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›› Chronique

Attention ! Une croissance peut en cacher une autre

Avec un taux de plus de 7% prévu pour l’année en cours, la croissance du PIB chinois reste sans doute l’une des meilleures du monde, alors qu’en Occident, on ne peut pas même en espérer la moitié. Cependant les dirigeants de Pékin sont loin d’être euphoriques, au contraire. Car une croissance peut en cacher une autre, en l’occurrence celle du chiffre du chômage qui, lui aussi, prend une pente ascendante.

Sur ce sujet, aucune statistique officielle n’est fiable en Chine, mais le problème de l’emploi est jugé suffisamment sérieux pour qu’une « conférence nationale » ait été convoquée au sommet de l’Etat, le 12 septembre dernier (selon un communiqué de l’agence Xinhua le lendemain), au cours de laquelle de nouvelles directives gouvernementales ont été données, à la suite d’un discours du premier ministre Zhu Rongji, afin d’endiguer l’augmentation de la population sans emploi.

Ralentissement mondial

Une forte croissance du PIB n’est donc pas synonyme de plein emploi, surtout lorsque le taux de productivité s’accroît et que la population active reste nombreuse. En ce qui concerne la Chine, la situation actuelle du sous-emploi a une triple origine, la première est conjoncturelle, alors que les deux autres sont liées respectivement à la réforme du secteur public et à l’industrialisation du pays.

Le ralentissement mondial, commencé depuis mars 2000 et aggravé au cours des trois derniers trimestres, devrait affaiblir l’activité économique du pays, quoique avec un temps de retard. Deux effets sont possibles, le freinage des exportations et le tarissement des investissements étrangers. Les secteurs dépendant des marchés internationaux, tels que le textile, les jouets ou l’électronique civile se trouveront en état de surcapacité et les salariés seront les premières victimes du retournement de tendance.

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Deux causes propres à la Chine

Ce risque extérieur coïncide malencontreusement en Chine avec les réductions d’effectifs du secteur public, qui créent un chômage structurel. En effet, depuis 1997, nombre d’entreprises d’Etat font l’objet d’une cure d’amaigrissement. Déficitaires chroniques pour la plupart, d’énormes combinats ont été privatisés ou tout simplement mis en faillite. On voit se former quelques champions nationaux à coups de meccano dans les secteurs pétrolier, sidérurgique ou électronique, mais des pans entiers de l’industrie traditionnelle sont sacrifiés au nom de la modernisation technique et organisationnelle.

Des dizaines de millions de travailleurs peu ou pas qualifiés ont perdu dans ce processus leur emploi autrefois considéré comme garanti à vie. Un article du Quotidien du Peuple indiquait le mois dernier que 1,5 million d’anciens employés d’entreprises publiques de Shanghai avaient retrouvé un nouvel emploi. Dans la meilleure hypothèse (celle défendue par la presse officielle), 70% des chômeurs retrouvent un emploi dans l’année suivant le licenciement. Pour la seule ville de Shanghai, le nombre des chômeurs de longue durée s’élèverait donc au minimum à 640 000. Sans nulle doute, la marche forcée vers l’économie de marché comporte un énorme coût social.

Enfin, la migration de populations rurales vers les grandes villes exerce, elle-aussi, une forte pression sur le marché de l’emploi. Le décollage de la productivité agricole, phénomène bien connu de développement économique, pousse de plus en plus de paysans à quitter leur terre. Ces immigrés de l’intérieur occupent les emplois les plus pénibles et les plus moins rémunérateurs. On compte facilement un à deux millions de cette « population flottante » dans les banlieues des grandes métropoles. Officiellement la population rurale s’élève à 900 millions. Autrement dit, 7 Chinois sur 10 vivent encore dans les campagnes. Si le pays continue à s’industrialiser suivant un schéma classique, nous verrons plus de 100 millions de ruraux arriver sur le marché d’emploi d’ici 5 à 10 ans.

Le chômage aura aussi un coût à l’export

Chacun sait qu’un taux de chômage élevé est un facteur d’instabilité sociale. Aussi le gouvernement chinois a-t-il fait de l’emploi sa priorité. Zhu Rongji est le premier à soutenir l’organisation d’un système de protection sociale à l’échelle nationale, mais il y faut du temps. L’Etat va par ailleurs faciliter les créations d’entreprises privées et subventionner certains emplois jugés d’utilité public. Il s’inspire dans ce domaine notamment d’expériences menées dans les pays occidentaux en faveur de l’emploi.

C’est une bonne nouvelle pour les millions de chômeurs chinois que le gouvernement s’inquiète de leur sort, mais cette politique entraînera un coût certain sur les dépenses publiques et se répercutera, in fine, sur le prix des produits « made in China ». Que ceux qui craignent une déferlante de produits à bas prix en provenance de l’Empire du milieu se rassurent. Le péril jaune n’est pas pour demain.

 

 

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