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›› Taiwan

Victoire sans appel de Tsai Ing-wen sur fond de lourdes incertitudes

Les faces cachées des législatives.

Première observation, la mouvance de rupture indépendantiste du Parti du Nouveau Pouvoir 時代力量 New Power Party- créé en 2015 dans le sillage du mouvement des tournesols du printemps 2014 (lire : Taïwan : Craquements politiques dans l’accord cadre. Les stratégies chinoises en question), est en recul.

Alors qu’elle avait conquis 5 sièges en 2016, elle n’en a plus que 3. Au-delà des problèmes internes que connaît la formation de Huang Kuo-chang – 2 membres ont quitté le Parti en 2019 -, sa performance électorale suggère que l’humeur d’affrontement direct avec Pékin fait moins recette.

Deuxième observation, les législatives ont entériné le surgissement - 1,6 million de voix, 11,2% des suffrages exprimés - du Nouveau Parti du Peuple créé en août dernier par le Maire de Taipei Ko Wen-je dont la ligne politique prône le compromis pragmatique avec Pékin, l’honnêteté, la transparence politique et la défense sociale des Taïwanais.

Certes Ko a manqué son but d’empêcher un des 2 grands partis de détenir la majorité absolue. De même, il est encore très loin de son objectif affiché de « pousser le KMT et le DPP à la marge, pour rassembler au centre la majorité des Taïwanais », grâce, dit-il à une classe politique jeune et totalement renouvelée.

Mais avec 5 sièges au Yuan Législatif, il incarne désormais une sensibilité politique dont la vision de compromis pourrait séduire les Taïwanais aux prochains scrutins.

Dernière observation, le KMT qu’on disait à la veille de sombrer à force de se tromper dans le choix de ses champions électoraux, bouge encore. En dépit des contradictions doctrinales qui le minent entre la vision d’appartenance à la Chine et le rejet du régime de Pékin, il représente toujours une force politique considérable sur laquelle Tsai devra compter.

Au total, 4 723 504 suffrages se sont exprimés en faveur de ses candidats, soit seulement 87 737 de moins que celles recueillies par le DPP (4,811,241).

Les ombres tutélaires de Pékin et Washington.

Enfin comme à chaque événement politique majeur de l’Île enjeu stratégique entre la Chine et les États-Unis, les réactions de Washington et Pékin donnent une indication des défis à venir.

Pékin affirme que les résultats de l’élection vue par le Parti comme un « scrutin local » ne changeront rien à l’ambition de réunifier à terme l’Île avec le Continent. Il n’en reste pas moins qu’après le désaveu infligé par les élections de district du 24 novembre à Hong Kong, le Parti est confronté à ses marges méridionales à une nébuleuse de contestation politique de sa norme autocrate dont il serait mal avisé de ne pas tenir compte.

D’autant que la stratégie de Tsai destinée à desserrer l’emprise commerciale de Pékin, commence à porter ses fruits. S’il est vrai que le Continent reste toujours le premier client de l’Île, Claude Leblanc qui cite le gouvernement Taïwanais souligne dans l’Opinion que les exportations et les investissements vers les 18 clients alternatifs identifiés par Taipei, ont depuis 2016 respectivement augmenté de 21% (117 contre 96 Mds de $ d’exports) et de 60% (391,5 au lieu de 235,9 Mds de $ d’investissements).

Déjà sur le Continent, l’humeur est à la prudence. Pour l’instant, Xi Jinping a renoncé à interpeller les Taïwanais par l’affichage martial rigide adopté dans son discours du 2 janvier 2019. Les chercheurs confirment que la voilure nationaliste a été réduite.

A l’Université de Xiamen, JI Ye professeur au département des études taïwanaises spécule que « Pékin n’appliquera pas de pression maximale à Tsai à moins qu’elle ne prenne des mesures drastiques pour provoquer Pékin ».

Au cœur des préoccupations du Parti, le soutien dont Tsai, instrumentalisant la rivalité stratégique sino-américaine, bénéficie déjà de la part de Washington.

Dans un contexte où les contradictions américaines ne sont pas moindres que celles de Pékin et de Taipei, - D. Trump ayant abandonné la prudence stratégique à l’égard de Pékin, tout en répétant qu’il cherche un compromis - (lire : Flambée de tensions dans le Détroit sur fond de « bruits de ferraille ». Quel avenir pour Taïwan ?), le moins qu’on puisse dire est que la stratégie de Tsai tenant à bout de bras le flambeau de la démocratie et des droits dans le monde, constitue pour le Parti Communiste chinoise en porte-à-faux sur ce sujet, un irritant de première grandeur.

Une chose est certaine : au moment même où Xi Jinping évoquant le « Rêve chinois » dont la réunification constitue un des principaux arcs-boutants, Taipei a échappé au face-à-face réducteur avec Pékin. La trajectoire comporte des risques considérables d’aggravation de la situation dans le Détroit.

Alors que Tsai Ing-wen affirme vouloir préserver le statuquo dans le Détroit qu’elle est en train de bousculer, deux inconnues majeures planent au-dessus de cette situation : la réaction de la faction dure du PCC et de l’APL qui rêve d’en découdre militairement une fois pour toutes et la capacité des États-Unis à dissuader une agression chinoise contre l’Île.

Certes Mike Pompeo a été l’un des premiers à féliciter Tsai. Au-delà subsiste cependant plusieurs incertitudes : la capacité des États-Unis à s’engager dans un contexte où resurgissent les symptômes d’isolationnisme et le degré d’unité de la communauté des pays libres ainsi que leur détermination à protéger les droits et la liberté dont Taïwan se dit le porte-parole global face à l’autocratisme de Pékin.


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