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›› Chronique

Réforme électorale. La mise aux normes politique de Hong Kong se poursuit sans faiblir

Le 13 novembre dernier, le journal « The Economist » très lu dans la R.A.S de Hong Kong rendait compte que le visa d’un de ses correspondants ayant milité pour la liberté de la presse et de l’information, n’avait pas été renouvelé.

L’événement n’est que la suite de la longue reprise en main de Hong Kong, où, depuis les émeutes de 2019, Pékin craint plus que tout une dérive indépendantiste à la faveur du schéma « un pays deux systèmes ».

Le 1er juillet 2017, Xi Jinping en visite à Hong Kong avait clairement anticipé la menace qui se précisa deux années plus tard. Ayant conscience du risque nouveau posé par la mouvance séparatiste, il avait prévenu que « le principe un pays deux systèmes rencontrait des problèmes 一国两制 遇到了 新问题 - ».

QC avait noté la sévère mise en garde de Xi Jinping : « Toute tentative contre la souveraineté et la sécurité nationales, défiant le gouvernement central et l’autorité de la loi fondamentale, ou ayant pour but de mener, par le truchement de Hong Kong, des opérations d’infiltration ou de sabotage sur le Continent, franchirait (“toucherait 触碰 – chu peng - dans le texte chinois“) la limite extrême de ce qui est permis et ne sera pas accepté ».

En Chinois « 任何 危害 国家 主权 安全 挑战 中央 权利 和 香港 特别 行政区 基本法 权威 利用 香港 对 内地 进行 渗透 破坏 的 活动 都是 对 底线 的 触碰 都是 绝 不能 允许的 ».

Évoquant clairement « la sécurité nationale », deux années avant la loi, la déclaration annonçait sans équivoque ce qui allait se produire en 2020-2021. Le 30 juin 2020, c’est précisément la loi sur la sécurité nationale adoptée en contournant le parlement local, qui intensifia la répression à l’aune des normes politiques du Continent.

Élimination de l’opposition électorale et de la société civile.

Moins d’un an plus tard, en mars 2021, toujours en contournant le « Legco », l’ANP à Pékin votait un amendement électoral destiné à être inséré dans la « Basic Law ». Entre autres changements, il établissait un comité de sélection permettant l’élimination des candidats jugés insuffisamment « patriotes ».

Le tri des candidats garantit désormais que les pro-démocrates restent toujours en minorité au Legco. Lire : A Hong Kong, Pékin réforme la loi électorale, durcit la gouvernance et élimine la mouvance démocrate. Lors des élections législatives du « Legco » du 19 décembre [1], c’était chose faite. Sur les 90 sièges, 89 sont aujourd’hui occupés par des loyalistes pro-Pékin (20 des circonscriptions géographiques, 29 des circonscriptions professionnelles et 40 de la Commission électorale).

Un point noir cependant, le taux d’abstention de 69,8%, le plus élevé de l’histoire de la RAS, traduisit un désintérêt des électeurs pour un scrutin que les pro-Pékin ne pouvaient mathématiquement pas perdre.

En même temps, s’est développée une vaste attaque contre la société civile. Le 16 avril, 2021, le très volubile et très rebelle magnat des médias Jimmy Lai (黎智英 Lí Zhìyīng), 75 ans, était condamné à un an de prison pour son rôle dans les manifestations de 2019 et dans les commémorations de Tiananmen.

Les nouvelles directives du programme scolaire effacèrent l’analyse critique de l’histoire chinoise et mettaient clairement l’accent sur la « prise de conscience du sens des responsabilités pour la sauvegarde de la sécurité nationale ».

En 2021 encore, la veillée de Tiananmen du 4 juin était interdite pour la deuxième année consécutive, toujours pour des raisons de sécurité sanitaire bien qu’à l’époque la ville n’avait enregistré aucun cas de Covid.

Au même moment, l’appareil renforçait la censure cinématographique et indiquait clairement que tout film, quel que soit son contenu, qu’il soit étranger ou national, serait désormais interdit si les censeurs locaux estimaient que sa projection pouvait mettre en danger la sécurité nationale telle que définie par Pékin.

Martin Lee (李柱銘 Lǐ Zhùmíng), 82 ans, souvent appelé le « père de la démocratie » de Hong Kong pour avoir, avec d’autres, fondé le parti d’opposition démocrate, a été condamné à 11 mois de prison avec sursis. Très symbolique, la sanction avait résonné comme une mise en garde à toute la mouvance démocrate.

Répression et exigence patriotique.

