Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Taiwan

Résurgence épidémique. La fin de l’exemplarité taïwanaise ?

Solidarité Confucéenne, polémiques politiques et aigreurs chinoises.

Après une brève période de flottement la réponse des autorités a été directe. Des points de tests ont été ouverts au cœur des foyers de contamination ; la taille des rassemblements autorisés a été limitée ; le port du masque à l’extérieur a été rendu obligatoire et les manquements sanctionnés par de fortes amendes ; les écoles ont été fermées, tandis que les autorités conseillaient aux Taïwanais de rester chez eux.

Mais le facteur le plus efficace de la réaction fut l’esprit de discipline de la société. Alors qu’ailleurs monte assez souvent une « lassitude pandémique », marquée par des réticences à se conformer aux règles de prudence et de respect des distances sociales, la plupart des Taïwanais ont devancé le retour de la prudence des autorités.

Lorsqu’à la mi-mai le nombre de cas a soudain augmenté, passant de 1200, le 12 mai à 10 000 trois semaines plus tard, les rues se sont vidées, la population a commencé à constituer des réserves de nourriture et de produits de première nécessité, les restaurants ont fermé spontanément ou au moins interrompu le service en salle, et ceux qui ne l’avaient pas fait n’avaient plus de clients.

Plus encore, on observe un patriotisme de la lutte contre le virus. Tout se passe comme si la victoire sur la Covid-19 était devenu un objectif de fierté nationale.

La cohésion sociale n’a cependant pas empêché les querelles politiques. Au contraire. Le terrain d’angoisse né de l’augmentation brutale des contaminations a échauffé les rivalités à l’intérieur de l’Île et attisé les aigreurs de Taipei exclu de l’OMS par Pékin.

Les thèmes des critiques développées par l’opposition contre Tsai Ing-wen agitèrent à la fois l’un des plus faibles taux de vaccination au monde dont les raisons sont évoquées plus haut et le refus de Taipei d’accepter l’aide de Pékin.

Alors que l’exécutif de l’Île est encore sous le coup de la rebuffade chinoise assortie de menaces de représailles, refusant d’accepter Taipei à l’OMS même avec le statut d’observateur, au DPP, la proposition du Parti d’aider les « compatriotes taïwanais » a fait l’effet d’un chiffon rouge.

Alors que Pékin proposait de livrer à l’Île son vaccin SinoVac dont l’efficacité a été critiquée au Brésil (voir étude brésilienne) et même par un fonctionnaire chinois (lire sur le site de la BBC), rare aveu d’imperfection du parti cité par J-Y Heurtebise, le KMT qui fustigeait le refus de Taipei, a accusé Tsai Ing-wen de sacrifier la santé des Taïwanais pour des motifs politiques.

Enfin, les transes épidémiques ayant ébranlé la sérénité des Taïwanais, ont une nouvelle fois mis en exergue la vulnérabilité de l’Île face aux intrusions de Pékin.

L’insistante menace des cyber-intrusions.

Dans un contexte où les Taïwanais ont souvent mis en garde contre les manœuvres obliques du Continent visant à installer le chaos dans l’Île, le 21 mai, le vice-ministre de l’intérieur Chen Tsung-yen a, lors d’une conférence de presse, une nouvelle fois rappelé les risques posés par les campagnes de propagande et de désinformation de Pékin.

Cette fois encore, dit Chen, les critiques chinoises de la réponse de l’Île à la pandémie et les fausses nouvelles circulant sur le Net sont destinées à affaiblir la confiance des Taïwanais dans leur gouvernement. En arrière-plan, l’insistant agacement de Pékin face au refus de Tsai Ing-wen de reconnaître « la politique d’une seule chine ».

Lors de son intervention, Chen a démenti une avalanche de fausses nouvelles circulant sur Twitter et Youtube, en commençant par celles de la contamination de Tsai Ing-wen et de son entourage ou de « l’explosion » de l’épidémie dans toute l’Île alors qu’elle est pour l’instant circonscrite dans quelques foyers au nord.

Les responsables de la santé ont aussi dénoncé des conseils dangereux de soins ou de prévention prodigués par de faux experts, comme celui qu’il suffirait de prendre un bain chaud pour se prémunir contre la contagion.

Alors que jusqu’à présent les cyber-intrusions et les manipulations des réseaux sociaux étaient facilement détectables, notamment parce qu’elles étaient rédigées en caractères simplifiés ou employaient des formules peu usitées dans l’Île, les vigiles taïwanais du net ont noté une claire sophistication des techniques.

La nouvelle manière moins détectable mise à jour par des spécialistes américains de la cyber-sécurité utilise des Taïwanais. Payés entre 730 $ et 1400 $ mensuels ils diffusent des messages sur les réseaux sociaux comme LINE, YouTube, Instragram ou PTT (批踢踢 pititi) la version locale de l’Américain Reddit, principal vecteur de diffusion des vagues intrusives de messages mis en ligne par des « trolls » [1].

L’autre sophistication s’applique à emballer de manière humoristique et séduisante des formules répétitives « mèmes » suffisamment connectées à la culture et aux modes d’expression locales pour paraître crédibles et susciter l’envie de les partager.

Aux polémiques autour des cyber-intrusions chinoises, Pékin a sèchement répondu à Taipei de cesser de se livrer à des « petits jeux politiques » et de s’occuper de soigner sa population.

Ce qui, en l’absence de vaccins locaux avant plusieurs mois, suppose que les États-Unis accélèrent leurs livraisons à l’Île [2].

Mise à jour le 9 juin

Le 8 juin, le nombre total de cas avait atteint 11 693 et celui des décès cumulés 308. Le rythme quotidien des nouvelles contaminations reste voisin de 300 et celui des décès qui baisse légèrement, est encore au-dessus de 20.

Note(s) :

[1Source JournalDuNet.

En référence à la créature issue de la mythologie scandinave, le troll est un individu bête et méchant, qui aime générer des polémiques quelque soit le sujet de la conversation. Il souhaite nuire, notamment à travers la perturbation d’un espace d’expression tel que les forums ou réseaux sociaux. Il peut aussi créer des dissensions au sein d’un groupe : « diviser pour mieux régner » est sa devise.

Ce type d’internaute est très doué pour exacerber les divergences de points de vue et repérer les membres qui ne partagent pas la même opinion. Étant donné que l’exclusion le guette à chaque phrase, le troll dispose de plusieurs comptes afin d’agir simultanément sur plusieurs forums et réseaux sociaux. Il peut surgir à n’importe quel instant dans une conversation en ligne publique.

[2Selon La Tribune « sans fournir de détails, la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, a déclaré que d’avantage de doses arriveraient à partir du mois prochain. L’alliance pour les vaccins GAVI confirme attendre la livraison des doses d’AstraZeneca allouées dans le cadre du programme COVAX d’ici la fin du mois de juin au plus tard.
Des vaccins mis au point localement devraient également être disponibles d’ici juillet.La dégradation de la situation sanitaire dans le pays a provoqué un repli de 12,5% depuis le début du mois de mai. Le 4 juin date de la rédaction de cette note, elle avait récupéré 80% de la baisse. »


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Regards sur l’inquiétude des aborigènes et le durcissement de la Chine

Manoeuvres législatives

Présidentielles. Victoire de Lai Qing De ; net recul législatif du Min Jin Dang. Souple et pragmatique, Ko Wen-je renforce sa position d’arbitre

Présidentielles 2024 : Lai toujours favori. L’écart avec Hou se resserre. Les perspectives du scrutin législatif se brouillent

Promouvoir la démocratie et les libertés pour échapper au face-à-face avec Pékin