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›› Editorial

Mer de Chine du sud : au jeu de « Tape la taupe », la tension monte

Les États-Unis doivent accepter la puissance de la Chine.

Elle-même doit respecter le droit international.

Lee Hsien Loong durant son discours d’ouverture du Shangri-la dialogue, le 29 mai 2015.

Lee Hsien Loong, premier ministre de Singapour hôte du « Shangri-la dialogue » a, dans son discours d’ouverture du 29 mai, remarquablement résumé la complexité de la situation et des enjeux. Après avoir rappelé qu’après la bascule des forces de la guerre froide et la disparition de l’URSS, les deux acteurs principaux dans la zone pacifique étaient désormais Pékin et Washington, il a concédé que les États-Unis restaient, non seulement la puissance dominante grâce à l’omnipotence militaire de la 7e flotte, mais également le facteur essentiel de la paix et de la stabilité de la région.

Modification des équilibres stratégiques.

Mais, a t-il ajouté, l’équilibre stratégique de l’Asie se modifie. La Chine est devenue la 2e puissance économique mondiale et le plus gros partenaire commercial de presque tous les pays de la zone, y compris les États-Unis.

Son influence et son habileté à trouver des partenaires se sont considérablement développées en même temps que la puissance de ses forces armées qui acquièrent progressivement toutes les capacités d’une puissance maritime. S’il est vrai que, jusqu’à présent, l’émergence de la Chine a été pacifique, la clé pour que sa montée en puissance apaisée continue réside dans la qualité de ses relations avec les États-Unis, dont la nature est fondamentalement différente de ce que furent celles entre l’URSS et les États-Unis du temps de la guerre froide.

Les tensions sino-américaines ne sont pas la guerre froide.

Loin d’être un jeu à somme nulle, les relations sino-américaines sont certes articulées autour de rivalités et de compétitions, mais elles se construisent également à partir d’une longue séries d’interdépendances économiques et de vastes opportunités à bénéfices partagés dans les secteurs de la finance, du commerce, des hautes technologiques, de l’innovation et de l’éducation – y compris pour nombre d’enfants de l’élite chinoise qui étudient dans les universités américaines -. Les terrains de coopération sont également stratégiques, qu’il s’agisse de la prolifération nucléaire ou du réchauffement climatique où aucun des deux ne peut rien réaliser sans l’appui de l’autre.

Dans ce contexte, tous les riverains du Pacifique dont la plupart ne sont pas prêts à choisir un camp plutôt que l’autre, espèrent que la Chine et les États-Unis ne se laisseront pas aller à bâtir des zones d’influences rivales et exclusives l’une de l’autre. S’il est vrai qu’entre les deux puissances la compétition est inévitable, la question cruciale est de savoir quelle forme elle prendra.

A la croisée des chemins.

Deux destins pour l’Asie entre compétition apaisée ou conflits.

Le premier schéma de la compétition se construirait dans le cadre du droit international, pour le bénéfice de tous, développé par les projets chinois en Asie du Sud-est que Pékin a baptisés « 一带一路, one belt, one road, une ceinture, une route » avec l’appui de la Banque d’Investissements pour les Infrastructures en Asie (AIIB), devenue un efficace levier de l’influence chinoise dans le monde, tout comme le FMI, la Banque Mondiale et la Banque asiatique de développement sont les instruments de la puissance européenne, américaine et japonaise.

La réussite du TPP à la satisfaction de tous

condition de l’audience des États-Unis en Asie.

L’autre volet de la compétition inscrit dans le droit qui fait pendant aux projets chinois, mais dont la mise en œuvre est brouillée par les intentions globales des multinationales, est la proposition américaine du Trans Pacific Partnership dont, précise Lee, chacun espère qu’après avoir passé le Sénat, elle sera acceptée par la Chambre des représentants, selon un mode qui satisfera tout le monde, qu’il s’agisse des États-Unis eux-mêmes ou de leurs partenaires en Asie.

En insistant sur la nécessité d’en faire un traité qui bénéficie à tous, le premier ministre singapourien qui a élevé la voix en prononçant l’idée de la « satisfaction de tous », faisait, sans le dire, allusion aux nombreuses critiques qui plombent le traité américain en Asie. A commencer au Japon où les dispositions qui donneraient aux grands groupes internationaux une prévalence juridique sur les lois nationales, heurtent la société civile qui considère le traité comme un cheval de Troie au profit de la domination globale des multinationales.

L’idéal d’une coopération sereine entre la Chine et les États-Unis.

A ce stade, après avoir indiqué de manière oblique à quel point le projet américain était plus contraignant que le chinois, Lee a formulé le souhait que les élites et le public des États-Unis prennent bien la mesure des enjeux : la qualité, la réussite ou l’échec du TPP conditionnera l’audience à venir des États-Unis en Asie. Décrivant le modèle idéal de coopération entre Washington et Pékin, le premier ministre a souhaité qu’en dernier ressort les réticences des Américains à leur propre participation au projet chinois de l’AIIB et leurs préventions à celle de Pékin au TPP soient levées.

Échapper à la dynamique de conflits.

L’autre modèle de compétition où la difficulté d’un accord pourrait déboucher sur un affrontement armé est la question des mers de Chine de l’Est et du sud, traversées par des tensions qui ne cessent de croître depuis des mois entre la Chine, le Japon, les États-Unis, les Philippines et le Vietnam, dans un chassé croisé de provocations et de réactions des riverains et des États-Unis qui réaffirment sans cesse le droit de navigation.

Sur ce sujet alors qu’il estime, sans doute avec raison, qu’aucun accord n’est probable dans un avenir prévisible, Lee a exhorté la Chine, les États-Unis et les riverains parties aux disputes (Brunei, Hanoi, Manille, Kuala Lumpur et Taïwan) à tout faire pour s’extraire de la dynamique en cours qui pourrait conduire à un conflit militaire provoqué intentionnellement ou par accident. Il a notamment, sans la nommer, incité la Chine à résister à la tentation d’imposer une solution par le fait accompli et la force plutôt que par le droit.

Voir la vidéo sur Youtube Keynote Address at IISS Shangri-La Dialogue 2015


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