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Un souffle chinois sur l’Amérique Latine

Le 22 juillet, Xi Jinping a rencontré Fidel Castro à La Havane.

L’Argentine aux abois.

En Argentine où là aussi le Président Xi Jinping succédait à Poutine de passage tout juste une semaine plus tôt, la Chine a depuis 2005 déjà investi près de 12 Mds $ dont 51% pour l’énergie, 21% pour les infrastructures de transport et 12% pour l’agriculture. En 2010, CNOOC associée à 50/50 avec le groupe familial argentin Bridas Energy Holding Ltd, avait racheté 20% des parts de Pan American Energy LLC, lui conférant un contrôle sur 18% de la production de pétrole et de gaz argentin qui s’ajoutait aux actifs chinois représentant 50% des plus grandes réserves d’hydrocarbures d’Argentine du champ d’hydrocarbures de Cerro Dragon dans l’extrême sud du pays.

La Chine a par ailleurs prêté 2,6 Mds de $ sur 10 ans pour rénover le réseau ferré qui connecte la capitale à l’arrière pays et investi 80 millions de $ pour réactiver une mine de fer. En 2011, le groupe sino-argentin CNOOC - Bridas Energy a racheté les parts de BP et d’Exxon Mobil en Argentine, au Paraguay et en Uruguay. Le plus souvent, grâce aux prêts de la banque chinoise de développement, les compagnies chinoises parviennent à s’assurer des prix des matières premières garantis sur de longues périodes pouvant aller de 10 à 40 ans, les mettant à l’abri des fluctuations des coûts. Mais il arrive, comme en Argentine, au Chili ou au Brésil, que les accords conclus avec la Chine entraînent de sévères controverses politiques internes qui accusent le pouvoir de « brader » les ressources du pays.

En 2012 des accords avaient été signés pour une coopération nucléaire civile (construction de 4 centrales qui s’ajouteront aux 3 existantes) et la modernisation du réseau de chemins de fer argentin, appuyés par un prêt à faible taux de 2 Mds de $. Depuis quelque temps, les compagnies chinoises convoitent aussi la production agricole et les terres. Déjà la Chine achète la presque totalité de la production argentine de soja, tandis qu’en 2011 le groupe agricole du Nord-est chinois Heilongjiang Beidahuang Nongken Group (HBN), n°1 chinois du secteur signait une JV avec l’Argentin CRESUD SA pour acheter ou louer plusieurs centaines de milliers d’hectares de vignobles et de terres céréalières (soja, maïs, blé) dans le sud du pays.

Menacée de faillite, aux prises avec une forte récession, un niveau d’inflation proche de 40% et des réserves de change au plus bas, Cristina Kirchner a signé 20 accords dont un arrangement financier pour l’utilisation du Yuan dans les échanges commerciaux à concurrence de 11 Mds de $. Pékin a également consenti un prêt de près de 7 Mds de $ pour l’achat d’équipements ferroviaires chinois et la construction d’un barrage dans le sud du pays.

Le Venezuela et Cuba, deux symboles politiques anti-américains.

La troisième étape du voyage sud-américain du n°1 chinois fut le Venezuela. Recélant parmi les plus vastes réserves de pétrole prouvées au monde. Potentielle marge de manœuvre chinoise en cas de déstabilisation de ses sources d’énergie au Moyen Orient, le pays est le deuxième bénéficiaire des investissements chinois en Amérique Latine avec un stock de 15 Mds $ répartis à raison de 56% dans les infrastructures de transport, 31% dans l’énergie, 5% dans l’agriculture et les mines et 6% dans les contrats de construction par des sociétés chinoises.

L’implication chinoise dans le pétrole vénézuélien date de 2011 avec la signature d’une JV entre Petrochina et PDVSA (Petroleos de Venezuela SA), la compagnie nationale d’hydrocarbures, comportant notamment la construction d’une raffinerie à Jieyang, dans la province de Canton qui sera opérationnelle à la fin 2014. Enfin, la Banque chinoise de développement a prêté 20 milliards de $ en avril 2012 pour développer le gisement de sables bitumeux de la « ceinture de l’Orénoque » à l’embouchure du fleuve.

