Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Société

Urbanisation, mutations sociales et défaillances du lien filial

Bouleversements sociaux et traditions.

En réalité l’imprécision de l’amendement, comme ses incidences morales en disent long sur l’ampleur de la révolution sociale en cours et sur l’extrême difficulté d’une synthèse entre modernité et tradition, dans un contexte déjà mis sous tension par la contrainte de l’enfant unique et du Hukou. De plus, nombre de commentaires des internautes et juristes chinois soulignent à la fois l’utilité du texte et la pression juridique et morale placée sur la tête des générations plus jeunes qui se débattent déjà dans de nombreuses difficultés matérielles et pratiques.

D’autres prévoient que l’amendement ne sera pas appliqué, tandis que le poids des anciens se fera de plus en plus lourd. La proportion des plus de 60 ans avait déjà atteint 13,7% en 2011 (elle dépasse déjà 23% en France) ; d’ici 40 ans, les plus de 60 ans seront 480 millions, soit plus de 30 %, une proportion voisine de celle prévue par les démographes en France.

Même si dans certains milieux la vénération affichée des enfants pour les parents a tendance à faiblir, le respect filial reste, avec l’obligation d’assurer une bonne éducation aux enfants, une des épines dorsales de la société chinoise et une vertu confucéenne. Mais l’éclatement des familles entre zones rurales et urbaines, les migrations économiques, le cloisonnement installé par le Hukou, les logements exigus, les contraintes économiques, les horaires de travail tendus, la brièveté des congés, à quoi s’ajoute la politique de l’enfant unique qui ne permet plus de partager la charge entre plusieurs enfants, ont créé des situations où les anciens sont parfois délaissés.

Le problème est connu. Les chinois qui aiment les synthèses chiffrées l’ont baptisé « 4 – 2 – 1 », qui désigne une situation où un enfant adulte est tenu de prendre soin de ses deux parents et de ses quatre grands parents, quand les retraites, aides sociales et foyers pour personnes âgées sont encore très insuffisants. Une première réponse dont les effets ne se feront sentir qu’à terme, avait été apportée en 2007 avec la décision d’autoriser les couples dont les deux membres sont déjà enfants uniques, à avoir eux-mêmes deux enfants.

L’amendement du 1er juillet crée aussi le droit théorique à 20 jours de vacances annuels pour les enfants vivant loin de leurs parents. Une disposition dont le Global Times, qui rapporte des témoignages sceptiques, doute qu’elle sera appliquée par les employeurs privés. En attendant, l’opportunisme affairiste saute sur l’occasion pour créer des offres de services en ligne proposant des accompagnements, célébration d’anniversaires, appels téléphoniques, à des prix allant de 1,30 € la conversation de 10 minutes, à 370 € pour l’accompagnement d’une journée.

La presse chinoise a largement commenté le nouvel amendement. A la fois sur le plan de l’éthique juridique et de son aspect matériel et pratique. Pour Zhou Xiaozheng, sociologue à l’Université du Peuple, la question morale de l’attention matérielle et affective que les enfants portent à leurs parents ne peut pas être règlementée par la loi, qui sera, selon lui, difficile à appliquer.

Un article du China Daily révèle que plus de 50% des 30 000 internautes interrogés par internet n’osent pas exiger de leur employeur les 20 jours de congés auxquels ils ont droit pour visiter leurs parents. La plupart expliquent qu’ils craignent de se heurter à un refus, tandis que 30 % ne connaissaient pas la loi, qui, pour beaucoup n’a des chances d’être appliquée que dans les entreprises publiques et pour les fonctionnaires. Au point que dans le privé, elle apparaît déjà comme une avancée sociale réservée aux agents de l’Etat.

Le 19 juillet le Quotidien du Peuple mettait en ligne un article édifiant, peut-être prémonitoire des querelles de famille à venir. On y racontait comment Li Lanyu, une veuve de 78 ans, avait assigné en justice son fils qui, dit-elle, « l’avait oubliée ». A la Cour, dame Li a réclamé que son fils « qui ne lui manifestait plus aucun sentiment », l’aide matériellement et lui rende visite au moins une fois par mois. Mais sa belle-fille qui défendait son mari au tribunal protesta de sa bonne foi.

La petite-fille de Li, fille de l’accusé, défendit également son père âgé de 60 ans, et dont les revenus étaient très bas, alors que la grand-mère Li bénéficiait en revanche d’une pension. Tout en défendant le principe de la loi, le journal reconnaissait que l’affaire de Madame Li, dont les photos au tribunal ont été publiées dans le Quotidien du Peuple et en ligne sur le site du journal, était d’ordre moral et qu’elle serait difficile à juger.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Suicide d’une interne à l’hôpital public

Orage nationaliste sur les réseaux sociaux

Réseaux sociaux : La classe moyenne, l’appareil, les secousses boursières et la défiance

L’obsession des jeux d’argent et les proverbes chinois

Les tribulations immobilières de Liang Liang et Li Jun