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Échéances électorales et méfiances anti-chinoises.
Le siège de la société Aixtron à Herzogenrath au nord d’Aix la Chapelle. Le gouvernement allemand a attisé la colère chinoise en revenant sur l’autorisation de sa reprise par le fond d’investissement chinois, Fujian Grand Chip Investment Fund LP. La nouvelle selon laquelle la marche arrière aurait été provoquée par une information de la CIA retransmise à la société allemande par la puissante commission américaine sur les investissements étrangers a contribué à enflammer l’exaspération chinoise.
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Trois affaires récentes ont alimenté la polémique dans les médias allemands et en Europe. Celui du fabricant de robots Kuka racheté par Midea le géant Chinois de l’électroménager, d’autant plus étonné par le raidissement allemand, que l’offre chinoise très avantageuse n’avait pas de concurrence, en dépit des appels de Sigmar Gabriel pour un investisseur européen. Lire notre article La nouvelle agressivité des groupes chinois à l’international mise en perspective
Un autre épisode a fait monter la tension d’un cran suite à une valse hésitation des autorités allemandes. Après avoir donné son accord à l’achat du fabricant de puces électroniques high-tech Aixtron [2] par le Chinois Fujian Grad Chip Investment Fund, le gouvernement allemand est revenu sur son autorisation.
Facteur aggravant pour Pékin, la marche arrière allemande aurait fait suite à une mise en garde de la CIA sur l’appropriation par la Chine d’une technologie utilisée par l’industrie de défense. Le recul allemand a été d’autant plus mal compris à Pékin qu’Aixtron vend essentiellement ses produits en Asie et en Chine. Immédiatement, l’intrusion supposée de la Centrale du renseignement américaine dans la transaction a été interprétée par Pékin comme une manœuvre politique destinée à freiner la concurrence chinoise dans le secteur des microprocesseurs dominé par les Américains.
Alors que Sigmar Gabriel faisait d’autres déclarations soupçonneuses à propos du rachat d’un fabricant de lampes LED, filiale du géant allemand du secteur Osram, lui-même peut-être dans le collimateur des Chinois, sa visite tombée au milieu de campagnes électorales allemandes marquées par la montée des mouvances anti-immigration attachées à une meilleure surveillance des frontières et à la protection du patrimoine technologique, fut l’occasion d’une série de discours très peu diplomatiques.
Les thèmes abordés pointèrent l’absence de réciprocité dans les relations commerciales, l’exigence de respect des règles du commerce international, les pratiques commerciales déloyales et les intentions politiques cachées de l’accélération des investissements, leviers de l’influence stratégique chinoise.
En contrepoint, Shi Mingde l’ambassadeur de Chine à Berlin qui réagissait aux controverses autour de la firme Aixtron, signait un article dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung regrettant la montée du protectionnisme en République Fédérale, accusant l’Allemagne de ne pas se comporter en véritable partenaire commercial.
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Angela Merkel en première ligne avant S Gabriel.
En juin 2016 lors de son 9e voyage officiel en Chine, Angela Merkel avait déjà durci le ton face à son homologue Li Keqiang.
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Les tensions perceptibles lors du voyage de Gabriel avaient déjà percé la surface des discours diplomatiques en juin à l’occasion du 9e voyage officiel en Chine d’Angela Merkel : « Notre point de vue est que les groupes étrangers opérant en Chine devraient avoir accès aux marchés publics chinois et que les marques, les licences et les données confidentielles des industries étrangères devraient être protégées », avait-elle martelé lors d’un discours en présence de Li Keqiang.
En réalité, les nombreux participants au voyage, membres du gouvernement allemand, remarquèrent assez vite qu’au-delà des efforts pour contenir les déclarations dans les limites d’une amitié diplomatique de bon aloi, l’ambiance contrastait avec la chaleureuse convivialité des visites précédentes.
Créant le sentiment d’un dialogue de sourds, écoutant sans réagir les critiques de Berlin sur le déséquilibre des échanges marqués par l’absence de réciprocité et dominés par la crise des surplus d’acier et d’aluminium avec l’UE et les États-Unis, les Chinois ne paraissaient cependant motivés que par le seul souci d’obtenir de Bruxelles la reconnaissance du statut d’économie de marché.
Une requête à laquelle Angela pressée par son électorat et les manifestations des aciéristes européens, n’avait pas pu répondre. L’ambiguïté nouvelle de Merkel sur le sujet signale un flottement de l’Allemagne. Initialement favorable avec Londres à l’octroi du statut à la Chine, elle y est aujourd’hui, élections obligent, plutôt réticente.
Un incident particulier avait à la fois traduit la nervosité chinoise et une affirmation de puissance, manque de courtoisie, à la limite de l’arrogance, très inhabituelles dans un événement de ce type. Lors de la conférence de presse conjointe au Grand Palais du Peuple, à une question adressée par un journaliste à la Chancelière sur la mer de Chine du Sud, Li Kekiang lui brûla la politesse et prit sur lui de répondre lui-même, terminant son intervention en précisant que la question était close. Mais Angela réagit sèchement en précisant qu’elle devait répondre elle-même à une question qu’on lui avait posée.
