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墓碑 mu bei de Yang Jisheng, est paru en Français

墓碑 mu bei – Stèles – de Yang Jisheng - 杨继绳, 72 ans, publié à Hong Kong en 2008, est disponible en Français depuis septembre 2012 aux éditions du Seuil, sous le tire « Stèles : la grande famine en Chine 1958 – 1961 ». La version originale du livre, publiée chez Cosmos Book à Hong-Kong comprend deux tomes de 14 chapitres consacrés à la description de la famine dans 12 provinces de Chine et à l’analyse politique du désastre, ainsi qu’à ses conséquences.

La version française, dont il faut préciser qu’elle est parue avant la version anglaise, est le résultat d’un considérable travail de synthèse et d’adaptation à l’édition française, effectué par l’auteur Yang Jisheng et Louis Vincenolles, le traducteur, lui-même assisté par Sylivie Gentil et Chantal Chen-Andro.

Historien et journaliste de l’agence Xinhua, Yang Jisheng raconte, dans un récit hallucinant élaboré au long de dix années de recherche dans les archives de l’agence et dans l’arrière pays, le cauchemar vécu par les Chinois lors des famines du grand bond en avant.

Le récit émaillé de nombreux détails ignobles de cannibalisme, parfois difficiles à supporter, commence par cette phrase lourde d’émotion et de ressentiment qui, à elle seule, explique l’acharnement de l’auteur à débusquer les détails de cette horrible période, à laquelle les Chinois n’ont toujours pas librement accès après plus d’un demi-siècle : « j’appelle ce livre « Stèles », en mémoire de mon père, mort de faim en 1959, en mémoire des 36 millions de Chinois, également morts de faim, et en mémoire du système qui provoqua leur mort, et peut-être aussi en mémoire de moi, qui ai écrit ce livre ».

Dans la Chine d’aujourd’hui, la famine du « grand bond en avant » est une donnée objective, à la fois réelle et immatérielle, jamais évoquée par les instances officielles. Mais, comme l’idée de l’enfer sur terre, elle est toujours solidement ancrée dans l’inconscient populaire. Yang Jisheng journaliste d’investigation, ancien de Xinhua et éditeur adjoint du magazine historique 炎黄春秋 Yan Huang Chunqiu, a eu, dix années durant accès aux archives de la famine, en prétextant des enquêtes agricoles. Il vient de signer un article, publié dans le New-York Time, le 13 novembre dernier.

Après avoir rappelé que la famine, dont le bilan macabre de 36 millions de morts a été deux fois plus lourd que celui de la première guerre mondiale et 6 fois plus que celui du massacre des Ukrainiens par Staline, est toujours un sujet tabou en Chine, il explique la folie idéologique maoïste et le cynisme des cadres, dont beaucoup obéirent aveuglément au tyran, sans se soucier du sort des paysans, ne cherchant, dans les pires moments, qu’à se sauver eux-mêmes et leur famille.

« Sous prétexte de libérer l’humanité, les dirigeants communistes établirent un vaste système d’esclavage. Il devait conduire au paradis. En réalité il pavait la route de l’enfer »… « Quand Peng Dehuai, le ministre de la défense écrivit une lettre à Mao pour lui expliquer que l’expérience ne fonctionnait pas, il fut purgé par le tyran qui sentait son pouvoir menacé. L’autorisation de cultiver des parcelles privées fut annulée, et des millions de cadres sanctionnés pour s’être écartés de la ligne radicale… La conséquence fut une famine aux dimensions épiques… A la fin de l’année 1960, la population de la Chine s’était contractée de 10 millions d’habitants ».

Le pire, ajoute Yang, est que les greniers de la Chine étaient pleins, mais réservés à l’exportation en échange de devises étrangères, ou consacrés à l’aide humanitaire pour le tiers-monde. Jamais les greniers ne furent pillés car, répétaient certains cadres au cynisme abyssal et cruel, « notre peuple est si bon. Il préfèrerait mourir sur le bord du chemin, que de piller les greniers ».

La fin de l’article semble anticiper des représailles : « j’ai écrit ce livre à la mémoire des 36 millions de victimes, mais également pour qu’il soit une pierre tombale littéraire, pour le jour où le système politique totalitaire à l’origine de la grande famine disparaîtra définitivement. J’étais conscient des risques liés à cette entreprise. Si quelque chose m’arrivait pour avoir tenté de protéger la vérité et la mémoire, alors faites que le livre soit aussi ma pierre tombale ».


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