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Les vents contraires de la relation Chine – Europe

Une stratégie tentaculaire.

Alors que les investissements directs étrangers chinois restent encore très en deçà du sentiment que donnent les hyperboles diffusées par les médias, la stratégie portuaire chinoise donnant le sentiment d’une manœuvre globale génératrice de craintes, mérite attention.

A la date de rédaction ce cette note, Pékin a pris le contrôle par des contrats de leasing plus ou moins longs et plus ou moins chers des ports australiens de Darwin (Leasing de 99 ans, contre 361 millions de $), et de Newcastle (99 ans, 1,6 Mds de $), alors qu’une négociation politiquement très controversée à Sydney est en cours pour le port de Melbourne avec, à la clé, 7 Mds de $ par le fond d’investissement chinois CIC, lui-même appuyé par un fond australien.

Les autres ports dont la gestion est devenue chinoise ou qui abritent une puissante logistique chinoise installée ou en cours d’installation, se trouvent en Indonésie (Bitung, – dans les Célèbes à l’Est du vaste archipel fermant la mer de Chine du sud où, depuis 2010, les investissements chinois ont été multipliés par 7 à 1,4 Mds de $ - ce qui objectivement est encore peu) ;

En Malaisie, à Penang (2 Mds de $, par une coentreprise sino-malaise) ; au Myanmar où la Chine négocie à Kyauk Pyu (État de Rakhine à l’ouest) un investissement controversé du groupe CITIC à plus ou moins 85% des parts (entre 4 et 6 Mds de $) ; au Sri Lanka (ports de Colombo et Hambantota où la Chine avance ses intérêts en dépit de sérieuses réactions adverses - 1 Mds de $ contre un leasing de 99 ans à Hambantota) ;

A Djibouti où Pékin construit une base militaire, en face du port pakistanais de Gwadar, terminal du « Corridor pakistanais » en passe de devenir une base militaire où Pékin investit 46 Mds de $, point d’entrée d’un gazoduc et d’un oléoduc vers le Xinjiang.

En Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie) ; en Afrique de l’Ouest (Nigeria, Benin) ; en Egypte (Port Saïd) ; en Israël (3 Mds de $ pour les ports de Ashdod et Haïfa). A cette liste s’ajoutent des ports en cours de négociation plus ou moins abouties ou déjà conclues en Europe du nord (Islande, Norvège, Arkhangelsk, Pays Baltes) ;

En Bulgarie (Burgas) et en Grèce (Port du Pirée, où COSCO détient 67% du capital pour la gestion de 3 terminaux, stimulant appréciable de l’économie grecque, pourvoyeur de 1000 emplois avec cependant des conditions de travail et de salaires contestables ) ; à Algésiras, Valence et Bilbao en Espagne ; à Zeebrugge en Belgique, ce dernier étant aujourd’hui contrôlé à 100 % par COSCO.

En revanche des difficultés sont apparues au Havre où la ville est en conflit avec un investisseur chinois d’Aubervilliers n’ayant pas tenu ses promesses et à Rotterdam où le gouvernement des Pays Bas a stoppé les négociations avec COSCO.

Il est important de noter que, plus que de la valeur totale des investissements, somme toutes raisonnables, la crainte des observateurs se nourrit surtout de la puissance du réseau global ainsi créé. Cette angoisse d’une stratégie tentaculaire s’ajoute à celle véhiculée par l’affirmation chinoise de « spécificités » articulées non pas au droit mais à la culture et à l’histoire prenant le contrepied de l’organisation du monde appuyée depuis 1945 sur le droit international.

Notons au passage que l’annexion par Vladimir Poutine de la Crimée en 2014 légitimée et rendue « imparable » par un vote local, prenait également le contrepied du droit international au nom de l’histoire et de la culture.

Captations de technologies.

A côté de l’affaiblissent des règles du droit au profit d’une affirmation identitaire historique et culturelle, à laquelle s’ajoute l’asymétrie des rapports commerciaux créée par l’existence en Chine de 11 secteurs protégés inaccessibles aux investissements étrangers, le dernier point du rapport méritant attention, est l’opiniâtreté avec laquelle la Chine s’efforce par tous les moyens de capter les technologies nécessaires à sa modernisation.

A cet égard, François Godement et Abigaël Vasselier citent l’exemple des chantiers navals STX, cible de l’Italien Fincantieri largement médiatisé en 2017 au cœur des intérêts stratégiques français.

Après avoir, en 2012, racheté 75% du capital du constructeur naval italien Ferreti (Yachts de luxe et vedettes militaires rapides) au bord de la faillite, Shandong Heavy Industry Group a créé au sein de Ferreti une division navale militaire. 5 ans plus tard, China Shipbuilding corporation, un des flambeaux nationaux de la construction navale chinoise concluait un accord avec Fincantieri pour construire à Shanghai des bateaux de croisière civils géants, avec à la clé des transferts de technologies.

La manœuvre chinoise coïncida avec une première tentative avortée de Fincantieri de prendre le contrôle des chantiers navals français STX, n°1 mondial des bateaux de croisière et constructeur du porte-avions français.

Simultanément, Fincantieri signait avec Ferreti, devenu chinois, un accord pour construire des navires de combat, matérialisant ainsi un marchandage qui transférait à la Chine des technologies de constructions navales militaires en échange d’une part sur le marché chinois des navires de croisière.

La suite concerne directement les intérêts français.

Adoptant une stratégie d’approche oblique à la chinoise, Fincantieri a reformulé son offre pour STX, réduisant ses prétentions à seulement 48% des parts.

Mais l’offre était complétée par celle d’une fondation italienne – Fundazione Trieste – offrant de reprendre 7% des parts de STX – ce qui, au total, permet à la partie italienne de contrôler 55% du capital de STX et donc à la Chine d’avoir un point d’entrée vers la construction des porte-avions français par le truchement des accords entre Fincantierri et Ferreti et la promesse française de coopérer avec Fincantieri sur les technologies militaires navales maîtrisées par la Direction des Constructions Navales.

Cet épisode de la captation de technologies sensibles par la Chine n’est pas une première.

2011 fut en effet l’année de la rupture entre la Chine et l’Agence spatiale européenne qui accusait Pékin d’utiliser les travaux pour le système de position Galileo pour développer son propre système : dans une note rédigée en avril 2009, le Dr Casarini, chercheur associé à l’Institut Marie Curie du Centre de recherches avancées de l’Institut Robert Schumann de Florence, écrivait : « Grâce à sa coopération au projet Galileo la Chine développe son propre système de positionnement ». Question Chine avait analysé cet épisode en 2011. Lire : Coopération spatiale Chine - Europe. Projet Galileo.


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