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›› Politique intérieure

Le 3e Plenum sera t-il un « acte manqué » ?

NOTES DE CONTEXTE

Qu’est-ce qu’un plenum ?

Les plenum sont des réunions plénières du Comité Central du Parti Communiste tenues en moyenne une fois par an pour les 205 membres permanents et les 107 suppléants, auxquels s’ajoutent des experts convoqués en fonction des sujets traités.

Le IIIe Plenum d’une législature est traditionnellement celui où, une année après le Congrès, le Parti et son Comité Central définissent la trajectoire économique du pays, après que les 2 premiers plenum aient arrêté la composition des nouvelles équipes. Cette année les problèmes les plus pressants allaient du déficit d’assurance sociale à la multiplication des expropriations foncières par les gouvernements locaux qui cherchent des financements, en passant par le besoin d’un assainissement du système financier, les dégâts à l’environnement et le ralentissement de la croissance encore trop dépendante des investissements massifs publics et de l’export.

S’il est vrai que généralement les plenum sont focalisés sur l’économie, cette année - c’est ce qui en fait son caractère crucial - les défis évoqués par la réunion étaient plus larges et concernaient la démocratisation, les respect de la constitution, l’indépendance de la justice, les problèmes culturels liés à la « spécificité » chinoise, et entre autres fléaux socio-économiques, la pollution.

Récemment les commentateurs ont souvent évoqué l’importance des troisièmes congrès de 1978 et de 1993. Le premier cessa d’instrumentaliser la « lutte des classes » et lança la réforme de Deng Xiaoping visant à moderniser la Chine. Notons qu’en 1978 le thème était d’abord resté très conceptuel glosant sur le fait que « seule la pratique permettait de tester la vérité des choix » ; les réformes significatives et concrètes ne furent mises en œuvre qu’une année plus tard.

Ce rappel sur la nécessité de valider les choix par l’expérience renvoie à la formule bien connue de Deng Xiaoping qui disait vouloir « traverser la rivière en tâtant les pierres », qui reste encore aujourd’hui l’épine dorsale des stratégies du pouvoir. En 1978, la Chine sortait d’une période troublée par les tumultes des excès idéologiques et les luttes de pouvoir où le rationnel socio-économique prôné par le petit timonier n’avait que peu de place et apparaissait à certains comme une voie dangereuse. En 2013, le Parti est sommé de s’aventurer sur le terrain peut-être plus dangereux pour lui de la prévalence du droit.

Le plenum de 1993 théorisa le concept de « l’économie socialiste de marché » et jeta les bases de la grande réforme des entreprises publiques et des banques conduite par Jiang Zemin et Zhu Rongji. On voit aujourd’hui que 20 ans plus tard celles-ci sont toujours au coeur des préoccupations du pouvoir et l’objet de sévères luttes d’influence.

En 2013, tous les choix énoncés par le plenum les 13 et 15 novembre seront suivis de directives d’application rendues publiques ultérieurement, notamment pour les points clés que sont la définition des limites entre le pouvoir, les affaires et le marché, le renforcement de l’État de droit, le financement par l’impôt du budget des provinces, l’indépendance de la justice et les grandes réformes financières. Il faut cependant garder en mémoire qu’en Chine comme ailleurs il existe un écart irréductible entre le nécessaire que le pouvoir expose avec une grande clarté et le possible qui doit s’accommoder des enchevêtrements compliqués de la réalité.

Liu He (61 ans)

Spécialiste de macro économie, des structures industrielles et des techniques de l’information, formé à Harvard et à l’Université du Peuple. Ancien n°2 du Centre de recherche du Conseil des Affaires d’État il avait contribué au rapport « China 2030 building a modern, harmonious and creative high-income society » de la Banque Mondiale, cosigné au printemps 2012 par Robert Zoellick alors président de la Banque Mondiale et Li Wei, à l’époque le supérieur direct de Liu He.

On pouvait notamment y lire les incitations suivantes : « alors que le développement économique se heurte aux limites de l’acquisition de technologies par l’étranger, dans un contexte où la main d’œuvre se raréfie et devient plus chère, il est nécessaire de réviser le rôle de l’État, de réformer les entreprises publiques (…), de réformer le marché du travail et d’améliorer la productivité ».

Et p.65, pointant du doigt les responsabilités de l’oligarchie affairiste dans le blocage des réformes : « le groupe qui résistera le plus aux réformes sera, sans conteste, celui des intérêts corporatistes, tels que les entreprises en situation de monopole sur leur marché, les groupes, institutions ou personnes qui bénéficient de privilèges particuliers ou de traitements préférentiels rendus possibles par l’actuel fonctionnement du pouvoir et des institutions (…).

Ces groupes, qui profitent de rentes de situations découlant de leurs relations privilégiées avec les décideurs politiques, protègeront résolument leurs intérêts grâce à leur pouvoir, leurs ressources et leurs connexions. Pour surmonter ces obstacles, le gouvernement devra, à son plus haut niveau, faire preuve de courage, de détermination, de clarté dans l’exposé de ses objectifs et d’un grand charisme politique ». C’est à ce défi que sont confrontés Xi Jinping et Li Keqiang.

Liu He fait partie de la mouvance libérale qui, appuyée par Wen Jiabao et son successeur Li Keqiang, a engagé un combat déterminé contre les conservateurs, qui craignent la remise en cause des avantages acquis et, à terme, l’affaiblissement du « rôle dirigeant » du Parti. Très influent en Chine, il a publié de nombreux articles sur la réforme économique et la gestion des grandes entreprises. Au Conseil d’État il a, depuis 1991, participé à l’élaboration de tous les plans quinquennaux dont le 12e et dernier en date, court jusqu’en 2015. Il est membre du Comité Central depuis novembre 2012 et n°2 de la Commission Nationale pour la Recherche et Développement depuis 2013. A ce titre il est un des principaux maîtres d’œuvre des réformes annoncées lors du 3e plenum.

Récemment il a précisé que l’exode rural en cours aboutirait en 2020 à une population urbaine de 60%. Selon lui, le processus accélèrerait la consommation interne et dessinerait un nouveau visage de la société chinoise, avec des évolutions économiques et sociales qui bénéficieront à la fois à la Chine et à l’économie globale.


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