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Rebond économique et grands défis

En cette fin d’année 2020 monte la rumeur d’un prochain accord sino-européen sur les investissements en négociations depuis sept années.

Alors que, dit-on, la France et l’Allemagne, prenant le contrepied de Washington et de nombre d’experts occidentaux de la Chine, y auraient été favorables, et que Pékin aurait accepté des conditions refusées jusqu’à présent, il est prudent d’attendre une confirmation ou non, pour en analyser le sens et la portée ou tirer les leçons de la poursuite des blocages.

Le 24 décembre, par un communiqué officiel de Xinhua, Pékin prenant le contrepied des précédentes déclarations du Ministre des AE Wang Yi, jetait une ombre sur l’optimisme de nombre de commentateurs.

L’accord qui paraissait imminent serait dit le Waijiaobu « négocié au rythme décidé par la Chine ». Du coup l’échéance de fin d’année paraissait abandonnée.

Une chose est sûre, des tensions sont à l’œuvre entre l’attrait du marché que représente la classe moyenne chinoise et la nécessité d’encadrer les échanges pour les inscrire dans plus de réciprocité.

En arrière-plan, la défiance entre la Chine et l’Occident continue de se nourrir des sérieuses réserves critiquant les fragilités du droit et la brutalité du régime aussi bien à Hong Kong et contre ses minorités tibétaines et ouïghour, dont l’arrière-plan culturel et politique est la prévalence absolue accordée à la souveraineté nationale. Celle-ci est également à la racine des tensions en mer de Chine du sud et dans le détroit de Taïwan.

En attendant, la note qui suit décrypte la situation économique du pays. Les signaux sont contradictoires, parfois brouillés par le parti-pris d’une information sévèrement bridée par la propagande.

Conférence Centrale Économique et contrôle politique.

Le 18 décembre, la conférence centrale annuelle du Parti qui pilote les orientations économiques a confirmé que l’État continuerait à soutenir le rétablissement d’après-crise dans un contexte où, dit Xinhua, subsistent des incertitudes dues à la pandémie, non seulement en Chine, mais surtout dans l’environnement international.

Grand-messe de synthèse annuelle dédiée à la définition des priorités économiques de l’année nouvelle, la Conférence Centrale réunit à l’entrée de l’hiver des centaines de responsables de Pékin et des provinces ainsi que les régulateurs financiers, les patrons des banques et les PDG des groupes publics.

Elle fixe les objectifs de croissance [1], la taille des déficits publics, le niveau des investissements et les limites acceptables de l’inflation. L’arrière-pensée politique reste toujours la maîtrise de la relation entre la société et le pouvoir.

Dans un contexte où les filets sociaux restent encore parcellaires, le Parti garde l’œil rivé sur le niveau du chômage et la nécessité de fournir chaque année plus ou moins 11 millions d’emplois nouveaux aux entrants sur le marché du travail qu’ils soient diplômés ou non.

Alors qu’en 2021 le Parti Communiste chinois célèbrera le 100e anniversaire de sa naissance, il entend bien marquer l’année par la démonstration de sa légitimité à gouverner le pays grâce à la poursuite des réformes et à l’accent mis sur l’innovation.

En même temps, alors que les tensions sino-américaines pourraient ne pas faiblir, l’objectif est de réduire la dépendance au marché américain, de consolider la stratégie des « Nouvelles routes de la soie » en Afrique et plus spécifiquement en Asie où elle est soutenue par les accords de libre-échange.

Surtout, alors que le monde reste encore marqué par les effets paralysants de la pandémie qui ne sont pas sans effet sur la situation intérieure, les priorités sociales économiques et politiques du régime affichées ou suggérées entre les lignes, sont l’innovation technologique, le contrôle du chômage et, comme s’il anticipait à terme un freinage des exportations, le renforcement de la consommation intérieure.

S’il est vrai que le pays dont les frontières sont toujours en partie fermées, est sorti plus vite de la crise que la plupart des pays occidentaux, ces ambitions constituent une longue suite de défis dont les difficultés réelles ne sont que rarement analysées par les discours publics.

Exportations en hausse. Fortes pressions occidentales.

A l’extérieur, Pékin est confronté à une défiance générale des pays occidentaux à l’origine de tensions nouvelles en fort contraste avec la bienveillance qui prévalait dans les relations depuis les années 80.

Si en juin 1989, la répression de Tian An Men avait brutalement freiné les échanges, les blocages n’avaient pas duré. Aujourd’hui encore, la croissance des exportations ne faiblit pas. En octobre 2020, principal signe du rebond économique, elle était de +11,4% à 237,18 Mds de $ (chiffres BNS) en hausse régulière depuis le mois de mai.

Mais l’arrière-plan politique de la relation s’est durci. Désormais, il exige des gages de réciprocité, impose le criblage des investissements chinois, leur interdit les secteurs jugés sensibles et dénonce le viol de la propriété intellectuelle en même temps que l’obligation de co-entreprise, tremplin des transferts forcés de technologies.

Depuis quelques années, il augmente les pressions pour une plus grande ouverture des services, notamment dans le secteur financier, les assurances et les soins aux personnes âgées.

Cette nouvelle donne des relations extérieures plus rugueuses, coups de boutoir contre les secteurs protégés et le paradigme de l’enchevêtrement des affaires et de la politique ébranle les fondations traditionnelles du pouvoir.

Première cause de l’aggravation des tensions sino-américaines, elle oblige l’appareil déjà confronté à l’assèchement de la réserve de main d’œuvre bon marché venue de l’exode rural, à des replis tactiques sur le respect des règles du marché [2] et à des réformes de fond pour réduire les gaspillages et augmenter par l’innovation la qualité de la production.

Mais si, à l’intérieur, la séparation affaires – politiques a pu un temps se développer dans certains secteurs, la récente mise au pas de Ant Group et et de Jack Ma, vient d’en fixer les limites. Lire : Le micro-crédit en ligne percuté par le principe de précaution et la normalisation politique.

A l’extérieur et notamment le long des « Nouvelles routes de la soie », quoi qu’en dise l’appareil, la puissance de l’empreinte politique sur les affaires n’a jamais été réduite, tant la plupart des projets nécessitent des aides financières.

Note(s) :

[1La Conférence Centrale n’a pas fixé d’objectif de croissance pour 2021, mais les commentateurs chinois qui situent la croissance 2020 à +1,9% (dont +4,9% au dernier trimestre 2020) tablent sur un rebond de rattrapage de +8% l’année prochaine. Ce qui, disent-ils, établirait une croissance moyenne de +5% en phase avec les tendances d’avant la crise.

[2Pour la pensée politique chinoise qui privilégie la souveraineté absolue de l’appareil, la réduction de l’influence de l’État constitue un défi dont, souvent, les négociateurs occidentaux ne mesurent pas l’ampleur réelle. Pour le Parti de plus en plus présent dans les entreprises y compris privées, réduire son empreinte dans la production industrielle et les services est tout simplement impossible. C’est la raison pour laquelle, ses concessions ne sont que tactiques.


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