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Reprise économique et risques sociaux

Alors que le Parti communiste chinois est sur la sellette pour avoir, par ses occultations et – c’est une hypothèse gravissime envisagée par le Washington Post à la mi-avril - par l’incompétence désordonnée des responsables de la sécurité d’un laboratoire de virologie à Wuhan, favorisé la diffusion rapide de la pandémie de covid-19 [1], le Bureau National des Statistiques (BNS) a, le 17 avril publié un bilan détaillé de la situation de l’économie dont, disent nombre d’observateurs, la transparence et la précision sont remarquables.

Il est cependant nécessaire de nuancer cet enthousiasme. Quelle que soit leur transparence, les statistiques ne rendent en effet pas compte de la préoccupation principale du régime chinois. Comme toujours, elle est politique et directement liée aux risques sociaux.

Le plus grand défi à l’économie chinoise et mondiale en temps de paix.

Par rapport à la même période de l’année dernière, la croissance a baissé de 6,8%, la plus importante baisse depuis que le Parti a commencé à publier des statistiques en 1992. Comparé au dernier trimestre de 2019, où l’économie avait progressé de 6%, le freinage revient à une contraction du PIB de 9,8%.

La baisse est accompagnée d’un taux de chômage qui, à la fin mars, stagnait à 5,9% après un pic à 6,2% en février. Dans le même temps, en mars, le commerce de détail, les investissements dans l’immobilier d’entreprise et dans le logement accusaient des chutes spectaculaires, respectivement de 16, 15 et 7%, tandis que le marché des ventes immobilières freinait de 23%. En revanche, la production industrielle n’a baissé que de 1%.

Il reste que globalement, la mise à l’arrêt de la plupart des activités commerciales au Hubei depuis la fin janvier, pendant plus de 2 mois, a infligé à l’économie chinoise le coup le plus sévère depuis 1976.

La reprise économique est lente et fragile. S’il est vrai que de nombreuses restrictions ont été levées, de nouvelles ont été imposées, frappant notamment les vols internationaux pour tenir à distance une deuxième vague de contagions importées.

Le WSJ le soulignait le 17 avril que, compte tenu de la taille de l’économie chinoise et de ses connexions avec la planète, tous les économistes et les analystes surveillent de près la reprise économique.

Dans une note à ses clients, Trivium China, spécialisée dans la recherche économique sur la Chine, estimait que 80% de l’activité commerciale avait repris, contre 70% il y a un mois. Mais elle ajoutait que, dans l’élan de reprise, les 20% restants seront bien plus difficiles à combler que « tout ce qui avait été récupéré jusqu’à présent ».

L’arrêt des usines a handicapé l’acheminement des composants, tandis que le blocage des transports a empêché le retour de la main d’œuvre après le nouvel an. Bien que ces dernières années, la Chine ait réorienté son économie vers la consommation intérieure, elle reste toujours tributaire des exportations, fortement impactées par la crise.

Selon Ding Shuang, responsable de la recherche économique pour la « Grande Chine » chez Standard Chartered, « Il s’agit du plus grand défi pour l’économie chinoise et mondiale en temps de paix dans l’histoire moderne » (…) « Alors que les freinages précédents se sont développés progressivement », le choc du coronavirus a infligé un arrêt brutal. « Le plus inquiétant est que les clients de la Chine en Occident ont en grande partie cessé leurs commandes. Dans un avenir prévisible elles devraient rester déprimées ».

Le 17 avril, Mao Shengyong, un porte-parole du Bureau national des statistiques, tentait une appréciation optimiste de la situation. Insistant sur la reprise des 10 derniers jours suivant la levée du confinement, il précisait aussi que les mises à pied n’avaient pas concerné toute la Chine (ce que certains observateurs contestent).

Mais il admettait que les objectifs de croissance 2020 seront difficiles à maintenir alors que la situation économique mondiale continuait à se détériorer. Aujourd’hui, la banque d’investissement UBS estime que 50 à 60 millions de travailleurs du secteur des services et 20 millions de plus dans les secteurs de l’industrie et de la construction ont perdu leur emploi ou n’ont pas pu reprendre le travail au premier trimestre en raison de restrictions de voyage et des mesures de quarantaine.

La banque s’attend à ce que le marché du travail se redresse à mesure que davantage de travailleurs trouvent de nouveaux emplois. Malgré cela, UBS prévoit une baisse de 14 millions d’emplois non agricoles pour 2020 annulant ainsi les gains d’emplois globaux des deux dernières années. Comparé à une main d’œuvre estimée à 900 millions, ce recul de 1,5% pourrait paraître anodin. Il recèle cependant des risques cachés.

Note(s) :

[1QC a longuement documenté ces manquements, dont une partie est due à la rigidité de l’appareil ne laissant qu’une initiative réduite aux échelons subordonnés, eux-mêmes enfermés dans une culture courtisane du non-dit. Lire : Le navire tangue. Le régime se crispe.

Nous avons également rendu compte dès le 19 février de la rumeur de fuite au laboratoire P4 de Wuhan en prenant soin de présenter tous les points de vue : L’insistante rumeur d’une « fuite » au laboratoire P4 de Wuhan.

Le 17 avril, un article du Washington Post faisait le point : How China’s authoritarian system made the pandemic worse

Extraits : « Il est faux d’accuser la Chine, sur la base des preuves actuelles, d’avoir délibérément lancé un fléau contre le monde. Il est juste de souligner que le système chinois et ses tromperies ont aggravé la situation. »

Et « Une explication plus troublante est que le coronavirus s’est propagé par inadvertance à l’Institut de virologie de Wuhan, qui avait effectué des recherches sur les coronavirus de chauve-souris et possédait une installation de niveau de biosécurité 4, la plus sûre pour traiter les maladies hautement pathogènes et infectieuses. Il n’est pas impossible qu’un accident se soit produit. »


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