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›› Editorial

Vive l’année du Singe, vastes projets, vastes défis

Une politique étrangère de puissance et des projets sans précédent.

Malgré la force des relations commerciales et la multiplication des coopération avec les États-Unis, en politique étrangère, l’année de la Chèvre fut une période où Pékin affirma, en contradiction avec ses discours d’apaisement, de vastes ambitions de puissance et de souveraineté en mer de Chine en rivalité directe avec Washington, Tokyo, Manille et Hanoi.

La posture fut confortée par une forte augmentation du budget des armées, l’accélération du bétonnage de 7 îlots dans les Spratly dont 2 sont équipés d’une piste d’aviation, la décision de construire au moins deux autres porte avions et l’organisation, le 3 septembre 2015, d’un puissant défilé militaire de la victoire sur le Japon, réplique de celui tenu à Moscou le 9 mai commémorant la chute du 3e Reich. L’événement semblait sceller une alliance militaire de guerre froide avec le Kremlin faisant suite à la signature en mai 2014 d’un très gros contrat d’achat par la Chine de gaz russe.

Le rapprochement sino-russe et la concurrence de Washington.

Au point que l’année 2015 est apparue comme l’aboutissement d’une longue période de connivence sino—russe visant à limiter l’influence américaine dans le monde. Le point d’orgue aura certainement été, faisant suite à 4 vétos de Moscou sur la question syrienne entre 2011 et 2014, l’organisation à Ufa en Russie du 8 au 10 juillet 2015 du double sommet des BRICS et de l’Organisation de Coopération de Shanghai (O.C.S) qui rassemblait autour de Vladimir Poutine et de Xi Jinping les chefs d’État de l’Afrique du Sud, de l’Inde et du Brésil.

Ces derniers étaient accompagnés par ceux de 4 pays d’Asie Centrale et leurs homologues d’Afghanistan, d’Iran, d’Inde, de Mongolie, du Pakistan, venus en observateurs, mais dont certains, comme l’Inde, la Mongolie et l’Iran, pourraient assez vite être intégrés dans l’O.C.S, sur proposition de Moscou et de Pékin.

En Asie de l’Est, la connivence sino-russe pourrait, au-delà des premiers raidissements de Moscou et Pékin contre la dernière explosion nucléaire nord-coréenne le 6 janvier, suivie un mois plus tard par un essai balistique, tenter de faire pression sur Washington pour la reprise du dialogue à 6 et l’assouplissement de la position américaine qui conditionne les négociations pour un traité de paix avec Pyongyang à l’abandon préalable, complet et vérifié du nucléaire militaire.

Sur le fond il est peu probable qu’en 2016 Pékin, toujours préoccupé par un possible effondrement du régime de Kim Jong-un, modifie son attitude à l’égard de son inconfortable voisin faite du refus d’augmenter ses pressions logistiques.

S’il est vrai qu’en dehors de la sphère du Pacifique occidental (mer de Chine de l’Est, mer jaune et mer de Chine du sud) les stratégies chinoises sont celles de la non ingérence militaire, Pékin qui, au Moyen Orient, tente le grand écart entre Téhéran et Riyad, commence à ressentir les limites de son attitude d’expectative, tandis que, paradoxalement, c’est Washington dont la réputation dans la zone est très compromise qui fut le principal acteur de l’accord nucléaire avec l’Iran.

Nouvelles préoccupations de sécurité.

En même temps, l’engagement des intérêts chinois dans les zones à risques, tandis que les menaces pesant sur le Xinjiang commencent à être directement en prises avec les régions traversées par les transes islamistes radicales, entraîne une lente évolution de la pensées stratégique chinoise.

C’est ainsi qu’en mai 2015, avec l’objectif premier de protéger ses installations pétrolières au Sud-Soudan, Pékin a dépêché à Juba un bataillon de combat d’infanterie de 800 hommes, marquant une nette évolution de la retenue chinoise à l’extérieur. Un mois plus tard, on apprenait que l’APL allait installer un point d’appui militaire à Djibouti sur le site d’Obock exactement en face des unités américaines, japonaises et françaises cantonnées dans l’ancienne colonie française.

Enfin, l’assassinat le 20 novembre par des terroristes djihadistes à Bamako de 3 hauts responsables du groupe China Railways incitera Pékin à renforcer en 2016 son dispositif de sécurité à l’étranger dans les zones à risques. Cette tendance est confirmée par la coopération de Pékin avec Erik Prince, ancien PDG de Blackwater, par le truchement d’une association avec la société de Frontier Service Group, financé par la CITIC et dirigée par Lawrence Zhao, lui-même toujours étroitement lié à la sécurité d’État chinoise.

