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›› Politique intérieure

Macao, le miroir voilé de Hong Kong

Le 19 décembre dernier Xi Jinping était à Macao pour célébrer le 20e anniversaire du retour de l’ancienne colonie portugaise à la Chine. Comme Hong Kong, le territoire est régi par le schéma « un pays deux systèmes ».

Mais contrairement au « port aux parfums » britannique, la colonie portugaise n’a pas subi la même influence du marqueur démocratique amplifié par Chris Patten qui réussit à faire insérer dans la « Basic Law » le projet qu’à terme le Gouverneur serait élu au suffrage universel.

La prévalence du Continent.

Ancienne colonie portugaise durant 4 siècles (1557 – 1999), le territoire qui fut longtemps administré par le Leal Senado (mot à mot « Loyal Sénat ») créé en 1583, n’a pas connu une claire fracture culturelle et politique avec la Chine. Contrairement au Royaume Uni qui imposa un strict contrôle politique à Hong Kong, le Portugal a laissé à Macao une bien plus large autonomie.

Concédée par Lisbonne au profit d’une riche coopération entre hommes d’affaires Portugais et Chinois qui, du fait leur commerce vivaient à cheval entre le Continent et la Colonie, la liberté d’affaires dont jouissait la colonie laissa progressivement la prévalence à la mouvance socio-économique chinoise. Débarqué à Macao le 3 janvier 1787, 2 siècles après l’établissement de la colonie, La Pérouse décrit dans ses mémoires la dureté des mandarins chinois et la faiblesse de la réaction du gouvernement portugais.

Confortée par le succès économique et le style politiquement moins exigeant de la règle portugaise elle-même autocrate, la prévalence chinoise s’est perpétuée.

La force des affaires chinoises sur fond despotique a continué à prévaloir même après qu’en 1887 l’Empire chinois très affaibli ait officiellement reconnu la « souveraineté perpétuelle » du Portugal à travers le
« Traité inégal » sino-portugais signé entre Lisbonne et la dynastie Qing proche de son effondrement qui eut lieu 14 ans plus tard.

Au milieu des années 30, créant une importante surpopulation et une sérieuse crise économique, la densité des Chinois du Continent augmenta encore par l’afflux de réfugiés fuyant l’invasion japonaise. Aujourd’hui, la proportion de Chinois de l’ethnie Han nés sur le Continent reste importante. D’autant que la main d’œuvre immigrée venant de Chine et des Philippines constitue toujours près du quart de la population active.

Après l’avènement de la République Populaire en 1949, Mao visiblement pas prêt à aborder la question historique des traités, s’accommoda d’un statu quo qui dura 15 ans.

Mais la révolution culturelle à l’arrière-plan communiste radical qui provoqua à Macao comme à Hong Kong des contagions révolutionnaires et des émeutes changea la donne. En 1967, le gouvernement de Macao ayant présenté ses excuses à la communauté chinoise après la dureté de la répression qui tua 11 manifestants chinois, Lisbonne renonça à la souveraineté perpétuelle sur la colonie.

Différence de sensibilité politique.

Dès 1970, reconnaissant le contrôle qu’en réalité les Chinois exerçaient déjà, le Portugal entama le processus de décolonisation. A la fin des années 70, la rupture s’accéléra suite à la démocratisation « de la révolution des œillets » (1974).

Le 13 avril 1987, au terme de longues négociations, le Traité de rétrocession mettait en place comme à Hong Kong un statut d’autonomie. Après le retour formel sous la règle chinoise en 1999, il accordait jusqu’en 2049 à l’ancienne colonie, un « haut degré d’autonomie ».

Autre différence avec Hong Kong, alors que dans l’ancienne colonie britannique, c’est Londres qui, à partir de 1974, s’est attaqué avec un succès exemplaire à la corruption et aux mafias, à Macao, le coup de balai a été en grande partie l’œuvre de Pékin. Dès l’année 2000, le nombre de crimes violents baissait de 70%.

Enfin alors que la population de Hong Kong avait en 2003, puissamment protesté contre l’instauration de l’Article 23 sur la sécurité nationale, ce dernier qui vise « la trahison, les tentatives de subversion contre Pékin, et le “vol“ de secrets d’État », a été adopté à Macao en 2009.

*

Pour autant, l’image d’une société idéale sans contestation politique baignant dans l’harmonie avec Pékin que fait valoir Xi Jinping, ne correspond pas tout à fait à la réalité. La prévalence économique des jeux d’argent – Orson Welles a qualifié Macao de « ville la plus pervertie du monde », tandis que le poète britannique W. H. Auden l’appelait « la ville de l’indulgence » - , est à l’origine de fortes disparités socio-économiques ferments de protestation sociales.

S’il est vrai qu’elles sont loin d’avoir l’ampleur enflammée de Hong Kong, elles n’en constituent pas moins un symptôme. Les manifestations pour plus de démocratie en partie nourries par les inégalités prirent même un tour violent le 1er mai 2010.


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