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Guo Shuqing 61 ans est, depuis février 2017 le nouveau président de la Commission de régulation bancaire. Pur produit du cursus méritocratique chinois, Guo, qui fut élève de l’Académie des Science Sociales a étudié à Oxford. Ayant un double expérience de terrain et d’administrateur public, expert financier reconnu, il a été nommé pour s’attaquer aux questions d’endettement et freiner la boulimie des investissements à l’international qui favorisent la fuite des capitaux. Sa carte de visite est impressionnante. Il a en effet été gouverneur du Shandong, n°2 de la banque de Chine, président de la Commission de régulation boursière, de la banque de construction et de la Commission de contrôle des changes.
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Récemment les médias chinois et internationaux ont fait état d’opérations financières dans le domaine de l’immobilier et du transport maritime qui méritent attention car elles révèlent clairement les intentions de l’exécutif en Chine et à l’international.
La première concerne la vente massive de ses actifs immobiliers à l’étranger par le groupe Wanda plusieurs fois mentionné par QC pour le vaste éventail de ses activités en Chine et à l’étranger dans les secteurs de l’immobilier, des parcs de loisirs et du cinéma ; le deuxième intéresse le projet d’achat par le transporteur national COSCO du groupe Hongkongais Oriental Overseas.
Mises au regard l’une de l’autre, ces informations expriment les deux faces des stratégies internationales et domestiques du pouvoir. La première signale un alourdissement du contrôle public sur les excès d’investissements à l’étranger par des groupes surendettés et un sérieux coup de frein des pouvoirs publics à la dérive boulimique des acteurs privés ou publics que les régulateurs soupçonnent de favoriser la fuite des capitaux ;
la deuxième est emblématique des intentions de l’exécutif de créer des grands groupes de dimensions globales reflets des ambitions de puissance de Xi Jinping exprimées par le « rêve chinois ».
Wanda Group, dans le collimateur du pouvoir.

Sous la surveillance des régulateurs depuis juin pour surendettement, Wang Jianlin, en médaillon, s’est avec une étonnante célérité débarrassé de ses actifs dans l’immobilier et les loisirs. L’épisode signale que le pouvoir augmente sa pression pour freiner à la fois les investissements débridés à l’étranger et la fuite des capitaux.
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Sur la sellette depuis la mi-juin par les régulateurs pour son endettement excessif, Wang Jianlin dont on se souvient qu’il était à l’Elysée en mars 2016 [1] pour un projet d’investissements dans l’aménagement du Grand Paris, a réagi avec célérité en se débarrassant quelques semaines plus tard de 76 hôtels et 13 parcs de loisir et programmes touristiques rachetés au prix de 9,3 Mds de $ par le groupe public immobilier SUNAC, basé à Tianjin aux actifs domiciliés aux iles Cayman et dont la situation financière est tout sauf transparente.
Wanda fait partie d’une série de groupes privés avec Fosun, Anbang, Hainan Airlines et Rossoneri Sport Investment basé au Zhejiang, tous pris dans les radars de la Commission de régulation bancaire pour surendettement. L’examen de leurs comptes en cours est conduit par une série de banques publiques connues (Banque Industrielle et Commerciale 中国 工商 银行, Banque de Construction 中国 建设 银行, Banque des communications 交通银行 négatif) toutes bien notées par les agences internationale, au moins sur le long terme, auxquelles a été associée la discrète Guangfa Bank (广发银行) dont la note a été récemment relevée au très passable niveau Baa3 par Moody’s, ce qui la place à peu près au même niveau que le groupe Wanda qu’elle est chargée de contrôler.
Par la plus grosse opération immobilière jamais réalisée en Chine, le groupe Wanda desserre considérablement le poids de ses dettes dont Wang Jianlin affirme qu’elles seront épongées à la fin de l’année. En revanche les assurances données par Sun Hongbin, le PDG de Sunnac n’ont pas réussi à rassurer les observateurs qui constatent que le ratio actifs/dettes de la société est passé à 121% en 2016 contre 76% en 2015.