En 2021, les premiers procès en vertu de la loi sur la sécurité nationale interprétèrent strictement les slogans de protestation comme des « appels à la sécession » et prononcèrent des peines de prison de plusieurs années. A la mi-juin 2021, presque toutes les figures démocrates du Legco étaient en prison ou en exil, tandis que la police fermait les associations, les syndicats et les médias pro-démocrates.

Notre article du 20 novembre dernier (Hong Kong : l’Art 21 sur la sécurité nationale, arme absolue de Pékin contre les émeutiers démocrates. Les juges de la R.A.S. résistent-ils ?) avait déjà signalé la condamnation le 30 juillet 2021, à 9 années de prison de Tong Ying-kit pour incitation à la sécession et terrorisme.

Le 23 novembre, Tony Chung, 20 ans, en prison depuis un an, écopait de trois ans et-demi de prison ferme. A la tête d’une association d’étudiants « localistes » fondée en 2016 qui réclamait l’indépendance de la R.A.S, il a plaidé coupable des chefs d’accusation de sécession et de blanchiment d’argent (pour avoir continué à percevoir des dons venant de l’étranger via Paypal).

A propos de la mouvance « Localiste », portant en réalité une intention de rupture avec le Continent, lire : A Hong Kong, la Chine fait face aux contradictions du schéma « Un pays deux systèmes ».

A Pékin, Xia Baolong 夏宝龙, 69 ans, ancien n°1 du Parti au Zhejiang, nommé en février 2020 Directeur du bureau des affaires de Hong Kong et Macao, puis en mars 2021 secrétaire général de la 13e Commission Consultative du Peuple Chinois, se réjouit de la reprise en main ayant stoppé net les risques de dissidence.

En juillet dernier, il avait déjà salué l’efficacité de la loi sur la sécurité nationale et laissé entendre que la reprise en main « patriotique » se poursuivrait sans faiblir. Le but qui dépasse largement le contrôle des manifestations, est clairement de modifier l’ADN politique de Hong Kong pour tenir en respect le pluralisme de la société, en éradiquer les intentions séparatistes et consolider l’esprit de loyauté à Pékin.

« Nous espérons ardemment une R.A.S où le patriotisme imprègnera complètement le pouvoir, exprimant l’amour du Pays comme une valeur fondamentale dominante, profondément enracinée dans le peuple ».

Dernière offensive en règle contre le pluralisme des médias et la liberté d’expression, lancée sous les critiques de l’ONU et de Berlin, le 29 décembre deux cents policiers investissaient les locaux de « Stand News 立場 新聞 », le site gratuit d’informations en ligne pro-démocratique le plus réputé de la R.A.S dont sept journalistes ont été arrêtés pour « publication d’informations séditieuses ».

Après la fermeture le 25 juin dernier d’Apple Daily de Jimmy Lai lui-même en prison, qui tirait à un million d’exemplaires, la brutalité de la manœuvre a provoqué une réaction critique de l’Allemagne et du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies, qui s’est dit alarmé par la « fermeture extrêmement rapide de l’espace civique et des débouchés permettant à la société civile de Hong Kong de s’exprimer librement ».

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Quel avenir international pour la place de Hong Kong ?

En dépit des dénégations des responsables chinois, nombre de commentaires soulignent que l’attraction de la place financière de Hong Kong ayant tourné le dos à la « Common Law », a faibli.

Officiellement cependant, le système judiciaire de la R.A.S se réclame toujours de la « Common Law ».
Différente du système légal du Continent, elle fonde, disent ses défenseurs à Pékin et à Hong Kong, toujours la pertinence du schéma « un pays deux systèmes ». Son organisation et son fonctionnement peuvent être consultées sur le site officiel du Département de la justice du Territoire.

La réalité est que depuis les émeutes de 2019, l’efficacité de l’arrangement « un pays deux systèmes » qui garantissait le maintien de la « Common Law » a sérieusement été écornée, essentiellement parce que Pékin y voit le risque que les libertés qu’elle autorise pourrait favoriser le développement d’un mouvement de rupture avec Pékin.

Quant à l’exécutif de la R.A.S ses liens avec Pékin sont, depuis 1997, structurellement très étroits tout autant qu’ils l’étaient avec Londres. Force est de constater qu’ils se sont resserrés depuis la crise de 2019.

Selon la loi fondamentale « Basic Law », la gouverneure Carrie Lam nommée en 2017 par Pékin, à qui elle doit rendre des comptes, dirige le gouvernement pour la formulation et la mise en œuvre des politiques, la conduite des affaires administratives et l’élaboration et l’introduction des budgets et des projets de loi.

