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›› Chronique

Visite à Rangoon d’une délégation des Conseillers du Commerce Extérieur (CCE) de Chine

Le pays résiste aux analyses cartésiennes.

La première impression est que plus on s’approche, moins on comprend… la gentille idée que j’avais en arrivant, qui était celle d’une courageuse opposante ouverte et éclairée face à un pouvoir militaire obtus, rétrograde et machiavélique n’a pas tenu longtemps ; si l’image de l’opposante est restée intacte, celle du pouvoir m’a apporté plus de questions que de réponses…

L’ouverture tant attendue, l’assouplissement vers plus de « démocratie » du régime sont à priori moins le fait de la pression de la rue que de la volonté des dictateurs d’hier. Que faut-il donc penser de ces méchants autocrates qui s’étaient donné un calendrier de réformes et qui, pour le moment, le respectent ? Et les effets immédiats sont éloquents puisqu’ils ont conduit à une suspension des sanctions.

De même, l’image d’une Birmanie bouddhiste, empreinte de la sérénité du Petit Véhicule laisse percer de fortes tendances à l’animisme, au tantrisme, à l’hindouisme, où la superstition et les devins règnent en maîtres. Le tout au milieu d’une mosaïque de minorités diverses, chrétiennes, hindouistes et aussi musulmanes. On chuchote d’ailleurs que les 4% de musulmans recensés pourraient, en réalité, être quatre ou cinq fois plus nombreux.

Pour l’heure, le grand ami est Pékin. Mais les Chinois sont aujourd’hui confrontés à un ressentiment croissant de la part de la population. Des birmans, pourtant apparemment proches du pouvoir, semblaient presque s’excuser en expliquant que ce sont les sanctions internationales qui les ont jetés entre les mains de cet encombrant voisin.

Les sentiments antichinois se sont d’abord nourris des grands projets de barrage (en particulier celui du barrage de Myitsone sur l’Irrawaddy). Bientôt ce seront les pipelines déjà bien avancés, doublés d’une voie de chemin de fer qui traversent la Birmanie du Nord au Sud, véritable balafre dans la jungle reliant le Yunnan au golfe du Bengale, qui pourraient attirer les vindictes des populations locales.

La question n’est pas anodine car il s’agit là d’une des solutions imaginée par Pékin pour s’affranchir des contraintes du détroit du Malacca, isthme étroit et facile à verrouiller, par où transitent ses hydrocarbures venant d’Afrique et du Moyen Orient, qui représentent plus de 60% de ses importations. Or beaucoup de Birmans qu’ils soient bamars – groupe ethnique dominant - ou des minorités ethniques, voient dans cette longue entaille une plaie ouverte et saignante au travers du pays.

Les non-dits sont légion.

On évoque la rébellion Karen mais on ne parle que rarement des Wa, ethnie quasi chinoise, qui contrôle de façon autonome une partie de la région frontalière du Yunnan avec une armée forte de 30 000 hommes, vivant des trafics.

On nous parle de terrains vendus en centre ville à des prix exorbitants, proche de ceux de Paris ou de Londres, mais jamais du trafic de drogue qui reste pourtant l’une, si ce n’est la principale source de devises du pays.

Les Indiens qui portent encore les stigmates de leur forte participation et complicité avec la puissance coloniale anglaise, sont notoirement absents de l’échiquier birman ; le resteront-ils longtemps alors que leur voisin chinois s’ouvre des ports et bâtit des stations d’écoute sur l’océan indien ?

Après plusieurs décennies de dictature militaire et sous l’effet des sanctions qui ont accompagné le bannissement du régime par la communauté internationale, l’économie du pays est en lambeaux. La production agricole qui fait vivre la majorité de la population est au plus bas ; la production industrielle est moribonde, hormis les secteurs de l’exploitation du gaz offshore et du tourisme.

Dans ce contexte, les sociétés françaises doivent-elles se poser la question de revenir en Birmanie ?

Aung San Suu Kyi a déclaré : « Nous espérons que nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle », tandis que tous nos interlocuteurs évoquaient la nouvelle page blanche ouverte en Birmanie.

Le pays est dans un état déplorable. Mais tout est à reconstruire et le potentiel est énorme. A terme, c’est un marché plus ou moins comparable à la Thaïlande qui pourrait à nouveau voir le jour…

Les sanctions sont maintenant suspendues. L’heure est venue de se réveiller ; demain sera sûrement trop tard. Dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée, les premiers à réagir auront sûrement de meilleures chances de s’implanter, tandis que les derniers n’auront plus que leurs yeux pour pleurer.

Lire aussi :

 Chine-Myanmar : le dilemme birman

 La Chine et quelques uns de ses voisins

 Controverses autour des barrages chinois sur le Mékong

 Le réajustement chinois en Asie. Xi Jinping à la manœuvre


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