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›› Politique intérieure

A Hong Kong, profitant de la pandémie, Pékin fait arrêter 15 membres de l’opposition

Le 18 avril 2020 marquera probablement dans l’histoire le moment symbolique où le Parti Communiste Chinois, jetant le masque et échaudé par les émeutes de 2019 contre la loi sur l’extradition, décida de limiter les risques que le schéma « Un pays deux systèmes » fait peser pour l’avenir de la rétrocession en 2047.

Il ne faut pas s’y tromper, la brutalité de la réaction du gouvernement de Hong Kong chapitré par Pékin répond à un souci.

Les principes de liberté d’expression et de manifestation, celui d’indépendance législative et judiciaire portent, du point de vue de Pékin, le risque que de proche en proche, les exigences pour plus de démocratie ayant accompagné les émeutes, ça et là ponctuées par des appels à l’indépendance du territoire et les outrages aux emblèmes de souveraineté de la République Populaire, finissent par remettre en cause la rétrocession et même l’appartenance de la R.A.S à la Chine.

A l’été 2017, en visite à Hong Kong Xi Jinping avait clairement exprimé cette crainte et fixé limites de la tolérance du Parti. - « Toute tentative contre la souveraineté et la sécurité nationales, défiant le gouvernement central et l’autorité de la loi fondamentale, ou ayant pour but de mener, par le truchement de Hong Kong, des opérations d’infiltration ou de sabotage à l’intérieur du Continent, franchirait (“toucherait 触碰 – chu peng - dans le texte chinois“) la limite extrême de ce qui est permis et ne sera pas accepté ».

A cet égard, les violentes protestations de rues de l’année 2019 contre la loi sur l’extradition également suivies par une partie de la mouvance des hommes d’affaires pourtant traditionnellement acquise à Pékin, auront sans doute contribué à aggraver les préoccupations du parti unique et renforcé sa détermination à ne plus prendre de risques quelles qu’en soient les conséquences.

Une fois de plus, la méthode choisie, brutale et sans nuance, n’a aucune chance de calmer les tensions et encore moins de convaincre les Hongkongais des avantages de la rétrocession en 2047.

Comme si Pékin cherchait à « éteindre un incendie au lance-flammes », selon l’expression d’un observateur de longue date du Parti communiste chinois, le durcissement crispe les positions, installe une angoisse et pousse certains Hongkongais à quitter la R.A.S [1].

Coup de filet contre les démocrates.

Le 18 avril, dans Hong Kong figé par la pandémie, une rafle policière a simultanément arrêté 15 députés de l’opposition, parmi lesquels des figures emblématiques du mouvement démocrate comme Martin Lee (81 ans) ; Leung Yiu-chung (67 ans), ; Albert Ho, (69 ans) ; Margaret Ng Ngoi-yee et (72 ans) et Jimmy Lai (72 ans) (Voir la liste complète en annexe).

Accusés d’avoir participé à des rassemblements illégaux, tous étaient en réalité ciblés pour avoir, par leurs actions ou leurs discours, favorisé les émeutes qui, en 2019, protestèrent contre le projet d’une loi d’extradition risquant de livrer les opposants politiques au parti communiste chinois.

Les descentes de police aux domiciles de l’opposition eurent lieu, alors qu’en pleine crise épidémique, cette fois mieux contrôlée que lors de l’épidémie de SRAS, il y a 17 ans (seulement 4 décès, contre 286 en 2003), les démocrates multipliaient au Legco les questions au gouvernement, retardant l’élection du Président de la Commission parlementaire.

Au point que, le 14 avril, le Bureau de liaison du Parti Communiste chinois à Hong Kong, accusa vertement les démocrates d’entraver le travail législatif.

La critique publique exprimée par la représentation chinoise dans la R.A.S contre le fonctionnement du Legco, initia aussitôt le jugement exprimé par l’agence Reuters, citant des sources anonymes, que Pékin contrevenait à l’obligation de réserve du schéma « Un pays deux système ».

En même temps, la dépêche laissait entendre, tout en regrettant son prochain départ en janvier 2021, que Geoffroy Ma, président de la Cour d’appel final de Hong Kong, aurait résisté aux pressions anti-démocratiques de Pékin pour qui l’institution judiciaire de la R.A.S devait en dernière analyse protéger la règle du parti unique chinois.

Défiance à Hong Kong. Durcissement chinois.

Alors que Geoffroy Ma niait avoir jamais été placé sous la pression de Pékin, son successeur désigné, le juge Andrew Cheung, ayant eu à statuer sur plusieurs cas sensibles, y compris l’invalidation de 5 députés indépendantistes élus dont l’investiture avait été annulée en novembre 2016 après leur refus de faire allégeance à la Chine lors de leur investiture, adopta, à 9 mois de sa prise de fonction, une attitude prudente. Lire : « Hong-Kong n’est pas la Chine ». Le slogan qui exaspère Pékin.

Beaucoup l’interprètent comme un nouveau coup porté au schéma « Un pays deux systèmes ». D’autres y ont vu un nécessaire pragmatisme. « Il serait, dit en effet Andrew Cheung, arrogant et ignorant » que les tribunaux de Hong Kong prétendent dicter à Pékin son attitude à l’égard du système judiciaire de la R.A.S.

Pour celui qui sera prochainement le plus haut magistrat de la R.A.S, en charge de perpétuer l’indépendance de la justice, clé des « Deux systèmes », la remarque indique clairement que dans le schéma imaginé par Deng Xiaoping, la partie qui désormais domine est bien « Un pays. »

Le Barreau en revanche appela les représentants de Pékin à plus de mesure. En pure perte.

