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Liu He à Davos. Entre éloquence, séduction et réalité

Cette année au sommet de Davos c’est Liu He qui représentait la Chine. Economiste réputé du régime, auteur de nombreux articles remarqués, ancien de Beida et diplômé d’administration publique de Harvard, membre du Comité Central depuis 2012, Liu a, à 65 ans, été promu au 19e Congrès au 10e rang protocolaire du régime, l’un des 24 membres du Bureau Politique.

Vice-président de la Commission Nationale de Réforme et développement et n°2 du Centre de recherche du Conseil d’État, il est l’un des hommes de l’appareil les mieux en mesure d’exprimer la séduction chinoise dans ce cénacle de puissants hommes d’affaires adeptes de l’ouverture libérale.

Un économiste au cœur du régime.

Symbolisant les difficiles synthèses du régime entre ouverture, réformes structurelles et nationalisme économique, ses allégeances sont doubles. Ayant, comme lui, fréquenté à Pékin, de 1960 à 1969, l’école n°25 « Ba Yi – 1er août » désignant le jour de création de l’Armée Populaire de Libération en 1927, il est d’abord proche du Président Xi Jinping, dont la philosophie politique est clairement ancrée dans le nationalisme, tiraillé entre l’ambition de créer des grands groupes chinois d’envergure mondiale et l’ardente nécessité de réduire les enchevêtrements politico-affairistes qui en constituent l’actuelle et incontournable matrice.

Il est aussi proche de Li Keqiang, le premier ministre docteur en économie, plus technicien que politique aux convictions réformistes affirmées, persuadé que la persistance des féodalités et des intérêts acquis des grands groupes sont une menace mortelle pour le régime. En 2012, Liu He avait activement contribué à la rédaction du rapport « China 2030 » écrit en collaboration avec la Banque Mondiale, cosigné par l’Américain Robert Zoellick alors président de la Banque et Li Wei, à l’époque le supérieur direct de Liu He au Centre de recherche du Conseil d’État, lui-même supervisé par Li Keqiang.

Le travail avait clairement inspiré la direction politique pour tracer la feuille route des réformes en cours. On y lisait notamment 1) l’urgence de monter en gamme qualitative par l’innovation dans un contexte où les groupes occidentaux et japonais devenaient réticents à partager leurs secrets technologiques ; 2) d’améliorer la gestion et la transparence des groupes publics et 3) de réduire les ingérences politiques dans les affaires, sources de vastes corruptions.

Annonçant la très féroce lutte contre les corrompus et les freins politiques aux réformes, le rapport identifiait même les réactions conservatrices adverses et appelait à la fermeté politique pour les contourner ou les abattre.

Page 65, il pointait du doigt les responsabilités de l’oligarchie affairiste dans les blocages : « le groupe qui résistera le plus aux réformes sera, sans conteste, celui des intérêts corporatistes, tels que les entreprises en situation de monopole sur leur marché, les groupes, institutions ou personnes qui bénéficient de privilèges particuliers ou de traitements préférentiels rendus possibles par l’actuel fonctionnement du pouvoir et des institutions (…). », et plus loin :

« Ces groupes, qui profitent de rentes de situations découlant de leurs relations privilégiées avec les décideurs politiques, protègeront résolument leurs intérêts grâce à leur pouvoir, leurs ressources et leurs connexions. Pour surmonter ces obstacles, le gouvernement devra, à son plus haut niveau, faire preuve de courage, de détermination, de clarté dans l’exposé de ses objectifs et d’un grand charisme politique ».

Un discours lucide, séduisant mais incomplet.

A Davos, Liu He, reprenant une partie du long discours de trois heures trente prononcé par Xi Jinping le 18 octobre à l’ouverture du 19e Congrès, a systématiquement et habilement joué de tous les leviers de la séduction chinoise.

Depuis les spectaculaires et bien réelles réussites socio-économiques, celles de l’aménagement du territoire, de la réduction de la pauvreté, des premiers succès des réformes économiques ayant initié le glissement du schéma de développement vers plus de consommation, en passant par les efforts pour réduire les risques financiers, augmenter le niveau qualitatif de la production, réduire les surplus industriels, notamment dans le secteur de l’acier, combattre la pauvreté et lutter contre la pollution.

Il n’a pas éludé les risques de l’accumulation des dettes, ni ceux structurels de la dépendance énergétique et du stress hydrique accablant tout le nord du pays.

Surtout, il a résolument confirmé le rôle qu’attribuent à la Chine non, sans ambiguïté, nombre de médias internationaux, de défenseur de l’environnement et de rempart contre le protectionnisme de la Maison Blanche, promettant d’augmenter l’obédience au marché de l’économie chinoise et d’accentuer les efforts pour la lutte contre la pollution.

A cet égard, cherchant à renforcer l’image sociale d’un pouvoir à l’écoute des doléances populaires, il a souligné que le vœu le plus cher des Chinois était de rompre avec l’ancien schéma de développement gaspilleur et polluant.

Mais, dans un monde devenu incertain, parfois chaotique, la plus grande puissance d’attraction du discours de la direction politique du régime réside dans sa capacité à présenter une Chine à la fois capable d’une vision de long terme tranchant avec les courtes vues électorales des démocraties occidentales et exprimant un dévouement désintéressé au profit de l’avenir de l’humanité.

Ainsi, en articulant, comme l’avait fait Xi Jinping, le 18 octobre, les étapes du développement aux « caractéristiques chinoises 中国特色 », d’abord à 2020 où sera atteint le niveau d’une « société modestement « prospère – 小康社会 - », puis à 2049, année du centenaire de la prise de pouvoir du Parti en Chine qui verra l’aboutissement du rêve d’un « grand pays socialiste moderne », le discours chinois construit l’image d’un quant à soi à la fois humble et sûr de lui, d’autant plus rassurant et respectable qu’il s’inscrit dans la stabilité, la durée et la raison.

Mais dans le jeu de Pékin, la carte maîtresse de la séduction s’inscrit à l’exact contrecourant du discours nationalistes de Donald Trump quand Pékin affirme que sa grande œuvre stratégique du XXIe siècle des « nouvelles routes de la soie » est un projet qui génèrera des bénéfices pour le monde entier.


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