›› Politique intérieure
Mais le plus préoccupant pour l’avenir d’un règlement apaisé de la question reste que le Livre Blanc reprend contre le Dalai Lama un discours brutal et sans nuances, qui semble tout droit sorti de la révolution culturelle : « La clique du dalaï-lama et les forces anti-chinoises occidentales, tout en jouissant des acquis de la civilisation et de la culture moderne, espèrent que l’ethnie tibétaine et la culture tibétaine en restent au Moyen Age, sous prétexte de « protéger la culture tibétaine ».
Cette attitude fermée avait été dénoncée par plusieurs intellectuels chinois, dont le plus éminent est Zhang Boshu. Dans un article publié en avril dernier, ce dernier, Docteur en philosophie, membre de l’Académie des Sciences Sociales, le plus puissant « think tank » du régime, connu pour la rigueur de ses analyses et s’étant taillé une solide réputation de contestation des politiques publiques, mettait directement en cause l’action du PC au Tibet. Il lui attribuait la responsabilité directe des événements du 14 mars. Cette longue analyse, très documentée, d’un chercheur appartenant au sérail intellectuel du régime, faisait suite à une pétition en 12 points, signée par 22 autres intellectuels, tous chinois vivant à Pékin, et publiée une semaine après les événements de Lhassa. Eux aussi demandaient des comptes au Parti pour sa mauvaise gestion de la question tibétaine, non seulement dans la province autonome elle-même, mais également au Sichuan, au Gansu et au Qinghai, provinces limitrophes également peuplées de fortes minorités tibétaines.
Zhang Boshu mettait aussi brutalement l’accent sur la faute politique qui consistait à traiter le Dalai Lama en bouc émissaire et à l’accuser de fomenter en sous-main une stratégie visant à séparer le Tibet de la Chine : « Il est particulièrement stupide - yuchun zhi ji - de diaboliser le Dalai Lama ». La conclusion de l’article était très pessimiste : « Pour le parti, qui réagit à ces propositions de dialogue du Dalai Lama avec une grande rigidité, il n’y a rien à discuter. Accepter les propositions d’autonomie menacerait le fondement du régime. Il en résulte que pour ce dernier les négociations ne peuvent être qu’une mise en scène, ce qui, bien sûr, exclut toute évolution positive ».