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›› Chronique

19e Congrès. Les couteaux sont tirés. Xi Jinping élimine ses opposants, consolide son pouvoir et s’installe pour durer

Il est rare que les années du Congrès du Parti réuni tous les 5 ans, ne réservent pas des surprises. Dans nos précédentes chroniques publiées début juin, anticipant la volonté de Xi Jinping de créer une adhésion autour de sa personne, nous avions émis l’hypothèse que le n°1 du parti chercherait à rallier les jeunes talents issus d’autres sensibilités politiques. Parmi eux Sun Zhengcai, 54 ans, le plus jeune des membres du politburo, Docteur en agronomie qui fut aussi le benjamin des ministres chinois de l’histoire, à l’agriculture (2006 - 2009).

Nommé en novembre 2012 à la tête de la municipalité autonome de Chongqing (36 millions d’habitants, vaste comme l’Autriche, au PIB de 264 Mds de $, supérieur à ceux de la Grèce et du Portugal, équivalent à celui du Danemark), Sun avait pris la suite de Zhang Dejiang, actuel président de l’ANP, n°3 du régime qui assurait la transition après la secousse politique de l’affaire Bo Xilai.

A l’époque, alors qu’il entrait au Bureau Politique, Sun était déjà considéré comme un des plus sérieux prétendants au Comité Permanent en 2017 et, souvent, comme un des futurs possibles n°1 du parti. Sa mission politique était claire : éradiquer de la cité autonome les influences toxiques résiduelles de la mouvance Bo Xilai.

Proche de Wen Jiabao et des anciens Jia Qinglin et Liu Qi, ses aînés de 25 ans, fidèles de la mouvance Jiang Zemin qui furent tous les deux n°1 du parti à Pékin, Sun avait cependant pris soin de donner des gages à Xi Jinping en faisant scrupuleusement la promotion des emblématiques « nouvelles routes de la soie » devenues l’étendard incontournable de la politique extérieure du Président et le sésame obligé de presque tous les discours politiques.

En janvier 2016, en visite à Chongqing, le Président, rassuré par le profil modeste adopté par Sun avait fait son éloge.

Une secousse politique de grande ampleur.

Mais, craquement inattendu dans la scène politique chinoise, le 15 juillet dernier, Zhao Leji président de la Commission d’organisation du parti, une des figures de la garde rapprochée du Président et grand-maître des ressources humaines, annonçait la relève de Sun Zhengcai. Sa succession à Chongqing est assurée par Chen Min’er, n°1 du Guizhou, proche de Xi Jinping, mais, n’ayant, contrairement à Sun, pas encore conquis sa place au Bureau Politique.

Le ralliement escompté des « jeunes talents » n’a donc pas eu lieu. Au contraire, sauf nouveau coup de théâtre cependant improbable, tout indique que Xi Jinping a décidé d’écarter Sun Zhengcai de sa route et de le remplacer par un de ses fidèles. S’il est vrai qu’aucune accusation formelle n’a encore été prononcée, les indices que ce dernier est en mauvaise posture ne manquent pas.

Les rumeurs d’abord. Le 16 juillet, le South China Morning Post relatait que 4 hauts responsables du parti avaient révélé, sous le sceau de l’anonymat que, selon la formule rituelle et vague qui accompagne la descente aux enfers politiques, Sun serait accusé « d’avoir gravement porté atteinte aux intérêts du parti et trahi sa confiance. »

Confirmant le limogeage, l’absence de Sun à la passation des pouvoirs à Chongqing et le témoignage, toujours anonyme, de cadres qui disent l’avoir vu quitter la conférence économique centrale du 14 juillet à Pékin dans une voiture officielle, en compagnie de plusieurs fonctionnaires.

Conduite de manière opaque et brutale, la destitution soudaine d’une figure connue de la 6e génération, membre du Bureau Politique pourrait bien être la pointe émergée d’une sévère bataille de clans dont la Commission de discipline est l’instrument, sous couvert de lutte contre la corruption. Certes, comme tous les dirigeants, y compris Xi Jinping lui-même, Sun Zhengcai prête plus ou moins le flanc à des accusations de prévarication pouvant être montées en épingle à des fins politiques.

Talons d’Achille et prétextes politiques.

Analysé par Alex Payette dans Asialyst, un talon d’Achille possible qui afflige cependant nombre de cadres du parti [1], prétexte opportun pour cibler à peu près n’importe qui, la proximité supposée de l’épouse de Sun Hu Ying avec Yu Lifang et Gu Liping dont les maris Su Rong ancien n°1 des provinces du Qinghai, du Gansu et du Jiangxi et Ling Jihua, ancien chef du bureau exécutif du Comité Central ont été condamnés à la prison à vie en 2013 et 2016.

Détail sensible, écrit Payette, les trois femmes sont associées au club des femmes de la banque Minsheng dont la réputation est sulfureuse, plombée par une gestion hasardeuse (au printemps 2017, 346 millions de $ ont disparu des comptes de particuliers qui attendent une compensation) et par la mise sur le marché de « produits financiers innovants », en réalité des titres de gestions d’actifs à la sécurité douteuse dont le pouvoir tente de freiner la mode irrépressible et toxique.

Un autre chef d’accusation avancé par le South China Morning Post, cette fois plus proche d’une cabale politique, serait l’échec ou la lenteur de Sun à éradiquer les rémanences de l’influence de Bo Xilai à Chongqing. Une première semonce avait été tirée en février 2017 par Wang Qishan et les inspecteurs de la Commission de discipline qui dénoncèrent « les survivances d’un pernicieux héritage idéologique ».

Note(s) :

[1En juillet 2014, un article du New-York Times montrait comment, depuis 2012, le président Xi Jinping avait poussé sa sœur Qi Qiaoqiao et son gendre Deng Jiagui à se défaire d’actifs immobiliers, industriels et commerciaux accumulés dans au moins une dizaine de sociétés grâce à la prévalence politique de la famille. L’article raconte aussi comment les critiques réclamant une plus grande transparence des avoirs de l’oligarchie ont été mises sous le boisseau.


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