Le 17 avril, la veille des arrestations, Xia Baolong, ancien n°1 du Parti au Zhejiang, proche de Xi Jinping, toujours vice-président de la Conférence Consultative du Peuple à Pékin et nommé en février nouveau chef du bureau de liaison du Parti dans la R.A.S après les troubles de 2019, doucha brutalement tous les espoirs d’apaisement.

Agissant en tandem avec Luo Huining, ancien n°1 au Qinghai et au Shanxi, arrivé en janvier, Xia Baolong affirma sans ambages que l’Article 22 de la Loi Fondamentale interdisant l’interférence de Pékin dans les affaires de Hong Kong n’avait plus de pertinence dès lors que la sécurité de R.A.S était en jeu. Le 19 avril, après 2 jours d’hésitation, le bureau de Carrie Lam endossa cette position.

Le durcissement de la main de Pékin se confirme avec deux hommes connus pour leur fermeté sans états d’âme, Xia Baolong au Zhejiang et au Henan pour ses répressions contre les communautés chrétiennes souterraines [2], la destruction d’églises illégales et le démontage des croix, Luo Hunning, son collègue, pour sa lutte contre la corruption au Shanxi.

Pour la mouvance démocrate, la manœuvre répressive lancée pendant la crise épidémique est le signal que Pékin, pris de court par les émeutes mal anticipées par Wang Zhiming, l’ancien représentant du parti, aujourd’hui limogé, a l’intention « d’étrangler » les libertés qui fondent les « deux systèmes ».

L’offensive chinoise anticipe le risque qu’après la déroute des candidats pro-Pékin aux élections des conseillers de district, le 24 novembre dernier, l’opposition cristallisée contre Pékin pourrait catalyser un vote pro-démocrate permettant d’obtenir les 36 sièges de majorité aux législatives prévues en septembre. L’inquiétude de Pékin est fondée. Selon un institut de recherche, fin février, la popularité de Carrie Lam était effondrée à 9%.

La situation générale, résultat de la rigidité du Parti, elle-même causée par la crainte de Pékin que la situation ne dérape sous l’effet de l’hostilité croissante de la population, est marquée par un effondrement de la confiance et une marge de négociation et d’apaisement extrêmement ténue.
Lire aussi : HONG KONG à l’orée de 2020.

Sombres perspectives.

Les tensions pourraient resurgir de plus belle si Pékin décidait, comme une réunion du Parti l’avait suggéré en octobre dernier, rappelée par Luo Huining, à son arrivée en janvier, de remettre à l’ordre du jour la loi sur la sécurité nationale (Art 23). Alors qu’à Hong Kong montent les voix réclamant l’indépendance du territoire et que la défiance ne faiblit pas, le projet aurait, si Pékin tentait à toutes de forces de l’imposer, un potentiel bien plus éruptif que la loi sur l’extradition.

Rédigé selon le modèle de Pékin, l’Art 23 permettrait de réprimer férocement la liberté d’expression, d’information et de rassemblement, tandis qu’entreraient dans la constitution du Territoire, les motifs d’accusation tels que trahison, sédition, sécession, subversion, protection de secrets d’État, dont l’éventail très large et très vague donne lieu à beaucoup d’abus en Chine.

Enfin, mettant déjà en œuvre un pare-feu contre l’information libre, Pékin a imposé à Hong Kong que les journalistes du Washington Post, du WSJ et du New York Times récemment expulsés de Chine ne soient pas accueillis dans la R.A.S. De même, les services d’immigration ont fermé la porte aux membres des ONG des droits tels Human Right Watch dont le Président Kenneth Roth n’a pas obtenu de visa en janvier dernier.

Déjà en octobre 2018, en représailles à son organisation d’un échange public avec la mouvance indépendantiste, le visa de travail de Victor Mallet, rédacteur en chef du Financial Times pour l’Asie n’avait pas été renouvelé. Un mois plus tard, le 9 novembre il avait tenté d’entrer sur le Territoire en visiteur. Après de longues heures d’interrogation, la police des frontières l’avait refoulé.

*

Le moins qu’on puisse dire est que la situation flotte. Mis au défi par les protestations violentes de 2019, Pékin bouscule l’équilibre de l’arrangement « Un pays deux systèmes. ». La prochaine échéance politique sensible se profile déjà avec les élections au Legco dont la date a été provisoirement fixée au 6 septembre.

Mais la date officielle n’est pas arrêtée. Ajoutant à la fluidité de la situation, les inconnues de l’épidémie de Covid-19, suggèrent aux parlementaires pro-Pékin de demander le report du scrutin. En riposte l’opposition les accuse de chercher à échapper au verdict des urnes.

Note(s) :

[1Selon un sondage de l’Institut d’Études de HK pour l’Asie Pacifique, datant de décembre 2018, 34% de Hongkongais émigreraient s’ils en avaient la possibilité. Chez les plus jeunes de 18 à 30 ans la proportion était de 51%. Les raisons invoquées étaient : 1) Trop de tensions politiques + déficits des droits (41,3%) ; 2) Surpopulation (35%) ; 3) Pollution (22,3%). Recouvrant tous ces facteurs, pèse l’incertitude face à une situation appelée à durer et dont la solution n’apparaît pas clairement.

[2Lire : Le Pape François en Corée. Retour sur les relations entre le Vatican et la Chine.

Dans le contexte actuel de méfiance à l’égard des influences occidentales, la motivation politique des destructions d’église et de la campagne d’élimination des croix au-dessus des édifices religieux est probable. Elle serait confirmée par une note confidentielle de l’appareil qui aurait baptisé la campagne en cours : « trois rectifications et une démolition - 三 个整改, 一 个拆迁 ».


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