Mais, depuis juin 2020, suite aux émeutes de 2019 – 2020, Carrie Lam est aussi la Présidente de la Commission en charge de veiller à la « Sécurité Nationale » dont la philosophie articulée à la préservation bec et ongles des liens avec Pékin, domine sans nuance toute la pensée politique chinoise dans la R.A.S.

Enfin, s’il est exact que les peines prononcées par les juges de Hong Kong traduisent par leur mansuétude relative – sur le Continent l’accusation de « séparatisme » conduit à la prison à vie. Lire à ce sujet : Condamnation à la prison à vie d’un intellectuel ouïghour -, en revanche, aujourd’hui, le législatif, troisième des trois pouvoirs est, par le truchement de la réforme électorale complètement dépouillé de son indépendance.

L’objectif reste la mise sous le boisseau de la mouvance démocrate et surtout, première priorité de l’Appareil à Pékin, de tuer dans l’œuf toute dérive séparatiste.

*

Ignorant cette absolue ligne rouge de souveraineté, d’autant plus exigeante pour Pékin que l’histoire du Territoire est le douloureux symbole des humiliations infligées à la Chine au XIXe siècle par les « Huit puissances », les pays du G7 – sans la Chine ni la Russie - ayant tous d’importants intérêts financiers à Pékin, ont vigoureusement critiqué la loi sur la sécurité nationale et la refonte du processus électoral.

L’œil fixé sur sa priorité souveraine, le pouvoir chinois n’en a cure.

Le sévère raidissement de Pékin a il est vrai entraîné une nervosité des milieux d’affaires notamment américains.

En juillet, Washington publiait un avertissement aux entreprises américaines de Hong Kong qui mettait en garde contre « la difficulté croissante de se conformer à la fois aux sanctions américaines et à la réglementation chinoise ». En particulier ajoutait le communiqué, après l’adoption par Pékin en juin 2021 de la « loi anti-sanctions ne faisant aucune distinction explicite entre la Chine continentale, Hong Kong, et Macao. ».

Dans le même temps, une enquête de la Chambre de commerce américaine de Hong Kong réalisée en mai révélait que 42% des personnes interrogées prévoyaient de quitter la R.A.S ou envisageaient de le faire. Un début d’exode a commencé, mais son ampleur n’est pour l’instant pas significative. Depuis juin, 90 000 Hongkongais soit 1,2% de la population ont quitté la ville.

Intégrer Hong Kong au Continent.

A l’inverse du pessimisme des analyses politiques, en 2021, et en dépit du tableau très morose des relations avec le Continent qui semble clore la spécificité de la R.A.S, l’économie de Hong Kong a finalement rebondi après la récession commencée avec les manifestations de 2019.

Malgré un ralentissement de l’élan au second semestre, à la suite des mesures de mise au pas réglementaires déclenchées par le pouvoir central, le rétablissement a été porté par une vague d’introductions en bourse de nombreuses entreprises chinoises s’étant inscrites pour la première fois ou ayant répondu aux appels de Pékin pour une seconde introduction qualifiée par l’appareil de « retour aux sources ».

En haussant l’analyse d’un étage on perçoit la réalité. Inexorablement, Pékin poursuit l’intégration de la R.A.S au Continent et l’effacement de sa spécificité dont le principal levier économique est la réalisation territoriale du projet de la « Grande baie Canton- Hong Kong – Macao - 粤港澳大湾区 », autour de Zhuhai.

En 2018, François Danjou en avait analysé les prémisses (lire : Anxiétés politiques à Hong-Kong) au milieu des anxiétés exprimées par les défenseurs des « deux systèmes » et les premières répressions contre la liberté d’expression, ciblant déjà Victor Mallet journaliste du Financial Times dont le visa n’avait pas été renouvelé.

Déjà, la colère de Pékin fustigeait spécifiquement l’invitation par Victor Mallet au Foreign Correspondant Club dont la plupart des membres sont des journalistes étrangers, de l’indépendantiste Chan Ho-tin : 陳浩天, 31 ans.

Andy Chan – son nom anglais –, fondateur du « Hong Kong National Party », le premier à militer pour l’indépendance de Hong Kong, a été arrêté une première fois le 2 août 2019 avec sept autres manifestants à Sha Tin, à l’est des nouveaux territoires. Il était accusé de détenir illégalement des explosifs – cocktails molotov -, des armes – en réalité des arcs et des flèches - et du cannabis.

