›› Lectures et opinions
Par Maja Raphaël
L’auteur de ce petit livre est une ethnologue qui, il y a quelques années, est allée partager, pendant trois mois d’hiver la vie d’une famille pékinoise type. Le mari, la femme et le fils unique acceptent de l’héberger (moyennant finances) dans leur appartement de trente-cinq mètres carrés dans l’ouest de la capitale. Lui est un employé mis en chômage technique depuis plusieurs années. Elle a un poste moyen au centre de documentation de l’Université du peuple. Ils sont ouverts et s’occupent gentiment d’elle. Maja Raphaël ne connaissait pas la Chine. Il lui suffisait de trouver une famille qui l’accepte, de demander poliment la permission. Il fallait encore les adopter et surtout se faire adopter. Elle réussit cela avec allant et amitié et sa famille chinoise le lui rend bien. Observatrice de profession, elle note les moindres détails quotidiens dans son journal de terrain. Ce qu’elle ramène est précieux pour ceux et celles qui aiment plonger seuls dans un autre milieu, une autre culture, même si elle exprime une sorte de déception finale parce qu’elle touche aux limites de l’expérience. Ce que Maja Raphaël ne savait pas en vivant ainsi en pékinoise en 1995-1996, c’est qu’elle observait une famille, un milieu social, une culture, voués lentement à disparaître. Le Pékin d’hier se transforme en effet, inéluctablement, en s’étendant jusqu’au sixième périphérique, en sacrifiant ses hutong et cours carrées, en se livrant à l’automobile, aux promoteurs et à la préparation des Jeux Olympiques. Les « notes d’ethnologue » de madame Raphaël n’en ont que plus de valeur.