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Les bonnes grâces de Jean-Marc Ayrault.
Jean-Marc Ayrault était en Chine en même temps que Sigmar Gabriel. La bonne ambiance de son voyage stimulée par les promesses chinoises d’ouvrir les marchés publics aux entreprises étrangères et les perspectives de coopérations à l’export avec le nucléaire chinois, contrastait fortement avec celle plutôt tendue du voyage du ministre allemand.
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En très fort contraste avec la visite de Sigmar Gabriel, celle de Jean-Marc Ayrault au même moment (du 29 octobre au 1er novembre) à l’invitation du MAE chinois Wang Yi eut, en revanche, lieu dans une ambiance bien plus positive.
Elle fut notamment placée sous les auspices favorables de la coopération nucléaire conjointe à l’export matérialisée par le projet de construction à Hinkley Point au Royaume Uni de 2 réacteurs EPR auquel Theresa May, un moment hésitante après le Brexit, à donné son accord le 15 septembre 2016.
Baignant dans un contexte diplomatique et industriel très positif, le voyage du MAE français s’inscrivait à contre courant des durcissements de l’UE et de Berlin. A l’appui de sa stratégie et pour justifier le parti-pris de confiance, le Quai d’Orsay commentait la visite en insistant sur les engagements de Wang Yi selon lequel les marchés publics chinois seraient progressivement ouverts à la concurrence étrangère. Alors que Berlin argumentait sur les faits, Paris préférait spéculer sur les promesses. Lire aussi Fragilités d’EDF et d’AREVA. Le nucléaire franco-chinois menacé par les écologistes et l’après Brexit
Le nouvel élan de coopération franco-chinoise ayant des intentions à l’export sera appuyé par un fonds d’investissement commun de « quelques centaines de millions d’Euros » créé par la France a annoncé Jean-Marc Ayrault.
Pour l’heure, au-delà des deux réacteurs EPR, la Chine compte sur la caution politique et technologique française pour faire homologuer en Grande Bretagne son réacteur pilote Hualong 1, réplique de l’EPR, premier réacteur nucléaire de conception complètement nationale, débarrassé des contraintes du droit de propriété et futur concurrent sur le marché mondial des réacteurs russes, américains, canadiens et français. Le projet dont le Chinois CGN (China General Nuclear Power Corporation) détiendra 66,5% des parts sera examiné prochainement dans le cadre d’un appel d’offre des pouvoirs publics britanniques.
Lire notre article Coopération nucléaire franco-chinoise : une page se tourne
L’importance que Pékin accorde aux résultats de cette compétition industrielle et commerciale qui ferait pénétrer l’industrie nucléaire chinoise sur le marché nucléaire occidental s’est exprimée par le commentaire de l’Ambassadeur de Chine à Londres, Liu Xiaoming sur le site internet de l’ambassade : « Le gouvernement britannique a plusieurs fois répété qu’il accueillerait favorablement la technologie de Hualong 1 et que la commission d’étude de l’offre chinoise effectuera son travail en toute indépendance et selon les procédures internationales. L’ambassadeur exprimait aussi ses espoirs que la procédure sera sans heurts et que « Hualong 1 prendra pied au Royaume Uni, aussi vite que possible. »
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Quelle stratégie chinoise de l’UE ?
Au moment où les stratégies chinoises de l’UE et de l’Allemagne semblent se durcir dans un cadre européen suggérant que la meilleure approche de la Chine devrait être cohérente et groupée, le cavalier seul franco-anglais sur un projet aussi vaste et aléatoire que l’entrée du nucléaire chinois sur le marché de l’énergie britannique, apparaît comme un quitte ou double risqué. Il pose une fois de plus la question de la cohérence européenne et de la meilleure manière d’aborder la relation avec la Chine.
Si on accepte d’envisager que la Chine parviendra à réaliser tout ou partie de ses projets high-tech énoncés par « 中国 制造 - made in China 2025 » dont la maturité qualitative a été fixée en 2049, année du centenaire de la naissance de la RPC, la sagesse commanderait de considérer que la meilleure stratégie de relations avec un partenaire incontournable, serait à la fois la cohésion de l’UE et une approche à mi-chemin entre les élans coopératifs français et la brutalité de Sigmar Gabriel.
En somme, un moyen terme entre la confiance naïve et le clair rappel périodique de la nécessité de respecter les règles de droit et de réciprocité commerciale. Une manière pour les Français et les Européens d’installer un partenariat fructueux sans y laisser trop de plumes technologiques. Et pour Areva et EDF de ne pas nourrir une concurrence chinoise risquant de les tuer sur un terrain où les couteaux sont déjà tirés.
Note(s) :
[2] Aixtron cotée à Francfort et au Nasdaq fabrique des microprocesseurs à haute performance composés de plusieurs très fines couches de silicium obtenues par la technique complexe dite du « dépôt chimique en phase vapeur – DCPV - »