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Rebond économique et grands défis

Routes de la soie. La rigidité d’une stratégie de la dette.

Sur les Nouvelles routes de la soie, les aides financières chinoises sont prodiguées directement par le triptyque bien connu de l’Exim Bank 中国进出口银行, de la Banque de développement (开展银行) ou de la Banque Industrielle & Commerciale 工商銀行) et de l’assurance crédit prodiguée par la China Export & Crédit Insurance corporation (出口信用保險).

Plus récemment, à mesure que se développent les projets, la manne financière chinoise est indirectement dispensée aux économies dont les déficits s’aggravent, par le truchement des grandes entreprises publiques ou privées, elles-même endettées.

Du coup, l’absence de souplesse du montage et les risques induits apparaissent clairement. Directement articulée au système financier chinois dominé par l’État, en partie ou en totalité garantie par les réserves de change (de l’ordre 3200 Mds de $) [3], l’architecture politico-financière des Nouvelles routes de la soie manque de marge de manœuvre.

C’est l’analyse de Tristan Kenderdine chercheur et consultant expert de la Chine et des États eurasiatiques, publiée le 12 décembre dernier dans « The Diplomat ». La tendance qui, du fait des effets de la pandémie, ne faiblira pas, mais qui, contrairement aux discours, se réoriente progressivement au profit des intérêts directs chinois, creuse la dette des pays cibles et augmente l’empreinte politique de Pékin.

En même temps, l’imbrication financière, porte un risque d’une contagion de défauts.

Il ne fait pas de doute qu’en 2021, Pékin sera, notamment en Afrique, contraint à un bilan avantages – risques de sa vaste stratégie globale, dont il faut rappeler qu’elle a mûri à partir de 2011, en réaction au Trans Pacific Partership lancée par l’équipe de président Obama.

En Asie du Sud-est, l’efficacité géopolitique de l’entreprise est renforcée par les relations commerciales déjà anciennes, consolidées par les récents accords de libre échange (lire : En l’absence de l’Inde, la Chine unique poids lourd du Partenariat Économique Régional.), créant un vaste espace commercial propice à l’élargissement de l’empreinte de Pékin.

Innovation, marché intérieur et stabilité sociale. Trois défis chinois

A l’intérieur, les déclarations officielles traduisent en filigrane les soucis du pouvoir.

Ils vont de l’exigence de maintenir le flot des investissements directs étrangers (IDE) à la préservation de la paix sociale par le contrôle du chômage et la réduction des inégalités, en passant par la croissance du marché intérieur – répétée par le nouveau slogan de « double circulation » [4].

Quant à l’innovation technologique, elle est vue comme le moyen de réduire la dépendance à l’Amérique pour garantir l’approvisionnement des chaînes de production au meilleur niveau de compétition, en dépit des embargos de Washington.

S’il est probable que les IDE resteront à un bon niveau, surtout si Pékin accepte, comme le Président l’a promis dans nombre de ses discours, de réduire les obstacles à leur entrée en Chine et leur ouvre plus largement le secteur des services (en 2019 la valeur des IDE était de 141,2 Mds de $, contre 136,3 Mds en 2017 soit +3,6%), en revanche les objectifs de promotion de l’innovation, de développement de la consommation intérieure et du contrôle du chômage seront plus difficiles à atteindre.

« Nous devons supprimer le goulot d’étranglement des technologies de pointe le plus rapidement possible », indiquait le communiqué à l’issue de la conférence, le 18 décembre. L’intention faisait clairement référence aux retards des microprocesseurs chinois, talon d’Achille des l’industrie des télécom. La très féroce guerre sino-américaine sur ce terrain fera que le rattrapage sera long et difficile.

S’il est vrai que la bataille incite l’industrie chinoise des microprocesseurs à réagir, le retard est important, notamment dans le domaine de la miniaturisation. Lire : Huawei sévèrement touché, mais pas coulé. La guerre sera longue et difficile.. Sans compter que l’assèchement des livraisons américaines de microprocesseurs dernier cri, empêche de brûler les étapes.

