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›› Editorial

Pyongyang, Pékin, Washington, la quadrature du cercle atomique

Une dangereuse rupture capacitaire

Le bond capacitaire balistique et nucléaire nord-coréen a à la fois entraîné la rhétorique agressive américaine et l’inquiétude chinoise que la situation dérape vers une frappe préventive américaine dont tout le monde présage qu’elle dégénèrerait vite en un conflit généralisé sur la péninsule.

Le niveau de préoccupation de Pékin se mesure aussi au fait qu’après plusieurs déclarations sur lesquelles s’était aligné Moscou, rejetant les sanctions, Pékin les a quand mêmes votées le 2 juin dernier après le 9e essai balistique conduit par Pyongyang dans la seule année 2017 [1].

Consciente que les battements des tambours de guerre américains lui étaient aussi destinés pour l’inciter à mieux participer aux sanctions, y compris contre les réseaux de revenus commerciaux parallèles impliquant certaines sociétés chinoises, Pékin a cependant assorti son accord pour les sanctions onusiennes de ses appels au dialogue sans cesse répétés depuis qu’elle a inauguré les pourparlers à six en 2003 et dont Pyongyang s’est retiré en 2009.

La vérité est que, même si Kim Jong-un est celui des trois tenants de la dynastie des Kim au pouvoir depuis 1948 inspirant le moins confiance à Pékin qui ne l’a jamais invité en Chine, Pékin redoute les sanctions trop sévères portant le risque d’un effondrement économique du régime ouvrant la porte à une prévalence américaine sur la péninsule.

A ces craintes anciennes s’en ajoute aujourd’hui une nouvelle, celle d’un dérapage militaire catastrophique initié soit par Pyongyang aux abois, soit par les États-Unis tentés par des frappes chirurgicales ciblant les installations nucléaires militaires, les pas de tirs balistiques et peut-être la direction nord-coréenne elle-même si les renseignements d’objectifs sont assez précis.

Pékin et la quadrature du cercle atomique.

Mais, aujourd’hui, produisant un sentiment d’une angoissante impasse, la question est sortie des sentiers routiniers où, depuis un quart de siècle, on voit la progression inexorable des capacités nucléaires et balistiques de Pyongyang ponctuées de sanctions sans effet, condamnées par la Chine qui prône le dialogue, lui aussi sans effet.

Les experts américains rappellent que la Corée du Nord est, en vain, le pays le plus sanctionné de la planète, tandis que Kim Jong-un lui-même répète que ses programmes nucléaires et balistiques ne sont pas négociables [2] et que le seul objet d’un éventuel dialogue serait la signature d’un traité de paix et la reconnaissance par la communauté internationale de son statut nucléaire.

Cette situation de cul-de-sac n’est pas sans conséquence sur les réflexions stratégiques chinoises. Certes la récente montée des tensions en Corée du Nord et les déclarations enflammées des acteurs ont probablement modifié l’ordre des priorités de Pékin, faisant que la dénucléarisation migre vers le haut du classement de ses urgences.

Mais la stabilité du régime de Pyongyang et la préservation du statuquo d’une péninsule divisée restent encore dans bien des esprits chinois les premières clés de la paix dans la région. Une réalité enkystée qui préjuge mal de l’efficacité chinoise dans la solution du problème.

Le 3 août dernier Li Jiacheng, chercheur dans un Institut du Liaoning, écrivait dans le Global Times que dès lors que la négociation était inefficace et une attaque préventive par missiles très dangereuse pour tout le théâtre, les États-Unis pourraient être contraints « d’accepter une Corée du Nord nucléaire. »

*

Tel est donc le dilemme auquel la Chine est actuellement confrontée si elle veut à la fois affirmer son rôle de facilitateur dans le grave défi stratégique à ses portes et tenir à distance les risques d’un conflagration militaire. Sa formulation est simple : persuader Washington de l’utilité d’un dialogue visant à l’abandon des programmes balistiques et nucléaires qui, pour Pyongyang, ne sont pas négociables.

Note(s) :

[1Il s’agissait de la 11e résolution depuis 1993. Elle impose de nouveaux gels des avoirs et un nouvel embargo aux voyages d’officiels coréens. La sanction a été prise après un essai balistique prouvant les capacités de frappe intercontinentale de Pyongyang.

[2En 2013, déjà, Kim Jung-un déclarait que son arsenal nucléaire était un « trésor qu’il ne négocierait pas même pour des millions de $ et dont il allait augmenter la puissance en quantité et en qualité. »


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