Les vastes projets Yi Lu Yi Dai一 丝绸 路, 一经济 带

L’année de la Chèvre aura également été celle du lancement du vaste projet d’expansion économique chinoise le long des anciennes routes de la soie, désigné en Chine par le nouveau slogan Yi Lu Yi Dai, contraction de 一 丝绸 路, 一经济 带 (Yi Sichou Lu, Yi Jingji dai – une route de la soie, une ceinture économique, que les Anglo-saxons ont baptisé OBOR – one belt, one road). L’intention dont l’affichage est grandiloquent et dont il faudra démêler la part de propagande, vise à contourner l’influence américaine des partenariats Trans-Pacifique et Trans-Atlantique.

Elle est appuyée par un réseau sans précédent d’institutions financières qui promettent le déversement d’une montagne de crédits d’infrastructures et d’appui au développement (la propagande affiche 1000 Mds de $), dont l’objectif est aussi de fournir des débouchés aux grands groupes chinois dont, effets cumulés de la transition économique en cours et de la crise, l’activité s’est sérieusement contractée en Chine.

Après une première phase de sécurisation des approvisionnements en matières premières et en sources d’énergie, Pékin a entamé en 2013 une stratégie de coopération dont la pleine mise en oeuvre a été symboliquement fixée en 2049, année du centenaire de la RPC, avec un nombre impressionnant de partenaires (65 pays) dans sa périphérie immédiate de l’Asie du Sud-est et du Sud, en Afrique, en Asie Centrale, au Moyen Orient et en Europe, les premiers objectifs sur le Vieux continent étant la Grèce et les anciens pays de l’Est (Pologne, Balkans, Biélorussie, Roumanie). Ultérieurement, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Grande Bretagne, la Belgique, la France, l’Espagne.

La stratégie est un vaste plan économique qui se développe autour des routes terrestres par l’Asie Centrale avec un point départ au Xinjiang et maritimes (mer de Chine du sud et Océan Indien, le long du « collier de perles »), dont le point de départ est le Fujian. Elle s’articule autour de banques et de fonds d’investissements nouveaux créés en un temps record qui font concurrence aux anciennes institutions financières mondiales [6].

Le but : construire des infrastructures, moderniser le tissu industriel dans les pays cibles devenant les destinataires des équipements produits par l’industrie chinoise en perte de vitesse en Chine. Si possible – essentiellement en Europe - capter les technologies pour mener à bien le projet de modernisation 中国 制造 2025 (fabriqué en Chine) qui ambitionne de siniser d’ici 10 ans la production high-tech du pays.

Caractérisée par une approche plus souple que la rigueur juridique américaine, le projet s’articule autour de thèmes (énergie, investissements, finances, technologies) et de zones géographiques (Initialement Europe de l’Ouest et de l’Est, Indochine et Asie du Sud-est, Asie du Sud – dont le Pakistan -, Asie Centrale, Iran, Israël, Caspienne, Georgie), et pourrait s’étendre à l’Inde, à l’Afrique et à la péninsule arabique.

Il est vrai que les obstacles à ces projets pharaoniques ne sont pas minces. Ils tiennent aux difficultés du terrain des routes terrestres, aux risques de sécurité et aux méfiances des partenaires qui pourraient se cabrer face à la puissance chinoise manifestée en mer de Chine du sud, à l’opposition de l’Inde, concurrent de Pékin, à quoi s’ajoutent les possibles dérives de prévarication et de détournement des fonds, de projets qui ne présentent pas les mêmes garanties de rigueur et de transparence que ceux de Washington.

Mais on constatera l’extrême réactivité chinoise et le pragmatisme de Pékin qui se donne de vastes moyens pour tenir le pays et son secteur productif à distance des risques de récession et tirer partie de l’affaiblissement des économies développées à qui elle apporte ses capitaux, en échange des technologies indispensables à sa modernisation.

Note(s) :

[6Dont les deux plus importantes sont la Banque Asiatique d’Investissements pour les Infrastructures (AIIB) et le Fond des routes de la soie (FRS). A quoi s’ajoutent le Fonds souverain chinois CIC, la banque des BRICS, l’Exim Bank, la China Development Bank et des fonds de coopération régionaux comme Chine – ASEAN et Chine – Afrique.


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