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Reprise économique et risques sociaux

Chômage et craintes politiques.

Certains économistes se demandent si le taux de chômage des statistiques officielles offre une image exacte de la situation de l’emploi. La réalité est en effet que les licenciements des travailleurs migrants et de nombreux autres groupes ne sont pas inclus dans les chiffres. Du coup l’occultation ne rend pas compte de la pression politique réelle posée par la lente montée du chômage qui, par contre coup, impacte directement la consommation intérieure.

Toujours le 17 avril, le BNS annonçait – une première depuis 2002 - la baisse par rapport à 2019 du revenu moyen disponible par habitant ajusté à l’inflation. Inutile de dire que, rapporté aux effectifs de la classe moyenne supérieure, voisins de 100 millions [2], la baisse du pouvoir d’achat de cette catégorie de la population aura un impact sur la consommation intérieure dont l’influence sur le PIB oscille entre 40 et 50%, selon les études (contre une moyenne approchant les 70% dans les pays occidentaux) .

Toujours en restant sur le terrain politique dont les statistiques du BNS ne rendent pas compte, le recul des chiffres de la production nationale au premier trimestre 2020 prend Pékin à contrepied au moment où la propagande rappelait que le PIB serait doublé par rapport à 2010 et que la pauvreté serait éliminée, dans la cadre « d’une société modérément prospère- 小康社会 xiaokang shehui, généralisée 全面 - ».

Inégalités.

Mais, s’il est vrai que la Chine peut se targuer d’avoir, au cours des 40 dernières années, tiré de la pauvreté 730 millions de Chinois, comptant pour 70% de la réduction globale de la pauvreté, l’affichage social d’un « confort modeste pour tous », hérité entre autres de l’antique Livre canonique des odes (Shijing 诗经, rassemblant des textes allant du XIe au Ve siècle av.JC), est un trompe l’œil.

Il jette en effet un voile sur la persistance des inégalités que le président Xi Jinping s’est donné pour mission de supprimer. A cet effet le gouvernement a drastiquement augmenté de 13 Mds de $ les fonds dédiés à cet objectif. La Banque chinoise de développement, mise sur le pont, a quant à elle promis 51 Mds de $.

Les engagements financiers ont été accompagnés d’inspections répétées pour éviter les détournements et la corruption, au point que selon les statistiques officielles, au cours des 5 dernières années 60 000 fonctionnaires ont été sanctionnés.

Mais le compte n’y est pas. Les allocations de soutien aux plus pauvres restent parfois erratiques. Selon une note de mars 2019 de « l’Institut pour la sécurité et les politiques de développement – ISDP - », Centre de recherche basé à Stokholm dont le travail englobe l’impact des tensions et des conflits sur la sécurité des États et leur développement, en Chine, le pouvoir laissé aux bureaucraties locales aboutit à l’attribution inéquitable des secours accordées aux ménages.

Alors que certains sont aidés, d’autres voient leurs dettes se creuser, parfois à la suite de dépenses de santé non couvertes par les politiques d’aide. Les plus défavorisés, au chômage et sans ressources, sont forcés par l’administration d’abandonner leurs lopins de terre et de retourner dans leur province d’origine.

Plus encore, alors que l’aménagement du territoire a initié un exode rural, dans les grands centres urbains comme Shanghai et Pékin, se développe actuellement une campagne de répression contre les migrants et leurs bidonvilles. Lire : Nettoyage de la capitale et expulsions. Incendie et polémiques. Les migrants, « citoyens de seconde zone ».

Une note publiée en 2015 dans le blog « LES Business Review », de la London School of Economics and Political Science, par Thomas Piketty, Li Yang chercheuse à la faculté d’économie de Paris, docteur en économie de l’Université de Xiamen et Gabriel Zucman, économiste français, diplômé de Normal sup, docteur en économie de l’École des Hautes Études des Sciences Sociales (EHSS), aujourd’hui professeur d’économie à Berkeley, analysait qu’en Chine la part des revenus accaparés par les 1% des chinois les plus riches était passée de 6% en 1978 à 14% en 2015, une proportion supérieure aux 10% français, se rapprochant des 20% américains.

Ainsi le choc épidémique global qui handicape la reprise chinoise par l’extinction momentanée de la demande des clients occidentaux de la Chine, impacte également la consommation intérieure par les tensions sur les revenus et l’emploi sur lesquelles le pouvoir chinois communique peu.

La secousse intervient alors que monte la crainte du chômage, dans un contexte où les écarts de richesses augmentent. Encore inférieures à celles des États-Unis, mais supérieures aux françaises, les inégalités qui montent aggravées par le chômage, sources potentielles de troubles sociaux, sont au cœur des préoccupations politiques du pouvoir.

Note(s) :

[2En 2011 QC, avait abordé le sujet de la classe moyenne et ses implication politiques : Les extraordinaires défis de la classe moyenne. A l’époque, les extrapolations optimistes envisageaient un gonflement des effectifs de la classe moyenne au sens large (entre 10 000 et 50 000 $ par an) de revenus à 700 millions ou 48% de la population en 2020.

En 2018, un article du SCMP, faisait le point, citant un rapport de la banque d’investissement d’UBS datant de 2015 qui évaluait à 109 millions les Chinois disposant de revenus annuels compris entre 50 000 et 500 000 $. Le contraste entre les estimations de 2011 et celles de 2015 tient au très sérieusement glissement vers le haut de la fourchette de revenus.


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