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›› Editorial

Asie du Nord-Est. Pékin à la manœuvre. Faux semblants et réalités

Séoul sensible aux séductions chinoises.

Vétéran de l’analyse stratégique de l’Asie du Nord-est et fin observateur du détail des relations trilatérales, Nakazawa note les déclarations chinoises selon lesquelles Moon Jae-in aurait accepté de reconnaître que les questions de Hong Kong et des Musulmans du Xinjiang étaient strictement des affaires intérieures chinoises, ont provoqué un malaise à Séoul.

La nouvelle qui pour Pékin valait en politique intérieure un démenti des attaques occidentales contre la Chine, a fait la une du Quotidien du Peuple le 23 décembre. Elle a été abondement relayée sur les téléphones portables par les réseaux sociaux chinois.

Mais, signe que les présentations officielles de Pékin n’ont pas reçu l’aval de la Maison Bleue, celle-ci expliquait que Moo Jae-in s’était contenté « d’écouter attentivement les explications de Xi Jinping ». Nakazawa souligne aussi que l’apparente bienveillance de la Corée à l’égard de Pékin pourrait avoir été motivée par la nécessité d’un succès international du Président.

Suivaient une description de l’affaiblissement en politique intérieure de Moon Jae-in, aux prises avec un freinage de l’économie et la crise politique de l’ancien ministre de la justice Cho Suk, accusé de corruption et contraint à la démission [3].

La difficile préparation du Voyage de Xi Jinping au Japon.

Le traitement médiatique réservé par la presse officielle chinoise à Shinzo Abe après sa rencontre avec Xi Jinping fut moins hyperbolique. A propos des Musulmans du Xinjiang, le Premier Ministre japonais a en effet exhorté le Président chinois à plus de transparence sur la condition des Ouïghour. Il s’est aussi montré plus circonspect dans la rédaction du communiqué commun.

Surtout, l’allusion chinoise chère à Xi Jinping évoquant la construction « d’une communauté humaine partageant le même avenir - 推动构建人类命运共同体- » a été évacuée des échanges.

La formule qui ne recueille pas la faveur des Japonais est aussi au cœur des controverses entre Tokyo et Pékin qui préparent un communiqué commun à l’occasion de la prochaine visite de Xi Jinping au Japon en avril prochain.

Pékin souhaite en faire un jalon significatif du rapprochement sino-japonais, marquant par un « 5e document conjoint » un progrès depuis le « 4e », signé lors de la visite de Hu Jintao qui se contentait d’évoquer une « relation stratégique mutuellement bénéfique. »

La partie chinoise espère ainsi une formulation sous la forme « d’un emballage global » où figureraient à la fois « le futur de l’humanité » et les « Nouvelles routes de la soie », épines dorsales de la politique étrangère de Xi Jinping qui voit la « nouvelle ère chinoise » comme un des moteurs de l’avenir d’un monde solidaire.

Logiquement, Tokyo méfiant à l’égard de l’éventuelle hégémonie du modèle chinois, est réticent. Pour le moment, les marchandages politiques - expressions des rivalités et des sous-entendus stratégiques - ont réussi à produire le compromis d’une déclaration conjointe évoquant seulement la « responsabilité partagée pour la paix et la stabilité en Asie et dans le monde ».

*

Ce n’est pas fini. Lucide, Nakazawa évoque les très sérieuses tensions récentes ayant entouré l’arrestation depuis 2015 par les services chinois de 10 japonais accusés d’espionner la Chine.

Le 8 novembre dernier Takuma Sakuragi 76 ans, ancien député de Tokyo, en prison pour trafic de drogue a été condamné à la prison à vie par une cour de Canton. Arrêté en octobre 2013 a l’aéroport avec 3,3 Kg de méthamphétamine dans sa valise, il dit avoir été manipulé par des trafiquants.

Certes, dit Nakazawa, le 15 novembre dans un geste de bonne volonté, Pékin a fait libérer Nobu Iwatani, 42 ans, professeur à l’Université de Hokkaido arrêté en septembre pour espionnage. Mais il ajoute que 9 autres sont encore en prison.

Au Japon, les anti-chinois ne désarment pas. En novembre le parti communiste japonais a dénoncé les intrusions navales chinoises dans les eaux japonaises des Senkaku, fustigé « l’hégémonisme » de la Chine et vertement critiqué son attitude à Hong Kong et au Xinjiang.

Dures réalités. Wang Qishan l’ami du président en 1re ligne.

Pour Xi Jinping l’enjeu japonais est crucial. Il est à la fois l’espoir d’un contrepoids à Washington et le symbole du succès de sa politique étrangère. L’importance que le n°1 chinois y accorde est attestée par l’envoi au Japon du vice-président Wang Qishan.

Le plus proche fidèle du président chinois était à Tokyo le 23 octobre dernier à l’occasion de l’avènement de l’empereur Naruhito. Le 6 décembre, à la demande de Xi Jinping, il rencontrait à Zhongnanhai, Shigeru Kitamura Président du Conseil de sécurité japonais. Sa mission est claire : trouver le moyen d’apaiser la relation sino-japonaise et préparer la visite à Tokyo de Xi Jinping en avril.

La tâche n’est pas simple.

S’il est vrai que l’effervescence anti-japonaise qui avait secoué la Chine en 2012 s’est calmée, les tensions sous-jacentes demeurent d’autant plus qu’aucun des contentieux de fond n’a été résolu. A commencer par la puissante rivalité stratégique attisée par l’alliance entre Tokyo et Washington.

Le professeur Lim Chuan-tiong chercheur au centre de recherche sur le Japon de l’Université de Wuhan, le reconnaît : « Combien de temps durera le rapprochement sino-japonais qui dépend étroitement de la rivalité entre Pékin et Washington ? ».

La conclusion de l’analyse revient au fond des choses que nombre de chercheurs rappellent. Les élans chinois à l’adresse de Tokyo sont conjoncturels et d’abord motivés par le freinage économique chinois et les tensions sino-américaines.

« Paradoxalement, si l’économie chinoise recommençait à être florissante et que les relations avec les États-Unis se stabilisaient, aux yeux de Pékin la valeur stratégique du Japon diminuerait considérablement. » (…)

« La vague de manifestations anti-japonaises qui a déferlé sur la Chine il y a sept ans a montré à quel point les liens peuvent s’effilocher. Telle est la dure réalité de la politique internationale. »

Note(s) :

[3Alors que sa femme Chung Kyung-sim, professeur d’université était arrêtée et mise en accusation pour favoritisme académique au profit de sa fille, le 14 octobre, accusé de corruption, Cho Kuk a démissionné de son poste de ministre de la justice au milieu de manifestaions rivales des ses appuis et de ses opposants.


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