Le 12 juillet, la société de notation Fitch rating de Standard & Poor a dégradé la notation de Sunnac à « BB » (risque spéculatif), estimant que, depuis le projet de rachat des actifs de Wanda, « la situation financière du groupe est devenue moins prévisible et plus volatile » en dépit de l’existence dans les comptes de la société d’importantes liquidités. Pour l’heure les actions du groupe en hausse de plus de 14% à la bourse de Hong Kong le 11 juillet, bénéficient de la notoriété de Wanda en Chine.
Mais les discours policés de Wang Jianlin qui dit vouloir se désengager de l’immobilier et de la bourse de Hong Kong pour introduire son groupe en Chine (Shenzhen ou Sanghai) dans la catégorie des « Actions A » libellées en Yuan et réservées aux Chinois résidents, cachent mal la précipitation avec laquelle s’est déroulée l’opération de nettoyage sous forte pression des pouvoirs publics [2]. Le 11 juillet le South China Mornig Post soulevait un coin du voile de la réalité.
Une retraite précipitée sous l’œil des régulateurs.
Il y a un an, l’état d’esprit de Wang Jianlin était radicalement différent de la modeste prudence qu’il affiche aujourd’hui. Pour lui, ses parcs de loisirs et d’affaires qui fleurissent en Chine dont il avait proposé un exemplaire en mars 2016 à l’Elysée [3], étaient « une meute de loups » qui allaient circonvenir les parcs de Walt Disney comme celui de Shanghai.
Il y a seulement quelques semaines, Wang invité d’honneur d’un dîner offert par le n°1 du Yunnan dévoilait qu’il allait investir 32 Mds de Yuan (4,1 Mds d’€) pour créer un ensemble comprenant des services médicaux, un parc de vacances et un centre d’affaires. Fin juin, il annonçait d’une « Wanda City » au nord-est de Harbin. Tous ces projets figurent aujourd’hui dans la liste de ceux qui viennent d’être évacués vers le groupe public Sunac China.
Il ne s’agit probablement là que d’une partie de l’image. Nombre de commentateurs s’interrogent aujourd’hui sur les dessous d’une affaire qui ressemble à un escamotage décidé en catastrophe par Wang Jianlin avec ou sans l’aide des autorités, vers un groupe public dont la structure financière est elle-même observée avec méfiance par les agences de notation.
Pour mesurer la boulimie d’investissements de Wang Jianlin lire aussi : Main basse sur le cinéma chinois à Qingdao.
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En tournant les regards vers COSCO qui bataille dans un secteur en pleine restructuration frappé par le ralentissement du commerce global, on ressent, malgré les incertitudes, et par contraste, l’impression d’une solide puissance bénéficiant de l’appui à toute épreuve des pouvoirs publics.
Note(s) :
[1] En mars 2016, Philippe Grangereau réagissait à notre article Wang Jianlin cible un projet phare du « Grand Paris »., en citant les Financial Times du 2 mars où il était indiqué qu’après 20 Mds d’investissements uniquement en Europe, le groupe Wanda s’était mis en danger par une accumulation de dettes. Au point que l’agence « Fitch rating » de Standard & Poor avait fortement dégradé sa note de crédibilité à long terme.
[2] Depuis 2003, des acteurs étrangers ont été autorisés à investir dans des actions de « type A », par le truchement d’un programme appelé « Qualified Foreign Institutional Investors – QFII -) mais uniquement dans les limites autorisées par le pouvoir chinois.
[3] Les projets de Wang (grands magasins, hôtels, parcs de loisir dans la région de Gonesse) s’inscrivaient dans celui « d’Europa City » porté par Immochan et « Alliances et Territoires ». Après la vente de 49,9% des parts de la société de gestion de Toulouse Blagnac à une alliance financière douteuse portée par Mike Poon aujourd’hui démissionnaire, il est légitime de se demander si les autorités financières françaises détiennent les bonnes clés d’entrée en Chine. Lire Des Chinois à Blagnac : une faillite française.