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Violences extrêmes et magistère du Parti

Photo. Le Parti tient à distance les « pétitionnaires », plaignants d’un système de doléances publiques qu’il a pourtant lui-même institué. Les tendances répressives contre les pétitionnaires pacifiques avaient déjà fait l’objet d’un scandale en 2010. Elles n’ont pas disparu.

Les « incidents de masse » et le magistère du Parti.

Analysant la probabilité d’une contagion nationale des « incidents de masse » menaçante pour le Parti, Jae Ho CHUNG établit une distinction entre les insurrections ethnico-religieuses du Tibet et du Xinjiang où l’armée, dernier rempart du pouvoir, a déjà été engagée en appui de la Police armée et celles dans le reste de la Chine dont les ressorts sont le plus souvent socio-économiques ou environnementaux.

Pour lui, l’instabilité des deux provinces autonomes dont la situation est radicalement différente du reste de la Chine pourrait à terme être la plus dangereuse pour le régime, essentiellement parce qu’elle s’articule à des facteurs extérieurs difficilement contrôlables par Pékin. NDLR : à ce facteur, il faut ajouter le risque de propagation en Chine centrale et orientale du terrorisme suicide à partir du Xinjiang qui constituerait un défi d’une ampleur considérable.

Un « système de sécurité » dense et efficace.

Ailleurs et à court et moyen terme, Jae Ho CHUNG estime qu’il est probable que l’appareil de sécurité mis en place par Zhou Yongkang à partir de 2003, date à laquelle il avait pris ses fonctions de ministre de la sécurité et qui n’a pas été démantelé, sera capable de prévenir la contagion politique des protestations. A partir de 2005 le Parti a fait adopter des lois limitant la portée des manifestations de masse à 1000 personnes et imposant une autorisation à demander 20 jours à l’avance pour tout rassemblement plus important.

« Tolérance tactique » et alourdissement des contrôles.

En même temps, le régime prenait conscience que l’autorisation de manifestations pacifiques permettant à la population d’exprimer ses rancoeurs était une stratégie plus subtile que la répression systématique.

Mais la tolérance nouvelle s’accompagna cependant de la mise en place d’un vaste réseau de surveillance nationale dirigé depuis Pékin, impliquant une coopération étroite entre les ministères responsables de la sécurité et les organes du Parti que sont la Commission Centrale de Contrôle de la sécurité publique et le groupe dirigeant en charge de la stabilité (维护 稳定 小组 - weihu wending xiaozu -)appuyés par la Commission Centrale du Parti pour les Affaires juridiques aux attributions plus larges. Ainsi le sommet du parti est-il directement en charge des manifestations de grande ampleur.

Cette organisation centrale est démultipliée dans les provinces et les districts jusque dans les comités de quartiers responsables de la collecte du renseignement et du contrôle des allées et venues. A partir de 2007, un effort a été fait pour augmenter la densité des forces de police dans les zones rurales (农村 治安包维护) dont les bureaux aux plus bas échelons sont dirigés par les chefs de villages en charge du recensement de la population.

En même temps était mis en place un dispositif de surveillance du net dont l’efficacité a été notablement augmentée depuis 2012 avec des dizaines de milliers de contractuels chargés de passer au crible les messages et d’effacer les plus sensibles. Ces mesures radicales prenaient en compte l’analyse selon laquelle près de 50% des manifestations étaient attisées par les réseaux sociaux.

En arrière plan, un risque pour la légitimité du Parti.

En conclusion, souligne Jae Ho CHUNG, le régime pourra s’accommoder de la fréquence des manifestations et même de leur violence tant qu’elles n’exprimeront pas une opposition politique unifiée à l’échelle du pays et aussi longtemps que leur ampleur n’obligera pas le pouvoir à déployer l’APL, une mesure extrême dont les effets collatéraux sur la stabilité politique du pays sont difficiles à estimer.

Pour que le Parti soit débordé par une secousse politique de grande ampleur, il y faudrait un élément catalyseur, fédérateur d’une opposition nationale et entrant en résonance avec des éléments internes ou externes attisant les révoltes.

Il est vrai que de considérables inconnues subsistent sur l’attitude à venir de la classe moyenne de plus en plus rétive, tout comme il est difficile d’apprécier complètement le pouvoir multiplicateur du net et de réseaux sociaux. On peut également anticiper que la société chinoise sera soumise à des crises périodiques et locales accompagnant les profondes mutations qu’elle traverse. Mais il est peu probable qu’à cours ou moyen terme les soubresauts puissent se cristalliser en une opposition politique coordonnée.

Il reste cependant une menace diffuse liée à l’érosion politique et morale du magistère du Parti.

Aussi longtemps que ce dernier ne se risquera pas à des réformes politiques significatives, installant une relation apaisée et institutionnelle avec la société civile, capable de véhiculer vers la tête du régime les protestations, frustrations et propositions des citoyens et de les transformer en projets politiques concrets ; aussi longtemps que le Parti tiendra à distance les « pétitionnaires », plaignants d’un système de doléances publiques qu’il a pourtant lui-même institué, sa capacité de « gouvernance » stagnera, provoquant un affaiblissement inéluctable de sa légitimité.

Au-dessus de ces défis de « gouvernance » plane la carte sauvage de la menace terroriste propagée à partir du Xinjiang.

Lire aussi :
- Coïncidences et pétitions.
- Les contradictions du droit à pétition.


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