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›› Politique intérieure

Raidissement conservateur. Nettoyage des écuries d’Augias. La justice toujours aux ordres

Les réformes aux prises avec les réticences conservatrices.

Selon le magazine Caijing, le Président aurait prévenu les participants qu’ils devraient s’armer de courage et de patience car la tâche deviendrait plus rude à mesure que les réformes toucheraient aux intérêts acquis de l’oligarchie.

Étaient présents le premier ministre Li Keqiang, réformateur convaincu opposé au très conservateur Liu Yunshan, à la tête du tout puissant secrétariat du Comité Central et Président de l’École centrale du Parti en charge de la propagande et de la promotion des « caractéristiques chinoises » de la culture, Zhang Gaoli, vice premier ministre homme de terrain et d’expérience, pragmatique et prudent, plutôt conservateur lui aussi, Ma Kai, vice-premier ministre ancien patron de la Commission pour la Réforme et Développement, proche des grands groupes et adepte de la centralisation, lié aux intérêts des groupes publics.

Enfin, seul allié potentiel de Li Keqiang dans cet aréopage très conservateur cité par Caijing : le vice-ministre en charge de l’économie Wang Yang, ancien n°1 à Canton, où il s’était forgé l’image d’un homme politique ouvert, préoccupé du sort des plus défavorisés et capable de dialogue.

Se situant clairement dans la mouvance des réformateurs, exactement à l’opposé des idées de Liu Yunshan, il prônait le renforcement de l’État de droit, la priorité à la consommation interne et à la montée en gamme qualitative, la promotion de la démocratie interne au Parti, l’élargissement du scope des élections directes, la transparence des médias et le renforcement du rôle des syndicats, ainsi que leur indépendance. On se souvient qu’en novembre 2012, le Comité Central, lui avait, pour ces raisons, barré la route du Comité Permanent du Bureau Politique. Ces contre-feux opposés aux réformes brûlent toujours.

A Pékin, le bruit court, venant de cercles très au fait des arcanes du Parti, que le Premier Ministre Li Keqiang aurait été contraint par la mouvance conservatrice de réduire ses ambitions réformatrices qui heurtent les intérêts des familles et des clans. Après les alertes provoquées à deux reprises par la hausse des taux d’intérêt suite à la manœuvre de la Banque Centrale de ne plus abonder le circuit interbancaire, une majorité des anciens aurait jugé que le volontarisme réformateur du Premier Ministre comportait des risques importants pour le Parti.

Dès lors, un consensus se serait dégagé pour concentrer les actions les plus directes sur les deux talons d’Achille politiquement les plus sensibles : la lutte contre la pollution et la bataille contre la corruption des élites qui, comme la correction des dégâts à l’environnement, tient du mythe de Sisyphe.

Le premier objectif fait actuellement l’objet d’un effort de transparence sans précédent qui place les pollueurs sous les projecteurs de la vindicte publique par le biais des réseaux sociaux et des associations de citoyens. Voir notre article Pollution et prostitution : Les effets mitigés de la transparence.

La guerre contre Zhou Yongkang « ratisse large »

Quant à la guerre contre le poison des prévarications, des concussions, des détournements de fonds et des trafics d’influence, elle bat son plein sans faiblir, puisqu’elle vient de toucher aux rivages jusqu’ici protégés des retraités du Comité Permanent. Avec la mise en examen de la mouvance Zhou Yongkang, Xi Jinping a en effet fait sauter un tabou.

Mais à y regarder de plus près, l’offensive cible non pas la corruption classique des détournements de l’argent public, mais d’abord et surtout le versant criminel et mafieux du Parti. C’est précisément cette distinction des cibles qui a permis au Secrétaire Général de pousser son attaque jusqu’aux hautes sphères jusqu’ici verrouillées du régime, préservées des tribunaux par une justice aux ordres du Parti.

Selon des sources internes, après les multiples mises en examen des proches de Zhou Yongkang dans ses anciens fiefs de CNPC et du Sichuan, période pendant laquelle il aurait organisé l’assassinat de son épouse, la chasse aux pratiques criminelles vise aujourd’hui la dernière féodalité de l’ancien n°9 du Comité permanent, jusqu’ici protégée par l’omerta la plus opaque. A la mi-janvier, Liang Ke, le Directeur du Bureau de la sécurité d’État de Pékin a été arrêté pour avoir transmis à Zhou le contenu des conservations téléphoniques sensibles des membres de la direction du régime.

Chute d’un mafieux.

En même temps, le très officiel Quotidien du Peuple vient de braquer les projecteurs publics sur un homme qui présente toutes les caractéristiques d’un parrain mafieux. Ancien président du groupe minier Hanlong qui avait organisé un coup de bluff en 2013 en laissant flotter, sans en avoir les moyens, l’hypothèse d’une OPA sur l’Australien Sundance Resource Ltd, Liu Han est depuis une dizaine d’années à la tête d’un réseau d’affaires louches aux activités criminelles, dont la base se trouve précisément au Sichuan où Zhou Yongkang fut Secrétaire Général de 1999 à 2003.

