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›› Chronique

Lu Shaye, nouvel Ambassadeur de Chine à Paris fustige les médias français. Regards sur la rigidité du pouvoir chinois

Entre nationalisme et tensions sociales.

En vérité, le « peuple » comme dit Wang Yi, est presque unanimement solidaire du Parti sur les questions de la lutte contre la corruption, de développement du pays ou d’aménagement du territoire ; il l’est aussi sur les sujets attisant la fierté nationale notamment par réminiscence aux humiliations infligées à la Chine par l’Occident au XIXe siècle. A cet égard, les tumultes de Hong Kong figurent parmi les carburants les plus inflammables du nationalisme , les Continentaux considérant les jeunes radicaux « localistes » comme de jeunes écervelés gâtés par la vie.

En revanche, d’importantes tensions sociales subsistent dont les causes sont rarement évoquées par les médias sévèrement réprimés au motif que toute critique embarrasse la marche vers le « rêve chinois » promu par l’appareil et Xi Jinping depuis 2013.

Citons par exemple l’arrogance, l’inertie et le formalisme de la bureaucratie dont certains membres continuent à se livrer à des pratiques frauduleuses (taxes illégales, falsification de documents et des statistiques) ; la perpétuation de la vieille stratégie des « slogans » dont l’impact sur la société connectée est voisin de zéro ; la multiplication des réunions dont l’impact opérationnel est faible.

Plus généralement, la vieille tendance à la censure s’alourdit depuis les émeutes ethniques (Tibet en 2008, Xinjiang en 2009), alors que Le Parti tente aussi de juguler l’explosion des réseaux sociaux en les inondant de références nationalistes, dont le premier effet est de mettre sous le boisseau les tensions sociales.

*

Il reste que la stratégie des slogans, de l’endoctrinement et de la censure ferme toute respiration socio-politique et porte le risque d’une nécrose de la société sur laquelle Sun Liping, Docteur en sociologie, professeur à Qinghua que Xi Jinping connaît bien, mettait déjà en garde en 2009.

Depuis avril 2017, Sun dont la production critique sur les médias officiels s’est raréfiée depuis 2011, met en ligne sur WeChat (1 Milliard de membres) l’essentiel de sa pensée actualisée sous le titre « Commentaires de Sun Li Ping sur la société 孙立平 社会 观察 – Shehui guancha - ».

Partant de l’observation des tumultes du monde favorisant la montée des populismes, il ramenait son analyse à la Chine et aux dangers de la pensée unique calibrée d’en haut. Sans le dire expressément, son leitmotiv spécule sur le progrès de civilisation que constituent la prévalence du droit, le compromis, l’acceptation des points de vue critiques, le dialogue et la démocratie.

En voici quelques extraits (source China Digital Times) :

« Qu’il y ait des opinions différentes sur une myriade de phénomènes sociaux est parfaitement naturel. Mais des opinions divergentes ne peuvent constituer un motif pour dénoncer les erreurs du passé et susciter l’hostilité. La société a besoin d’une voix de calme et de raison. Un point de vue, qu’il soit juste ou faux, améliore le plus souvent notre perception de la vie. »

« (…) Il y a souvent des conflits fonciers à la campagne. Dans certains endroits les différends sont résolus par le truchement archaïque de rapports de forces entre communautés, mais aujourd’hui, de plus en plus d’endroits s’appuient sur le droit moderne pour résoudre les différends. Existe-t-il un doute sur la distinction entre civilisé et barbare dans cette affaire ? »

« Dans la vie sociale, un groupe de personnes peut avoir le pouvoir de discriminer et d’en opprimer un autre, ou bien tout le monde peut coexister de manière égale. Lorsqu’une véritable égalité ne peut être réalisée, au moins une égalité au sens de la loi et des droits peut être garantie. Y a-t-il un doute sur ce qui est civilisé et ce qui est barbare ? »

Et cette réflexion qui renvoie à la démocratie que le parti rejette au nom des caractéristiques chinoises.

« Le transfert du pouvoir peut être obtenu par une rivière de sang ou par le biais d’une élection approuvée par le peuple. Y a-t-il un doute sur ce qui est civilisé et ce qui est barbare ? »

Déjà le 6 décembre 2016, Sun avait posté une réflexion sur la liberté de pensée, arrière-plan incontournable de toute réforme. Résumant son analyse sous le titre « le problème le plus urgent actuellement - 当前中国最急迫的三个问题 », il écrivait :

« Certains problèmes doivent être traités avant toute réforme. Tant qu’ils ne sont pas résolus, nous ne pouvons pas parler de réforme. Par exemple, dans les années 1980, la Chine a été en mesure de lancer des réformes parce qu’avait eu lieu une libération de pensée. » (...)

« Sans cette libération de la pensée, nous n’aurions pas eu les 30 années de réforme qui suivirent. Nous sommes maintenant confrontés à une situation identique. Tant que les problèmes les plus réels, les plus apparents et les plus urgents ne seront pas résolus, il sera inutile de parler de réforme. »


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