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Les tribulations du « Crédit social ». Du redressement éthique à la mise aux normes politique

S’il est exact que le Crédit Social est en train de devenir un outil de surveillance, son objectif initial était de lutter contre l’absence de repères moraux de la société. La constitution d’une base nationale de données jusqu’ici éparpillées augmentera le pouvoir inquisiteur de parti. Pour l’instant l’appareil est encore très loin d’avoir automatisé la collecte des données individuelles de tous les Chinois. Le nombre d’entreprises et de particuliers concernés reste faible, tandis que les dernières technologies de reconnaissance faciale ne sont, pour l’instant utilisées qu’à la marge.


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Un des volets du 14e plan quinquennal adopté lors de la dernière ANP entérinait le fait que le « Crédit social » s’inscrit dans la vision de Xi Jinping d’une gouvernance politique idéale du pays, articulée à la maîtrise de l’information par le truchement du contrôle numérique.

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Nombre d’articles et d’études [1] montrent que la synthèse numérique de la société chinoise souffre encore de multiples lacunes dont celle de sa fragmentation, résultat d’une application erratique de normes pas encore unifiées.

La mise en œuvre inégale du système induit des inconvénients et des risques pour les groupes industriels chinois et étrangers autant que pour les individus. Les uns et les autres sont en effet obligés de naviguer dans un maquis de règles, de standards et de sanctions dont les écarts d’une région à l’autre et au gré de l’administration, finissent par conduire à l’arbitraire.

Conscient du problème, le gouvernement chinois a commencé à clarifier et à unifier le concept, mais, compte tenu de l’éparpillement géographique et du contraste dans la mise en œuvre – y compris dans la philosophie même du projet -, il est peu probable qu’il y parvienne avant longtemps.

A l’origine, un souci de redressement étique et moral.

Il est difficile de comprendre l’adhésion des Chinois au CS si on oublie que la plupart sont en quête d’une meilleure sécurité éthique et morale et que le projet est avant tout vu par le régime à la fois comme une éducation et une dissuasion. Il n’est pas impossible que la puissance inquisitrice du système s’aggrave à terme. Mais à la fin de 2020, le nombre d’entreprises, de particuliers ou d’agences publiques inscrits sur une liste noire restait en moyenne inférieur à 5%.


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La genèse du projet se prévalait d’une vertu éducatrice dans une société chinoise que l’appareil lui-même avait qualifiée de « société de basse confiance - 低信任 社会 », handicapée par un déficit de critères moraux, conséquences de la frénésie affairiste ayant explosé après l’ouverture socio-économique de Deng Xiaoping.

La soudaine aisance sociale de la population tranchant avec la frugale disette maoïste, s’est accompagnée d’une profusion de scandales alimentaires, de sévères violations des lois du travail et de la propriété individuelle et de désastres écologiques. Le tout baignant dans la lèpre de la corruption rampante de l’administration, au point qu’à la fin 2011, le Parti était à vendre au plus offrant.

A cette époque, le sociologue Zhang Musheng, expert en développement rural écrivait dans un ouvrage intitulé « Modifier notre approche culturelle de l’histoire 改造 我们的文化历史观 - » : « Aujourd’hui il n’y a pas seulement une collusion entre des bureaucrates corrompus, le capital et des intermédiaires parasites, il y a aussi les dirigeants qui se vendent et la manipulation du pouvoir politique corrompu par des réseaux criminels ».

Après quoi, les dévoilements en cascade des turpitudes de l’oligarchie par la campagne anti-corruption diligentée par la Commission Centrale de discipline à l’époque dirigée par Wang Qishan, l’actuel Vice-Président, confirmèrent l’analyse. Il se trouve qu’à ce moment l’appareil avait déjà dans ses soutes, l’embryon d’une riposte par ce qui allait devenir le « Crédit Social ».

Note(s) :

[1Dont celui du SCMP datant du 9 août 2020, qui s’ajoute à des études de terrain relayant des témoignages chinois, dont celle de l’Institut Mercator for China Studies (MERICS) par Katia Drinhausen et Vincent Brusse.


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