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Pékin et le Kazakhstan. Prudences et succès de la « realpolitik » chinoise

Le Kazakhstan, une marche stratégique sino-russe en Asie-Centrale.

Aussi vaste que l’Europe de l’Ouest, mais à peine plus peuplé que les Pays-Bas ou la Roumanie, avec 70% de musulmans (essentiellement Kazakhs, Ouzbeks, Ouïghours, Kurdes et Tchétchènes), ayant des frontières communes avec la Chine et la Russie, membre fondateur de l’Organisation de Coopération de Shanghai (O.C.S), doté d’immenses réserves de pétrole de gaz et d’une étonnante accumulation de gisements de minerais sensibles dont de fortes réserves d’uranium, le Kazakhstan, est le cœur de l’ancienne Asie Centrale soviétique.

Au croisement historique des anciennes et des nouvelles routes de la soie, il est devenu un glacis stratégique de première importance à la fois pour Moscou et Pékin. Par l’histoire et la géographie - les deux ayant une frontière commune de plus de 7600 km - les relations les plus étroites du pays sont avec la Russie. Elles furent cependant brouillées par le surgissement porté par Nazarbaïev d’un esprit national Kazakh.

Sujet d’agacement pour Vladimir Poutine, le nationalisme de l’ancien président a cherché à équilibrer la relation avec Moscou en accueillant les investissements de plusieurs milliards de $ des pétroliers américains Exxon Mobil et Chevron qui s’ajoutent à ceux des européens et des chinois, dont la somme érode l’influence russe.

Prévalence des investissements chinois.

Pour la Chine, la relation avec Noursoultan est tout aussi stratégique.

Grand voisin occidental, cette vaste steppe à la population en majorité musulmane, jouxtant la zone sensible du Xinjiang, est la première étape hors de Chine des « Nouvelles routes de la soie », lancées par un discours de Xi Jinping à l’université Nazarbaïev d’Astana, le 8 septembre 2013. A ce titre, le Kazakhstan est la cible d’importants investissements chinois dont la somme cumulée depuis 2005 a atteint 19,2 Mds de $ et où 56 projets à la valeur totale de 24,5 Mds de $ arriveront à échéance en 2023.

Participant régulièrement aux manœuvres militaires conjointes de l’O.C.S. le pays abrite une diaspora ouïghour de 200 000 émigrés dont certains sont des réfugiés ayant fui la répression au Xinjiang. Avec l’aide du gouvernement kazakh, Pékin les surveille d’autant plus étroitement que le pays est aujourd’hui agité par des troubles politiques.

Pour l’instant cependant, la Chine dont l’ADN stratégique est hostile aux interventions militaires extérieures, affiche sérénité et prudence. Craignant d’être accusée de s’impliquer dans des rivalités politiques internes, elle n’a fait connaître sa position qu’après avoir constaté l’engagement de Moscou derrière le gouvernement kazakh et seulement après que Tokaïev lui ait fourni le prétexte que les troubles étaient la conséquence d’une ingérence extérieure.

Enfin, Pékin laisse d’autant plus facilement la main militaire à Moscou, que l’intervention des parachutistes russes qui répondait à une sollicitation de Tokaïev, sécurisait ses investissements. Ils sont ses principaux leviers d’influence dont la Chine sait que leur importance crée une dépendance stratégique à laquelle le Kazakhstan ne peut plus échapper et avec laquelle Moscou n’a pas tout à fait les moyens de rivaliser.

Reste le risque de contagion politique au Xinjiang. Pour l’instant, travaillant étroitement avec les Russes et les Kazakhs, les services chinois, rassurés par la fermeté de la riposte policière, le considèrent tout aussi improbable que la déstabilisation du régime kazakh protégé par l’intervention russe.

En arrière-plan, ultime garantie politique et de sécurité, reste l’assurance fournie par l’O.C.S elle-même. Répétée à chaque manœuvre conjointe de l’Organisation, elle désigne la lutte contre « le terrorisme » comme une exigence centrale.

Pour le moment et comme en Chine, le concept permet la mise aux normes politiques de toute opposition, en commençant par celle d’une partie de la jeunesse séduite par les relais occidentaux abritant des militant des droits très critiques du régime chinois.

*

Enfin alors que lors d’une cérémonie organisée le 13 janvier 2022, le Général parachutiste Andrei Serdyukov, ancien commandant les troupes russes ayant accompagné le retour de la Crimée dans le giron russe, déclarait sa mission accomplie et la fin de l’opération de maintien de la paix, - le retrait total ayant été planifié au 22 janvier -, resurgit à la surface la constante des tensions entre l’Occident et le couple sino-russe.

Cristallisées au Kazakhstan, elles furent, selon Hélène Nouaille qui, dans sa Lettre de Léosthène du 11 janvier citait l’ancien ambassadeur indien M. K. Bhadrakumar, exacerbées par « les tendances dangereuses d’Astana à graviter autour de l’orbite occidentale, par le truchement des manigances de l’élite parasite de la structure du pouvoir ».

L’ambassadeur ajoutait que « Washington créait des poches d’influence, en particulier parmi les jeunes et les nationalistes kazakhs alimentant les tensions latentes entre la population kazakhe et la population russe (...) tout en diffusant des opinions négatives à propos de la Chine. »

De ce point de vue qui fait resurgir le spectre d’une cinquième colonne américaine, l’intervention russe peut, dans la droite ligne de la résistance aux « révolutions de couleur », se présenter comme une riposte à Washington, que Pékin ne pouvait que cautionner.

En même temps, la réaction musclée qui replace Moscou dans la position centrale de garant de « la sécurité » des régimes autocrates de la région, apparaît opportunément comme le contrepoids stratégique à la prévalence économique chinoise. Ajoutons que, pour l’instant, sur le glacis sino-russe, théâtre du nouveau « grand jeu » d’Asie centrale, la manœuvre calibrée de Vladimir Poutine prend Washington et les Occidentaux à contrepied.

Le Kazakhstan et les nouvelles routes de la soie.


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