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Chine – États-Unis. Entre vindicte nationaliste et volonté d’apaisement, la persistance des rancœurs

Extrêmes réactions nationalistes et anti-occidentales.

En réaction aux critiques de la proximité entre Xi Jinping et Vladimir Poutine, la mouvance ultra-nationaliste riposte sur le thème « 抗美 - résister à l’Amérique » attisé par la Direction du régime depuis le 19e congrès, à l’automne 2017.


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Deux mois après l’attaque russe, l’appareil communiste commença à réagir aux critiques. Il le fit par la mouvance la plus nationaliste et la plus férocement anti-occidentale.

Le 22 avril, Lin Zhibo Directeur du Quodidien du Peuple du Sichuan signait un article de 6455 caractères intitulé « Notre position sur le conflit russo-ukrainien 俄乌冲突和我们的立场. » Diffusé par le réseau social WeiXin à usage interne, il répondait point par point et sans détours aux critiques fustigeant la proximité de Xi Jinping avec V. Poutine.

Dans cette première justification détaillée du soutien de la Chine au maître du Kremlin, l’appareil concédait que l’armée russe ne progressait pas vite et attribuait la lenteur des opérations à la sous-estimation par la Russie des capacités militaire ukrainiennes et au fait que Poutine ne recevait que des « informations unilatérales », ce qui, dit l’auteur, est dangereux pour la prise de décision stratégique ».

En même temps, l’analyse haussait les enjeux au niveau global, considérant que l’offensive était le prélude d’une résistance à l’hégémonie globale de l’Amérique en vue de construire « un nouvel ordre international juste et équitable ». Elle anticipait que les États-Unis dont le but était de maintenir leur hégémonie globale, s’efforceront désormais d’affaiblir la Russie et « d’étrangler la Chine ».

Dans ce contexte, dit l’analyse, le temps prouvera que l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine est bénéfique pour la Chine et le monde. Il ajoutait que la guerre ayant atténué la pression stratégique exercée par Washington, avait maintenu ouverte la « fenêtre stratégique » de la Chine, et garantissait l’opportunité de renforcer sa prévalence économique globale. »

La suite énumérait de manière crue les avantages de la position chinoise. Elle favorisait l’accès des entreprises chinoises en Russie, accélérait la dé-dollarisation et le rôle global du Yuan chinois, affaiblissait l’influence de l’Europe dans les pays en développement et renforçait celle de la Chine.

De surcroît, contredisant le discours officiel et répétant les analyses occidentales, l’auteur avançait que le conflit en Ukraine était un cas d’école permettant de réfléchir à la solution du problème taïwanais et à la manière de réagir aux sanctions occidentales.

Enfin, après avoir nié l’influence réelle des indépendantistes taïwanais aux États-Unis et discrédité les projets « d’étrangler la Russie et d’encercler la Chine », il affirmait que Pékin n’accepterait jamais que Washington affirme sa prévalence sur la Russie.

Autre réaction, venant cette fois de Zhang Zhikun, chercheur à l’Institut de recherches politiques de Kunlun rattaché à l’APL. Le 29 avril, il publiait un article violemment anti-occidental intitulé « Apprendre à vivre sous la contrainte occidentale, influences et leçons de la guerre en Ukraine - 学会在西方遏制下生活-乌克兰战争的影响与启示 - ».

Après avoir anticipé que l’Occident chercherait à expulser Poutine du pouvoir pour créer le chaos en Russie et déstabiliser ses approches, il affirmait que l’ordre international était aujourd’hui le résultat « d’une expansion coloniale violente, barbare et sanglante 暴力, 野蛮和血腥的殖民扩张 ».

Puis, après avoir mis en garde que les liens résiduels de la Chine avec les pays occidentaux pourraient être rompus à tout moment, instaurant un « blocus » antichinois, il exhortait « tous les patriotes » à éliminer leur dépendance au bloc occidental, y compris celle aux technologies de pointe.

La violence de l’article issu du système de défense chinois illustre l’état d’esprit de la mouvance la plus férocement nationaliste dont les ressentiments sont attisés à jets continus par la tête de l’appareil, sur le mode victimaire des réminiscences des humiliations infligées à la Chine au XIXe siècle par les « Huit puissances - 八 国 - ».

La surenchère qui riposte aux sanctions américaines et européennes, d’abord commerciales puis politiques à propos du Xinjiang, s’est dilatée en une irrésistible rivalité stratégique avec l’Occident qui croise celle de Vladimir Poutine.

Les indices contraires d’une volonté d’apaisement.

A l’occasion du 50e anniversaire de la visite de Nixon en février 1972, Pékin a tenté d’apaiser la relation sino-américaine. La reconnaissance « d’une seule Chine » par Washington, était cependant assortie du vote par le Congrès du Taiwan Relations Act (1979) qui condamnait par avance toute tentative de réunification de l’Île par la force. (*)

Les tendances actuelles où se croisent les menaces chinoises contre le gouvernement d’essence autonomiste à Taipei et l’implication de moins en moins discrète de Washington pour protéger l’Île contre Pékin, augurent mal d’un apaisement.


