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Livre Blanc sur la Défense entre ambiguïté et transparence

L’ambiguïté et la part d’ombre.

Mais l’avalanche de détails, dont la plupart sont connus, laisse dans l’ombre quelques points essentiels liés aux efforts budgétaires consacrés à la R&D, à la conception de nouveaux équipements, à la posture internationale de la Chine et à l’état de sa dissuasion nucléaire.

Une information très lacunaire

Pas un mot en effet des récents engagements financiers de 49 Mds de $ sur 20 ans dans le secteur des moteurs aéronautiques, au profit de Xi’an Aero Engine, 西安航空动力股份有限公司, (Xi’an Hang Gong Dong Ji Gufen Youxian Gongsi), un des n°1 des moteurs militaires en Chine.

Rien sur l’état d’avancement du missile anti-navire DF – 21 (portée 1500 km), dont la presse taïwanaise révélait en janvier dernier qu’il avait été testé dans le désert du Gobi pour atteindre une cible de la taille d’un porte-avions américain. Rien non plus sur les perspectives de déploiements extérieurs de bases navales le long des lignes de communication, ou sur l’emploi envisagé de la toute nouvelle force aéronavale.

Hormis l’évocation du type de missiles de la 2e Artillerie, le Livre Blanc laisse également dans l’ombre la dimension de l’arsenal nucléaire stratégique, dont certains disent qu’il est bien plus important que ne le croient les experts occidentaux. L’incertitude sur ces points alimente des rumeurs et les inquiétudes des pays riverains, en même temps qu’elle conforte les théories de la menace chinoise, en particulier au Japon et aux États-Unis.

Dans une note publiée en mars 2013 dans « l’observatoire de la prolifération », J.P. Cabestan, Directeur de recherche au CNRS et professeur à l’Université baptiste de Hong-Kong, explorait les rumeurs et incertitudes, sources d’angoisse chez les voisins de la Chine.

Incertitudes sur le nombre de missiles stratégiques

L’essentiel de l’analyse concernait l’état de la dissuasion nucléaire chinoise, dont le nombre de missiles stratégiques et le niveau opérationnel des sous marins lanceurs d’engins sont mal connus. A quoi s’ajoute une éventuelle inflexion du principe de non emploi en premier, dont la Chine s’est jusqu’à présent toujours prévalue et qu’elle n’a pour l’instant pas officiellement remis en cause.

En 2012, le Pentagone estimait que la 2e Artillerie était en mesure de mettre en œuvre 50 à 75 missiles intercontinentaux (ICMB) et 80 à 120 missiles courte et moyenne portée (IRBM) braqués sur Taïwan. Mais en 2010, l’ISS de Londres évaluait déjà l’arsenal à 400 IRBM et 90 ICMB, dont 25 sur sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE).

Mais, J.P. Cabestan ajoute que les principales craintes des Américains et du Japon tiennent à « l’opacité quasi complète du programme militaire nucléaire chinois ». Alors que Washington et Moscou ont par un traité convenu de limiter leurs armes à 1550 d’ici 2018, la Chine considère que son arsenal nucléaire ne peut être soumis à aucune restriction.

Or, explique J.P. Cabestan, une étude de Georgetown University publiée en 2011 estime que la Chine possèderait déjà 3000 armes nucléaires, « souvent mobiles et en grande partie stockées dans des tunnels dont la longueur totale atteindrait 4800 km ». S’il est exact que l’affirmation sur le nombre d’armes a été invalidée par plusieurs observateurs autorisés, des experts russes ont en revanche avancé le chiffre de 1600 à 1800 missiles, tandis que l‘ambiguïté sur les « tunnels » subsiste.

Polémique sur la doctrine d’emploi

Quant au non emploi en premier, le doute vient d’une dépêche de l’agence japonaise Kyodo qui rapportait que l’APL envisageait de déclencher une frappe nucléaire en premier contre un agresseur qui, par une attaque conventionnelle, aurait détruit une cible stratégique (barrage, centrale nucléaire, zone urbaine, missiles stratégiques).

Rien ne dit que ces estimations soient justes. Mais les rumeurs nées de l’opacité alimentent des suspicions qui, dans un contexte de tensions récurrentes en mer de Chine du Sud et de l’Est, avec le Japon, les Philippines, le Vietnam et les États-Unis dessinent l’image d’une Chine inquiétante, à rebours des professions de foi rassurantes du Livre Blanc.

Les stratèges chinois ont bien compris le risque que véhicule l’image univoque d’une Chine agressive. Le 23 avril 2013, Yao Yunzhu, Directeur du Centre des Relations de Défense entre la Chine et les États-Unis à l’Académie des Sciences Militaires, publiait sur le site du Pacific Forum appartenant au Center for Strategic and International Studies (CSIS), un article attribuant à Washington la responsabilité des doutes sur l’abandon par Pékin du principe de « non emploi en premier » de l’arme nucléaire.

Après avoir rappelé que le principe avait été réaffirmé par nombre de déclarations officielles, dont celle de Hu Jintao, le 27 mars 2012 et celle, le 27 mars 2013, de Pang Sen, chef de la délégation chinoise à la Conférence préparatoire pour la révision 2015 du Traité de Non Prolifération Nucléaire : « La Chine adhère sans réserves et dans toutes les circonstances au principe de “non emploi en premier“ », Yao concède que la presse chinoise a, à plusieurs reprises, évoqué l’abandon de cette profession de foi vieille d’un demi-siècle.

Mais, il explique que la faute en incombe aux États-Unis, qui, non seulement, mettent en place une défense anti-missiles haute altitude risquant de réduire à néant la capacité de riposte de la 2e Artillerie, mais se dotent de munitions classiques capables de frapper directement l’arsenal stratégique de l’APL, ce qui a pour effet d’affaiblir la crédibilité de la dissuasion stratégique chinoise.

Selon lui, les instructions données le 2 janvier 2013 par le Président Obama au Strategic Command, à la suite d’une incitation du Congrès, ne peuvent qu’aggraver la situation. Elles réclament en effet, pour le 15 août prochain, une étude « sur les réseaux sous-terrains chinois abritant des armes nucléaires et la possibilité de les neutraliser par des moyens conventionnels ».

Ambiguïté et transparence

les deux faces de la communication de défense

La controverse renvoie aux avantages et inconvénients de l’ambiguïté et de la transparence. Réticente à communiquer ouvertement sur la dimension et les capacités réelles de son arsenal stratégique, cœur symbolique de sa défense, la Chine gère à sa manière les effets pervers de ses ambivalences.

Quand la parole officielle réaffirme son attachement au principe de « non emploi en premier », la presse du régime menace de l’abandonner, tandis que les chercheurs développent les raisons logiques d’un éventuel changement de concept stratégique, dont la probabilité reste cependant faible.

La querelle actuellement en cours sur le déploiement de boucliers antimissiles américains qui agace également Moscou, continuera, nourrie par la faiblesse des informations sur l’arsenal stratégique de l’APL et la persistance des théories sur la menace chinoise. La force des suspicions pourrait cependant être réduite si la Chine acceptait de prendre part aux négociations sur la réduction des armes nucléaires stratégiques.


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