Le développement du marché intérieur fait l’objet d’avis divergents. Quand les adeptes de la rigueur structurelle plaident pour la réduction des déficits budgétaires à 3% en 2021 contre 3,6% en 2020, Yu Yongding économiste à l’Académie des Sciences Sociales suggère que la faible inflation autorise de poursuivre la relance budgétaire conditions des grands travaux d’infrastructure, pourvoyeurs d’emploi et de l’aide aux PME ayant le plus souffert au cours du premier trimestre.

Quant au pouvoir d’achat des ménages, dont le taux d’épargne (plus de 40% du PIB) est un frein à la consommation, il ne sera un moteur dynamique de la consommation intérieure que par l’amélioration du filet de protection sociale et la réduction de la pauvreté. C’est en cours, mais pour les retraites et la couverture médicale, on est encore loin d’un système unifié.

Les plus pauvres enfin, angle aveugle de la Chine moderne, sont toujours plusieurs centaines de millions dont plus de 200 millions de travailleurs migrants dont la précarité s’est aggravée durant la crise épidémique.

Restent les chiffres du chômage, dont l’appareil ne rend compte que de manière partielle.

L’offre de travail n’est pas homogène.

Selon les statistiques officielles d’octobre fournies par le Bureau des statistiques, le taux de chômage était stable, retombé à 5,3% (il était officiellement de 5,0% en janvier 2018) après une hausse à 6% en janvier 2020. La réalité est cependant que l’image du marché du travail ainsi fournie est floue.

Synthèse des chiffres fournis par les provinces, le pourcentage global exclut non seulement les travailleurs migrants non répertoriés par les services sociaux locaux, mais aussi les adultes de plus de 59 ans.

Ajoutons que la crise épidémique a bouleversé la présentation officielle. Pour Ouyang Jun et Qin Fang, deux économistes de l’Université de Chengdu, cités par le South China Moring Post du 17 novembre , après les chiffres alarmants de janvier, la situation de l’emploi s’est améliorée plus rapidement que prévue.

Mais nombre de travailleurs des industries à forte intensité de main d’œuvre et une proportion importante de jeunes diplômés n’ont pas retrouvé de travail ou sont sous-employés. Au point que, pour la première fois depuis 1990, les prestations chômage ont dépassé les cotisations.

Quant aux PME, violemment impactées par la crise, leurs patrons n’ont souvent pas appliqué les directives sociales les obligeant à contribuer à cinq types d’assurance (retraites, santé, chômage, congé de maternité, aide au logement) dont la somme représente déjà 30% des salaires qui s’ajoutent aux taxes sur les bénéfices.

Au cours du premier trimestre, les effets de la crise ont multiplié les habitudes patronales d’engager des travailleurs temporaires précaires non déclarés dont la fréquence s’est perpétuée en dépit de la reprise. Résultat, les statistiques manquent la partie fragile de l’image.

Les travailleurs migrants et les jeunes diplômés dont des centaines de milliers – peut-être des millions – ont accepté des « petits boulots » constituent une population de chômeurs mal comptabilisée. Exemple : à la fin 2020, près de 25% des 2,95 millions de livreurs la société Meituan sont des diplômés n’ayant pas trouvé d’emploi, en hausse de 7% par rapport à 2019.

En conclusion, les perspectives d’emploi et l’image du marché du travail sont éclatées. Alors que l’offre d’emploi dans le secteur de la construction a bondi à +60 % au troisième trimestre, les possibilités de travail des diplômés se sont encore contractées, baissant de 5%.

Les services hors-ligne ne reprennent que lentement, tandis que les industries à forte intensité de main d’œuvre n’embauchent pas. L’offre de travail continue à baisser sérieusement dans les PME et dans les grands centres urbains de la côte Est.

Note(s) :

[3Après une hausse entre 2000 où elle ne se montait qu’à 589 Mds de $ et le record de 2013 (1316 Mds de $), la Banque de Chine réduit lentement son exposition aux emprunts américains. En octobre 2020, la part des réserves libellées en bonds du trésor américains n’était plus que de 1050 Mds de $, soit une baisse de 20% en sept années.

[4« 双循环 - shuang xunhuan -, double circulation ». Le concept indiquant que le pouvoir cherchera à stimuler le marché domestique, suggère qu’il anticipe à terme un ralentissement des exportations et s’efforcera de moins dépendre de l’extérieur.


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