Le 30 août, il était à nouveau arrêté, alors qu’il tentait de fuir au Japon. Cette fois il était accusé d’avoir participé à une émeute et d’avoir attaqué un policier lors des manifestations de Sheung Shui du 13 juillet 2019 au milieu de troubles qui se prolongèrent très au-delà du nouvel an 2020.

Lire : HONG KONG à l’orée de 2020.

Au milieu des péripéties policières traduisant le télescopage entre d’une part le désir rémanent de spécificité et même pour certains Hongkongais de rupture et, d’autre part, l’élan chinois de la mise aux normes du Territoire, deux événements avaient matériellement exprimé la récupération territoriale de Hong Kong par le Continent, près de trente ans avant 2047, échéance de la fin du schéma « un pays deux systèmes ».

A cette époque, Anson Chan, 陳方安生 (82 ans le 17 janvier prochain) inflexible avocate des « deux systèmes » de la liberté de l’information, de l’indépendance de la justice, des élections libres et du pouvoir de contrôle du Legco, qui dirigea l’administration du Territoire de 1993 à 2001, dont quatre années sous le mandat de Chris Patten, exprima l’inquiétude de nombre de Hongkongais.

Dix mois avant les premières manifestations contre la loi sur l’extradition et près de deux ans avant celle sur la sécurité nationale, elle jugea publiquement que « la R.A.S ressemblait de plus en plus à n’importe quelle ville chinoise ». Alors qu’il affirme le contraire, telle est bien l’intention du pouvoir à Pékin : normaliser Hong Kong sous tous les aspects, qu’ils soient sociaux, politiques, économiques et territoriaux.

En 2018, à un mois d’intervalle eurent lieu deux événements exprimant plus que tous les autres, l’accélération de l’intégration territoriale de la R.A.S. Le premier événement fut la mise en service le 23 septembre de la liaison TGV – plus de cent trains par jour - entre les nouveaux territoires – ceux-là même cédés en 1898 par les Qing à l’empire britannique pour 99 ans – et 44 villes chinoises dont Pékin, Canton et Shenzhen, Zhuhai, Chongqing, Guiyang, Wuhan, Nanning et Xi’an.

Le deuxième événement fut l’inauguration par Xi Jinping du pont de 55 km enjambant le delta de la rivière des perles et reliant Hong Kong à Macao et Zhuhai. Pour un coût final de 20 Mds d’€, l’ouvrage dont la construction a débuté en 2009 est désormais avec la liaison TGV, le symbole à la fois physique et politique du rattachement à venir de la R.A.S au Continent.

Note(s) :

[1Les élections législatives ont été organisées le 19 décembre 2021, après un report de 2 mois et-demi dû à la pandémie, dont nombre d’observateurs jugèrent qu’il s’agissait d’un prétexte suite à la poussée inédite des démocrates aux élections précédentes du 6 septembre 2016 où ils obtinrent 36,02% des voix contre 40,17% à la mouvance pro-Pékin. Surtout, le scrutin avait vu l’entrée à l’assemblée territoriale des « localistes », euphémisme désignant les indépendantistes qui obtinrent 19% des voix.

Plus encore, l’élection locale des conseillers de districts du 24 novembre 2019, tenue sous la pression des manifestations de 2019 contre la loi sur l’extradition, confirma l’irrésistible poussée des démocrates qui obtinrent 57,10% des voix contre seulement 42,06% pour les pro-Pékin.

Après ces terribles revers pour l’appareil qui voit les « localistes » comme des hors-la-loi ayant franchi une ligne rouge, le Parti s’est mis en mesure de tenir à distance les démocrates et de fermer définitivement la porte du Legco aux sécessionnistes.

A cet effet Pékin entreprit d’abord d’augmenter le nombre de députés et de redessiner la carte des découpages électoraux. Le nombre total de sièges fut porté de 70 à 90, tandis que la commission électorale réduisit de 35 à 20 le nombre de circonscriptions géographiques directement élues, votant généralement démocrate, tandis que les circonscriptions professionnelles élues par les 1600 membres de la Commission électorale proche de Pékin passèrent de 30 à 40.

Simultanément, Pékin entreprit de purger l’opposition démocrate en vertu de la loi sur la sécurité nationale. A la mi-juin 2021, presque toutes les figures démocrates du Legco étaient en prison ou en exil, tandis que la police fermait les associations, les syndicats et les médias pro-démocrates. Enfin, un comité de sélection fut chargé de purger les candidats « non patriotes ».

 

 

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