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Relations dans le Détroit. Situation et perspectives. Le dilemme de Tsai Ing-wen

Les facteurs socio-économiques du recul.

Pour l’instant, le principal facteur du reflux n’est pas politique. Il est économique et social, et recoupe le dilemme Foxconn, excès caricatural d’une délocalisation industrielle ayant tiré partie jusqu’à l’extrême des effets pervers du développement chinois, transformant la main d’œuvre de migrants en esclaves d’une production industrielle dont le coût salarial et la variable humaine étaient considérées comme négligeables.

Récemment Noah Smith, économiste chez Bloomberg notait que la Chine avait perdu ses anciens avantages de faibles coûts de l’énergie et du travail (il y a 10 ans, en Chine le rapport moyen aux salaires occidentaux était de 1 à 10. Il est maintenant de 1 à 4), auxquels s’ajoutait la très confortable souplesse des règles administratives. Aujourd’hui, les patrons taïwanais sont non seulement confrontés à profusion aux règlements, à la hausse des salaires mais aussi à l’explosion des charges sociales en vigueur depuis 2011.

Du coup, les industries taiwanaises des secteurs à forte intensité de main d’œuvre – tels que le textile et les meubles – tournent leur attention vers les marchés du travail moins chers de l’Asie du Sud-est. Telles sont les raisons pour lesquelles les économistes taïwanais prévoient le ralentissement inéluctable des investissements taïwanais sur le Continent.

A ces facteurs de coût, s‘ajoute la montée en gamme qualitative des concurrents chinois sur les marchés internationaux, notamment dans le secteur des technologies de l’information, avec l’émergence de marques chinoises comme Xiaomi ou Oppo, qui obligent à baisser les coût ou à effectuer une montée en gamme qualitative.

Enfin, dernière évolution stratégique du Continent, alors que, par le passé, n’importe quel investissement taïwanais était le bienvenu, bénéficiant d’allègements fiscaux substantiels, aujourd’hui les autorités chinoises privilégient ceux porteurs de hautes technologies dont la Chine a besoin.

En arrière plan l’ombre politique de la Chine.

Ayant analysé la relation dans le Détroit par le biais des facteurs socio-économiques et ceux de la montée en gamme qualitative des concurrents du Continent, il est cependant impossible de minimiser l’impact des tensions politiques.

Ces dernières sont d’autant plus visible que la rupture des relations officielles suivait de peu l’emblématique rencontre entre Ma Ying-jeou et Xi Jinping le 7 novembre 2015 à Singapour, vue par le Quotidien du Peuple, comme une profession de foi contre l’Indépendance, six mois seulement avant l’investiture de Tsai Ing-wen dont l’arrière plan politique est précisément articulé à la séparation d’avec le Continent.
Lire notre article Pour la première fois un président chinois rencontre le chef de l’exécutif taïwanais en exercice.

C’est pourquoi, l’avenir des affaires taïwanaises hors de l’Île et du Continent qui dépend aussi de la capacité de projection des Taiwanais sur d’autres marchés doit aussi être analysé par le truchement de la capacité de harcèlement politique de Pékin pour brider les élans commerciaux taïwanais sur les marchés de rechange.

Puissance des influences chinoises.

Le dilemme taïwanais se complique d’autant plus que l’abandon en rase campagne par Washington du projet commercial transpacifique ferme une option pour les accords commerciaux de libre échange, tandis que la seule marge de manœuvre de Taïwan reste la nébuleuse de libre échange patronnée par la Chine du « Partenariat Economique Régional Global – sigle anglais RCEP – en Chinois 区域 综合 经济 伙伴关系, dont 70% sont des partenaires commerciaux de l’Île.

Selon Kristy Hsu directrice du centre de recherche sur l’ASEAN à l’Institut de recherches économiques Zhong Hua (sigle CIER - 中华 经济研究所 -),la possibilité que Taïwan puisse rejoindre cette enceinte dont les accords pourraient être signés à la fin 2018, est faible. Selon la plupart des analystes Taïwanais, la réticence de Tsai à reconnaître le consensus d’une seule Chine fondera le refus de Pékin。

L’exclusion de l’Île tenue à distance d’un vaste accord de libre échange portera le risque de mettre sérieusement à mal des solutions de rechange aux relations avec le Continent. Notamment celles envisageant un schéma de fabrication des composants dans l’Île suivie d’une délocalisation des assemblages dans des pays de l’ASEAN comme le Vietnam où les groupes taïwanais ne bénéficieraient pas des allégements de taxes prévus par les accords RCEP. Si le schéma était possible avec Ma Ying-jeou, il ne le serait plus avec Tsai Ing-wen, tant qu’elle ne reconnaîtra pas la « politique d’une seule Chine. »

L’effondrement de la confiance politique…

Le moins qu’on puisse dire est que la confiance ne règne pas. Les Taïwanais subissent les pressions chinoises, mais Taipei ne se prive pas de mettre des obstacles aux entrepreneurs du Continent.

Si la propagande chinoise a réussi à décourager 40% des continentaux à visiter l’Île au cours de 6 premiers mois de 2017, après que Pékin ait, en 2015, rejeté la candidature de Taipei à devenir membre fondateur de la Banque asiatique des Investissements d’Infrastructure (AIIB) (lire notre article : L’élan global de la monnaie chinoise, craintes américaines et perspectives.), 30% du secteur industriel taïwanais restent encore fermés aux investissements chinois (dont les médias et les industries de hautes technologies), tandis que les Continentaux ne sont toujours pas autorisés à prendre la direction d’une compagnie taïwanaise et qu’un très sévère embargo de sécurité frappe les investissements chinois dans le secteur des microprocesseurs.

Récemment les projets de prise de contrôle par le groupe public chinois Qinghua Unigroup 紫光 集团 des Taïwanais ChipMOS 臺灣芯片, Siliconware Precision Industries 矽精 工业 et Powertech technologies 力成 科技 ont tous les trois été bloqués après l’investiture de Tsai Ing-wen…

…Et le défi posé à Tsai.

Dans un contexte où il est très peu probable que le Parti communiste chinois allège ses pressions sur Tsai Ing-wen, l’avenir de la projection hors de l’Île de l’économie taiwanaise est donc enfermé dans le double handicap du marché chinois moins lucratif et celui des solutions de rechange dont la faisabilité en Asie du Sud-est ou ailleurs dépend également du poids de l’influence chinoise.

Pékin peut en effet prendre en otage les partenaires potentiels de Taipei pour des accords de libre échange en les menaçant de fermer le marché chinois à leurs exportations. Lire notre article de décembre 2013 faisant état de 2 accords de libre échange signés au temps Ma Ying-jeou. Il n’est pas certain que Tsai Ing-wen puisse négocier des succès identiques alors que Pékin la presse de reconnaître « le principe d’une seule Chine » : L’inconfortable danse de Formose avec les empires.

De cette analyse il découle qu’au delà des postures, l’actuel défi de Tsai Ing-wen est bien de trouver une nouvelle formule acceptable pour Pékin remplaçant celle du « consensus de 1992 » et que sa base radicale pro-indépendance pourrait cautionner sans se trahir. Tans que les deux rives ne trouveront pas un compromis sur ce terrain politique sensible, tout progrès des négociations commerciales dans le Détroit sera impossible.


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