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›› Politique intérieure

Questions sur les origines uniques de la civilisation chinoise

Il faut revenir sur les récentes mises à jour archéologiques du site SānXīngDuī 三星堆, découvert dans les années vingt par des paysans près de Chengdu au Sichuan, dont la presse officielle de Pékin a rendu compte en juin dernier.

D’après les spécialistes chinois cités par Chine Nouvelle, la mise à jour d’objets en ivoire, en jade, recouverts de feuilletages d’or et en bronze vieux de près de 5000 ans serait une des découvertes archéologiques les plus importantes de Chine.

A ce propos, le 20 juin dernier, Supchina publiait les commentaires de Ricky QI, cinéaste sino-américain et photographe pour National Geographic.

Pour lui qui, depuis de longues années, parcourt la Chine à la recherche de ses racines, bardé de ses appareils photo, les découvertes de SanXingDui remettent en question le récit dominant selon lequel la culture chinoise serait née dans le seul point d’origine de la vallée du fleuve Jaune.

Version chinoise du « croissant fertile » creuset des anciennes civilisations de Mésopotamie et d’Égypte vielles de trente siècles, le mythe du « Fleuve jaune », cadre naturel de l’introduction en Chine, du feu, de l’agriculture et des techniques de maîtrise des crues du fleuve, accompagne l’histoire des dynasties fondatrices des Xia des Shang et des Zhou. Il est véhiculé depuis vingt siècles par le Shiji, 史記, les fameuses mémoires historiques de Sima Qian.

Ayant vécu à l’époque des Han occidentaux jusqu’à sa mort en 86 av. JC, celui qu’on a souvent comparé à Hérodote (480 – 425 av. JC), raconte l’histoire de la Chine depuis « l’Empereur jaune » (2700 av. JC), archétype d’un monarque tout puissant, mais contraint par le « Mandat du ciel ».

Avec ses rites du respect des anciens, sa pensée vertueuse des sacrifices personnels pour l’intérêt collectif, ses références à la sagesse millénaire et à la concorde sociale par l’harmonie, héritage de Confucius, l’histoire de la Chine par Sima Qian imprègne la mémoire collective des Chinois.

Le mythe politique d’une culture chinoise unique.

Le président Xi Jinping, soucieux d’intégrer la courte histoire du Parti dans la longue mémoire chinoise, ne manque pas d’y faire souvent référence. Il s’agit pour lui de renforcer la conscience historique de la société et de rappeler la cohérence entre la pensée de l’appareil communiste et le mythe historique de l’unité centralisée autour des rives du grand fleuve et le la vallée de la Wei.

Au passage, comme ces prédécesseurs, mais avec plus d’insistance, il instrumentalise la force culturelle de l’histoire pour exhorter les Chinois expatriés à rester, quelle que soit leur nationalité, spirituellement solidaires et politiquement fidèles à Pékin et au Parti.

Le 9 juin dernier, le magazine Qiushi 求实 (quête de vérité) organe officiel de l’École Centrale du Parti rendait compte d’une séance d’études historiques du Bureau politique, sous le titre « 中华文明探源工程”及其主要收获 – Étude des origines de la culture chinoise et de ses principales contributions ».

En y soulignant la profondeur symbolique des « 10 000 ans » de l’histoire culturelle de la Nation, source dit-il des « caractéristiques chinoises », fondement des progrès de la Chine socialiste et ferment de la fierté patriotique du peuple, le discours de Xi Jinping attisait la fibre nationaliste. Depuis 2012, ces thèmes souvent répétés s’appliquent à faire valoir les raisons symboliques et historiques d’orgueil national, tout en faisant la promotion de la prévalence de la culture chinoise sur celle de l’Occident.

SanXingDui, une autre culture plus proche du Yangzi que du Fleuve Jaune.

La découverte à 1000 km au sud de Chang’an, l’ancienne capitale impériale des Han Occidentaux devenue Xi’An, d’une culture dont les réalisations (masques recouverts d’or, têtes humaines en bronze, boîtes richement décorées de têtes de dragon, avec couvercles en forme de tortue) exprimant une esthétique différente de celles de la vallée du Fleuve Jaune, ne remet pas en question le mythe de la longue puissance culturelle de la Chine.

Mais en mettant à jour une culture différente bien plus proche du Yangzi que du Fleuve Jaune, il écorne sérieusement la construction politique d’un point origine unique de la civilisation chinoise.

Situé dans la ville de Guanghan, à environ 60 km au nord de Chengdu, le site de SanXingDui, couvrant une superficie de 12 km2, renfermerait les vestiges du royaume vieux de plus de 4000 ans qui serait l’ancêtre du Royaume de Shu 蜀.

Son existence pourrait être attestée par les ruines de Mangcheng au pied des Monts Qingcheng, creuset du Taoïsme, à proximité du système d’irrigation de Dujiangyan 都江堰. La construction de ce remarquable ensemble hydro-agricole avait commencé en 256 av. JC, du temps des Royaumes Combattants par l’État de Shu 蜀, qui avait échappé au contrôle du Qin 秦, qui neuf années plus tard allait, par le fer et le feu, brutalement mettre fin à la période des « Royaumes combattants ».

Le royaume de Shu est mentionné dans le Shujing 書經, le classique des documents, qui prétend faire l’inventaire des documents et des paroles des empereurs des dynasties chinoises depuis les plus mythiques de l’âge d’or légendaire, y compris celles dont la réalité n’est pas établie, jusqu’à la fin des Zhou, troisième dynastie chinoise qui régna jusqu’à 256 av. JC.

Si on veut bien admettre que la centralité géographique partie du mythe des origines uniques de la civilisation chinoise est une construction politique destinée à conforter la domination d’un pouvoir central sans cesse confronté à des forces centrifuges, le débat ouvert par les fouilles de SanXingDui exhumant une autre réalité n’est pas clos.


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