Liu qui, détail crucial, est lié à Zhou Bin fils de Zhou Yongkang et membre de la Commission Consultative du Peuple du Sichuan, est depuis le 18e Congrès l’homme d’affaires le plus en vue pris dans les filets de la lutte anti corruption.

Sans citer Zhou Yongkang nommément, le Quotidien du Peuple établit néanmoins une connexion directe avec l’ancien chef de la sécurité publique et président de la commission des lois, puisqu’il explique que les crimes de Liu « n’auraient pas pu rester impunis sans la protection de certains cercles de l’appareil législatif ». Selon Xinhua, les associés de Liu qui ont déjà avoué une série d’exactions très graves, ont décrit leur patron comme un homme dont la cupidité ne reculait devant aucun méfait y compris les homicides. Le 20 février, Liu Han qui était en résidence surveillée depuis le printemps 2013, a été officiellement mis en accusation pour meurtres.

Démantèlement d’un réseau.

Si Liu est probablement le plus compromis dans des affaires de crimes crapuleux, ll n’est pas le seul homme d’affaires du Sichuan sur la sellette judiciaire. Sont également mis en examen Wu Bing, PDG de Zhongxu arrêté à la gare de Pékin le 1er août 2013, Li Guangyuan PDG de Star Cable, Li Xingrong patron de la soviété d’investissements Xingrong et He Yan PDG de Gotecom Electronic Technology.

Avant le nouvel an chinois Li Wenxi ancien chef de la sécurité du Liaoning, vice-président de la Conférence Consultative du Peuple chinois et un maillon important de la mouvance de Zhou dans le Nord-est a été mis en examen. Enfin, le 20 février, la belle Liu Yingxia (selon une dépêche de Xinhua en 2013) âgée 44 ans, l’une des 50 plus riches femmes de Chine, liée à l’APL dont elle a fait partie de 16 à 20 ans, à la tête du Harbin Xiangying Group impliqué dans les travaux publics, l’adduction d’eau et l’immobilier, été exclue de l’Assemblée Consultative du Peuple Chinois dont elle était membre depuis 2003.

Respectée pour son activisme économique et social et son diplôme de l’Université de Pékin, Liu Yingxia qui n’est pas inscrite au Parti, militait pour l’accès de sociétés privées dans les cercles très fermés des monopoles industriels publics de l’acier et du pétrole. Depuis 2012 son groupe était parti avec CNPC et Baosteel d’un projet de construction de 3 gazoducs ouest – est vers le centre et les zones côtières.

En septembre 2013, elle avait été mise en examen par la commission anti-corruption, apparemment pour ses connections avec un proche de Zhou Yongkang, Jiang Jiemin, ancien vice-gouverneur du Qinghai et patron de CNPC de 2006 à 2008, avant de devenir président de Commission des actifs de l’État en avril 2013, poste dont il a été relevé 6 mois plus tard pour corruption. Madame Liu est le 4e membre de la Conférence Consultative à être ainsi ciblée. Depuis un an 21 officiels de haut rang ont été mis en examen. Parmi eux 6 sont liés à Zhou Yongkang.

La justice contrôlée par le Parti.

On le voit, le nettoyage des écuries d’Augias d’abord focalisé sur la répression du réseau mafieux de Zhou Yongkang est entré dans une phase accélérée. Mais on ne peut pas exclure que, dans ce mouvement qui ratisse large, faisant d’une pierre deux coups, le pouvoir élimine également de potentiels ennemis politiques liés à la mouvance populiste à laquelle Bo Xilai et Zhou Yonkang apportaient leur caution. Cette vieille tendance des luttes internes où les premières cibles des accusations de « manquement à la discipline du Parti » sont aussi les opposants politiques, est d’autant plus possible que, pour l’heure, le système juridique reste aux ordres du Parti.

En dépit des bonnes paroles de Xi Jinping appuyées par des déclarations de la Commission législative sur l’exigence de professionnalisme adressée aux juges et aux tribunaux et malgré l’arrivée à la tête de la Cour Suprême du très ouvert Zhou Qiang qui vient de lancer une campagne pour réduire les erreurs judiciaires, la justice reste encore sans conteste possible aux ordres du Parti. C’est ce qu’ont confirmé les directives du Président et de la Commission des Lois, adressées aux juges à la veille du nouvel an qui, tout en exhortant les tribunaux à tout faire pour réduire les erreurs judiciaires, insistaient à la fois sur « le rôle dirigeant du Parti » et sur le rejet des notions occidentales d’indépendance de la justice.


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