Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Société

Les « Sheng Nü » laissées pour compte et le renforcement du patriarcat

La tentation de l’eugénisme politique.

Ayant constaté en 2007 que les Chinois moyens étaient affligés de diverses insuffisances pouvant à l’avenir handicaper la modernisation du pays et sa montée en puissance, le Conseil des Affaires d’État se lança dans une vaste politique d’amélioration qualitative de la population.

Dans une note du Quotidien du Peuple datant du 3 décembre 2008, on pouvait lire ceci : « La main d’œuvre de qualité insuffisante, la faible capacité d’innovation individuelle sont devenues des facteurs cruciaux du développement économique - 劳动力素质不高, 自主创新能力不强, 已经成为掣肘中国经济发展的重要因素 Laodongli su zhi bu gao, zizhu chuangxin nengli bu qiang, yijing chengwei chezhou zhonggu jingji fazhan de zhongyao yinsu. »

Et « Améliorer la qualité de la population et réaliser la transition d’un grand pays à la population nombreuse vers des ressources humaines de qualité est une priorité - 提高人口素质实现人口大国向人力资源强国的转变, 其迫切性日益凸显. Tigao renkou suzhi, shexian renkou daguo xiang renli ziyuan qiangguo de zhuanbian, qi ppqie xing riyi tuxian.

Si le constat est louable et l’intention vertueuse, en revanche la méthode qui consista à cibler spécialement les filles Sheng Nü éduquées pour les pousser au mariage alors que les paysannes ne furent l’objet d’aucune incitation particulière du pouvoir, est pour le moins sujette à caution.

Certaines organisations sociales comme la puissante fédération des femmes furent enrôlées avec le bureau de la sécurité publique (ce qui marque l’extrême degré de priorité accordée à l’entreprise) pour participer par une série d’articles, de rapports et de dessins animés pédagogiques, au lancement des campagnes incitant les femmes seules au mariage.

Utilisant toujours la même rhétorique, les cibles étaient d’abord – priorité qualitative oblige – les femmes seules éduquées, privilégiant leurs carrières. Au pire, elles furent sévèrement critiquées : « elles n’aimaient pas le sexe  » ; « leurs exigences étaient trop élevées » ; « elles avaient peur de s’engager ».

Aujourd’hui, la propagande évolue pour inclure les femmes seules divorcées qui « prennent l’excuse de leurs enfants pour ne pas se marier  » ; depuis quelque temps, les femmes propriétaires d’un appartement tiennent la corde des objectifs de campagnes « Sheng Nü  », accusées de «  s’enfermer dans un sentiment factice de sécurité », en achetant elle-même un appartement, ce qui, dit la propagande, « augmentera encore la difficulté de trouver un époux  ».

En réalité le pouvoir tente dans l’urgence de prendre le contrepied d’une évolution naturelle des femmes à l’œuvre à Singapour, à Hong-Kong, à Taïwan, en Corée du sud et au Japon qui privilégient d’abord leur carrière au mariage et à la fondation d’une famille.

Mais, souligne Leta Hong Fischer, il est remarquable que le Parti n’encourage pas les femmes rurales sans éducation – classées dans la catégorie « faible qualité – 素质低- suzhi di - » à se marier.

La stabilité sociale, une des priorités cardinales de politique intérieure, est un autre facteur entrant dans les calculs du pouvoir. Qu’à la suite des incitations au mariage des « laissées pour compte  », le taux des femmes ayant un emploi dans les villes baisse parce qu’elles se consacrent à une famille, n’est pas le souci du régime.

S‘agissant du marché de l’emploi, sa seule préoccupation est le taux de chômage des hommes, source potentielle de troubles sociaux. L’emploi des femmes n’est pas une priorité.

A contre-courant des familles monoparentales.

En haussant l’analyse d’un étage on voit se dessiner un nouveau terrain d’affrontement culturel avec l’Occident et les États-Unis où les exacerbations féministes d’indifférenciation des sexes par la « théorie du genre  » et la multiplication des familles monoparentales télescopent de plein fouet la vieille tradition patriarcale chinoise. Ses alarmes ne sont pas vaines.

Première en Chine, à la fin janvier, une jeune femme célibataire de 27 ans qui se nomme elle-même Alan 阿 烂, a adressé une lettre ouverte publiée sur internet à 64 députés de l’Assemblée Nationale Populaire pour qu’ils l’autorisent à avoir accès à la banque chinoise du sperme afin de lui permettre de concevoir un enfant seule hors mariage par insémination artificielle.

Dans sa lettre on lit qu’elle ne voulait pas se marier, mais qu’elle souhaitait avoir un enfant « 当前不想结婚, 但是想要生育孩子 ». C’est pourquoi « elle cherchait du sperme pour tomber enceinte - 在2019年一定要找到精子并怀孕 ».

Et, par une profession de foi assurément troublante pour les promoteurs politiques du mariage des femmes laissées pour compte appuyé à une vision patriarcale de la famille et de la société où la naissance d’enfants ne se conçoit pas pour une femme seule : « A mesure que je vieillis, mon désir d’avoir un enfant augmente 自己想要生孩子的愿望随着年龄的增长越来越强烈. » et « bien que pas disposée pour le mariage (elle dit avoir cherché en vain un mari), je suis physiquement et mentalement prête à être maman 在心理和生理已经做好了当妈妈的准备 ».

Et surtout, à contre courant radical de la vieille conception traditionnelle confucéenne de la famille : « je crois que l’association entre le mariage et la naissance d’un enfant n’est pas logique 并且认为婚姻和生育捆绑在一起是没有道理的 ».

Enfin, après avoir regretté que la banque du sperme ne soit pas ouverte aux femmes seules et indiqué qu’elle chercherait un donneur sur le net, elle a abordé la question démographique cruciale pour les planificateurs : « les femmes seules comme moi très déterminées peuvent aider le pays à rehausser sa natalité. Pourquoi sont-elles confrontées à toutes ces restrictions.  ? 我们这种生育意愿强烈但暂时没有结婚打算的单身女性能在国内生育为国家的生育率做出贡献为什么反而还被禁止呢? »


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Le net chinois et la fraude au semi-marathon de Pékin

Suicide d’une interne à l’hôpital public

Orage nationaliste sur les réseaux sociaux

Réseaux sociaux : La classe moyenne, l’appareil, les secousses boursières et la défiance

L’obsession des jeux d’argent et les proverbes chinois