leurs filles pour qu’elles trouvent absolument un mari avant 25 ans. La précipitation, écrit-elle en substance, est mauvaise conseillère et les mariages arrangés par la famille se terminent souvent mal.

Pourtant ce qui semble n’être qu’une simple survivance traditionnelle démentie par la célébrité des femmes seules ayant pris leur destin en main, n’est pas en passe de disparaître avec la modernisation du pays. Elle traduit en réalité un regain de paternalisme. Attisée par le poids des contraintes socio-économiques qui, dans la majorité des cas rendent les enfants - et notamment les filles - très dépendants des parents, par exemple pour acheter un logement, la vieille prévalence patriarcale favorisant les hommes plutôt que les femmes, redevient progressivement la norme.

C’est ce que révèle une longue étude de Leta Hong Fincher publiée en 2014 « Leftover women. The resurgence of gender inequality in China – Les femmes laissées pour compte. La résurgence de l’inégalité des sexes en Chine ». Docteur en sociologie de l’université Qinghua, diplômée de Stanford et Harvard, son livre a été unanimement acclamé par la critique à sa publication.

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Depuis sa prise de pouvoir en 1949 le Parti Communiste a toujours affiché ses intentions de réduire les inégalités hommes – femmes, avec cependant d’importantes faiblesses de la représentation des femmes dans les strates élevées du parti et du pouvoir.

A 24%, le nombre de femmes au Congrès se situe dans la moyenne des parlements mondiaux (23,4%), mais quand on aborde les eaux du pouvoir politique direct la proportion baisse brutalement : elles ne sont que 10 sur 204 au Comité Central (4,9%), tandis qu’au bureau politique où leur nombre a toujours été réduit, Sun Chunlan est aujourd’hui la seule femme au cœur du pouvoir chinois.

Cette tendance à restreindre le pouvoir des femmes au sommet politique du pays, avait été stigmatisée en 2010 par Fu Ying, actuelle présidente de la Commission des affaires étrangères de l’ANP, lors d’un forum sur l’égalité des sexes à Shanghai « L’idée de supériorité des hommes et de l’infériorité des femmes perdure et la proportion de femmes participant à la vie politique reste faible. Pour beaucoup de femmes, leur ciel est encore bas et leurs ailes sont toujours minces. 她们的天空依然很低, 羽翼依然单薄. tamen de tiankong yiran hen di, yuyi yiran danbo. »

Fustigeant la Chine ancienne et Confucius, Mao affichait pourtant ostensiblement l’égalité hommes-femmes. « Les femmes soutiennent la moitié du ciel » disait-il, lui qui avait besoin des femmes pour transformer l’ancien monde chinois qu’il qualifiait de « féodal ».

De fait, la loi maoïste sur le mariage mettait fin aux mariages arrangés par la famille, abolissait les concubines et établissait – coup de tonnerre dans la Chine traditionnelle patriarcale – l’égalité de droit entre époux. Qui dit mieux ?

Pour faire bonne mesure Mao qui lui-même ne traita jamais très bien ses femmes, s’attaqua à la prostitution. Après avoir fermé toutes les maisons closes, il fit prodiguer des soins à leurs pensionnaires en même temps que des séances d’éducation politique.

Alors que 9 femmes sur dix ne savaient ni lire ni écrire, l’éducation entrait d’autant plus dans ses priorités qu’en arrière-plan flottait l’idée de les émanciper de leurs familles et des tâches ménagères, pour mieux les envoyer à l’usine et aux champs.

40 ans après la mort de Mao, la force du patriarcat faisant que les femmes non mariées n’ont pas de statut reste vivace. Dans les provinces ont peut encore trouver des livrets de famille calligraphiés à l’ancienne où le nom des femmes n’est pas mentionné.

En 2015, un sondage du site de rencontres et de mariages 珍爱zhenai.com (« Amour précieux, authentique ») fondé en 2005 par le Shanghaïen Li Song, Docteur en économie-finances de l’Université Columbia aux États-Unis révélait que 50% des hommes considéraient toujours les femmes encore célibataires à 25 ans comme des « laissées pour compte ».

L’état d’esprit croise chez nous la vieille coutume des « Catherinettes » désignant les femmes ayant plus de 24 ans toujours célibataires. Mais autant la tradition française devenue aujourd’hui désuète avait un parfum d’aimable taquinerie, autant le terme chinois 剩 女 – Sheng nü ayant la signification dérogatoire et méprisante de « restes », est une blessure. Sa portée désobligeante rejoint celle rémanente de « vieille fille » en Occident où l’expression qui a tendance à disparaître ne s’applique cependant pas avant l’âge de 40 ans.


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