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Pour autant, il serait erroné de croire que toute l’élite politique et intellectuelle chinoise est sur cette ligne dont la véhémente agressivité tire les relations avec les États-Unis et l’Occident à leur niveau le plus bas depuis 1989.

Même si, pour l’instant, Washington répond mal aux appels du pied de Pékin, le fait est que les signes clairs existent d’une volonté d’apaisement sino-américaine. Le plus évident est la célébration ostensible du cinquantième anniversaire de la venue en Chine de Richard Nixon, du 21 au 28 février 1972, l’anniversaire de la fin de la visite coïncidant avec le 4e jour de l’invasion russe.

La visite de sept jours avait ouvert la voie à la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays en 1979 et préparé le terrain pour l’ouverture de la Chine au monde.

A Washington, le 26 février, 48 heures après l’offensive de Vladimir Poutine aujourd’hui dilatée en un affrontement indirect entre la Russie et les États-Unis, l’Ambassadeur Qin Gang avait organisé une réception commémorant l’événement. Lire, p.2 le § « A Washington l’Ambassadeur Qin Gang rappelle la prudence chinoise. » de notre article : La proximité sino-russe à l’épreuve de la guerre.

Deux jours plus tard, à contre-courant des féroces invectives nationalistes anti-américaines évoquant la domination « barbare et sanglante » de l’Occident, Wang Yi le MAE qui s’exprimait lui aussi à l’occasion de l’anniversaire, avait appelé les États-Unis à « revenir à une politique chinoise raisonnable et pragmatique et à travailler avec Pékin pour remettre leurs relations sur les rails. »

Enfin, même si les démonstrations de force de Pékin dans le Détroit, tandis qu’augmente l’implication de Washington en soutien de Taipei, augurent mal d’une accalmie, Pékin et Washington s’efforcent de ne pas couper leurs contacts.

Le 20 avril, Lloyd Austin, le nouveau chef du Pentagone depuis plus d’un an a mis fin à l’absence de communication jugée dangereuse par Washington. Au milieu de la crainte que Pékin apporte un soutien militaire à Moscou en Ukraine, il a échangé au téléphone pendant 45 mn avec le Général Wei Fenghe, ministre de la défense sur une ligne directe établie conjointement en 2008.

Alors que le général Austin n’a pas eu accès à son homologue, le général Xu Qiliang, premier militaire de la Commission Militaire Centrale, il a tout de même fait écho aux messages de la Maison Blanche sur l’importance d’améliorer la communications de crise et de mieux de gérer la concurrence stratégique, y compris dans les domaines nucléaire, spatial et cybernétique.

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(*) Chacun aura compris qu’en célébrant l’anniversaire de la visite de Nixon, Pékin exprime le souhait de revenir à la lettre rassurante des « Trois communiqués » publiés conjointement en 1972 (Nixon et Zhou Enlai), 1979 – année de l’établissement des relations diplomatiques entre Washington et Pékin - (Carter et Deng Xiaoping) et 1982, (Reagan et Deng Xiaoping) dont QC avait détaillé la portée dans le dernier § de l’article, https://www.questionchine.net/les-nouvelles-eaux-mal-balisees-de-la-question-de-taiwan.

Au cœur des déclarations figurent les rapports de Washington à la question de Taïwan, que les Présidents américains successifs ont, l’un après l’autre, reconnu sans équivoque comme une partie intégrante de la Chine ; le « Taiwan Relations Act » du Congrès datant de 1979, mise en garde adressée à Pékin destinée à dissuader une action de force contre l’Île ; et la question des ventes d’armes à l’Île, supposées se réduire et disparaître à la longue. Ce qui n’a pas été le cas.

Mais, depuis quarante ans, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Huit ans après le dernier communiqué, l’Île de Taïwan a entamé un chemin vers la démocratie dont le cadre fixe l’élection des présidents de l’Île au suffrage universel direct ; et, par trois fois (2008, 2016, 2020 - réélection de Tsai Ing-wen -) les électeurs de l’Île ont porté au pouvoir un chef de l’État issu d’une mouvance politique de rupture avec Pékin, au milieu d’un glissement de l’opinion en faveur d’une identité politique séparée de celle du Continent. Tandis qu’une mouvance plus radicale très minoritaire réclame une rupture avec la culture chinoise traditionnelle.

Dans le même temps, la Chine a augmenté ses pressions militaires contre l’Île et précisé ses revendications territoriales en mer de Chine du sud en les appuyant par une spectaculaire montée en puissance de sa marine et en élargissant par bétonnage les îlots des Spratly et des Paracel.

Simultanément, alors que les relations sino-américaines avaient tourné à l’aigre, à rebours de l’atmosphère d’espoir et de confiance des « Trois communiqués, Washington rehaussait notablement le niveau de ses relations militaires avec l’Île, y compris en prodiguant discrètement une aide à la formation militaire.

Enfin, pour résister aux pressions croissantes de Pékin, la Présidente Tsai Ing-wen appuyée par Washington a réussi à extraire la question du Détroit du strict face-à-face entre Pékin et Taipei pour la porter à hauteur de la défense globale des démocraties.


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