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›› Editorial

Manoeuvres sino-russes en mer jaune

Gesticulation et sens cachés.

Toujours à la recherche de la signification de l’exercice, un journal russe avance même l’hypothèse selon laquelle Moscou et Pékin se prépareraient à s’engager ensemble en Corée du Nord dans le cadre d’une opération internationale diligentée par l’ONU après l’effondrement du régime de Kim Jong Il. Même si les discours publics en Chine et en Russie évoquent rarement l’hypothèse d’un accident politique grave à Pyongyang, les stratèges de Zhong Nan Hai et du Kremlin n’ont évidemment pas manqué de réfléchir aux conséquences de la disparition brutale du dictateur.

Dès lors qu’on envisage cette éventualité suivie d’une implication de l’ONU, chacun voit bien à quel point les troupes de l’US Army, déjà prépositionnées sur la péninsule et étroitement imbriquées avec l’armée sud-coréenne auraient un temps d’avance sur celles de Pékin et de Moscou. Que ces derniers, qui, ni l’un ni l’autre, n’ont intérêt à laisser les mains libres à Washington, étudient sérieusement la manière de combler ce handicap à partir de Vladivostok, base arrière possible sinon probable d’un engagement de l’ONU en Corée du Nord, est donc une hypothèse plausible.

Il faut cependant se garder des schémas simplificateurs qui mettraient les protagonistes d’une situation géostratégique mondiale très mouvante dans des cases immuables et des attitudes figées. Que les intérêts de Moscou et Pékin convergent pour rejeter l’entrisme américain en Asie Centrale, assurer l’approvisonnement de la Chine en pétrole, en gaz et équiper l’APL c’est un fait. Il serait cependant imprudent d’en déduire que l’exercice militaire en Mer Jaune préfigure une nouvelle politique des blocs ou une alliance contre Washington. Ni Moscou ni Pékin n’ont en effet les moyens de se heurter de front aux Etats-Unis et ne souhaitent probablement pas se lier les mains.

Pour s’en convaincre il suffit de se rappeler qu’au moment même où les état-majors mettaient la dernière main à la manoeuvre sino-russe, Pékin et Washington s’affairaient de leur côté pour préparer la tenue du premier dialogue stratégique Sino-Américain, qui a eu lieu à Pékin le 1er août 2005. Au programme : la visite officielle en Chine de Donald Rumsfeld, envisagée en octobre 2005 et la reprise des relations militaires interrompues depuis la collison, en avril 2001, entre un chasseur chinois et un avion d’observation US EP-3, dont l’équipage avait été retenu en otage pendant 11 jours en Chine.

Au fond, le sens de l’exercice réside peut-être d’abord dans le fait qu’il ait eu lieu, marquant la naissance d’un nouvel état d’esprit au sein de l’APL. On date en général la véritable ouverture de la Chine de l’année 1992, quand, quelques années avant sa mort, Deng Xiao Ping parvint à triompher des factions conservatrices qui prônaient le repliement. A l’extérieur, cette date marque également la reconnaissance de la Corée du Sud par la Chine et le repositionnement stratégique de Pékin en Asie du Nord-Est. Mais, si les diplomates chinois s’étaient ouverts au vent du large, l’APL en revanche, restait largement repliée sur elle-même, handicapée par ses lourdeurs et ses immenses problèmes de gestion.

Pour la première fois l’armée chinoise se compare et met ses concepts d’emploi des forces, ses moyens de commandement, comme ses procédures opérationnelles et logistiques à l’épreuve d’un exercice réel avec des forces étrangères, qui plus est sur son propre sol. A ce titre Juillet 2005 est donc une date à retenir, puisqu’elle paraît indiquer un progrès dans les mentalités de l’APL, désormais ouverte aux comparaisons avec d’autres, condition nécessaire sinon suffisante, des progrès opérationnels d’une armée moderne. Tous les problèmes des armées chinoises n’en sont pas pour autant réglés. Mais l’ouverture qui s’est exprimée par cet exercice crée des bases nouvelles pour des progrès techniques et opérationnels qui restaient difficiles tant que l’APL demeurait repliée sur elle-même.


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