En 2013, précédant une visite officielle en Chine de Nicolas Maduro, successeur d’Hugo Chavez, les deux pays avaient conclu des accords dont la valeur totale avait été affichée à 28 Mds de $. A Caracas, avec Nicolas Maduro, qui a fait l’éloge du « socialisme au caractéristiques chinoises » enfermé dans le dogme de la prévalence du Parti communiste chinois, l’échange a pris un tour très nettement politique, tandis que Xi Jinping déposait une gerbe sur la tombe de Simon Bolivar, symbole dans toute l’Amérique Latine de l’émancipation du joug espagnol, thème anti-colonial dont la rémanence en Chine est toujours très forte.

La visite était aussi placée sous la pression d’une situation sociale et de sécurité instable, marquée par un taux très élevé de criminalité et une féroce répression policière contre une population excédée avec, en février 2014, un bilan de 42 morts et des centaines de blessés parmi les manifestants qui protestaient contre l’insécurité et les difficulté d’accès aux biens de première nécessité.

Avec cet arrière plan politique, les déclarations du Président chinois selon lesquelles Pékin respectait « la voie de développement du Venezuela correspondant à ses conditions nationales » s’inscrivent dans un arsenal dialectique à portée plus large également destiné à tenir à distance les ingérences américaines critiquant de manière récurrente le système politique chinois.

Cuba, emblématique retour aux sources communistes.

La coloration stratégique rebelle aux influences de Washington fut encore accentuée lors de l’étape de Cuba toujours sous le coup de l’embargo économique des États-Unis imposé en 1960. Arrivé le 22 juillet, le président Xi Jinping a, 10 jours après Poutine, lui aussi rendu visite à Fidel Castro, qui mit fin en 1959 à la dictature de Batista constamment soutenue par Washington.

La presse officielle chinoise a discrètement effleuré cette ligne de fracture stratégique : le Global Times estimait notamment que la Chine aiderait Cuba à lever l’embargo américain, tandis qu’un commentaire de Xinhua exhortait Washington à « repenser sa politique cubaine ». L’agence ajoutait qu’au lieu de faire obstacle au développement de l’Île, les États-Unis feraient mieux d’adopter une politique constructive et de se joindre à la Chine et à ceux qui lui portent assistance.

Accompagné à La Havane par une cinquantaine d’entrepreneurs, le président chinois compte bien concrétiser les promesses exprimées dans son discours d’arrivée où il mettait en avant l’argument classique des bénéfices mutuels : « la visite a pour but consolider notre amitié, de renforcer la confiance mutuelle et d’appuyer le développement. Elle ouvre une nouvelle phase de coopération qui sera profitable à nos deux pays ». Il est vrai que les réformes entreprises dans l’Île depuis 2006 pourraient ouvrir des opportunités pour les investisseurs chinois qui, jusqu’ici se sont montrés prudents.

….qui accompagne l’espoir d’ouverture aux affaires chinoises.

Avec un stock total de 6 Mds de $, essentiellement dans l’énergie et les mines, très loin derrière le Brésil ou le Venezuela, Cuba n’a jusqu’à présent que brièvement été une priorité chinoise, quand, en décembre 2010, CNPC avait investi dans la construction d’une raffinerie et l’industrie du nickel.

Les choses pourraient changer rapidement. 20 accords bilatéraux ont en effet été signés lors de la visite. Ils vont des prêts accordés par la Banque Chinoise de Développement à la modernisation du port de Santiago en passant par l’agriculture, la santé, les biotechnologies, l’environnement, l’éducation, les communications, les cyber-technologies et, bien sûr, les hydrocarbures. Déjà la Chine est le premier créditeur de Cuba qui, exclu de la coopération avec la Banque Mondiale, manque singulièrement de cash.

S’il est vrai que les accords conclus précédemment avec l’Île dans l’hôtellerie, l’industrie pétrolière et minière ont stagné, en partie parce que les autorités cubaines refusaient la venue d’ouvriers chinois en grand nombre, les voitures et appareils électroménagers made in China sont visibles partout, tandis que le drapeau chinois flotte sur les plateformes pétrolières louées par CNOOC le long de la côte nord-ouest de l’Île (Reuter).

Cette année Cuba a installé sa première Zone de développement à la chinoise et adopté une loi moins restrictive encourageant les investissements étrangers, notamment ceux venant de pays amis comme la Chine et la Russie. Pour la première fois les compagnies chinoises de construction seront autorisées à faire venir des nationaux chinois sur les chantiers.


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