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Chine – États-Unis. Postures, escarmouches et guerre de tranchées. Genèse des contrefeux antichinois

Note de contexte.

Rappel des zones maritimes définies par la Convention de Montego Bay (1994) à propos des îlots en mer de Chine du sud revendiqués par Pékin dans les parages desquels l’US Navy conduit des missions pour affirmer la liberté de navigation.

A. Structures géologiques et souveraineté.

1) Une île (naturellement constituée de terre entourée d’eau, toujours au-dessus de la surface et pouvant abriter une résidence humaine ou des activités économiques) génère 12 nautiques d’eaux territoriales, 12 nautiques d’eaux contigües et 200 nautiques de Zone économique exclusive – ZEE - ;

2) Un récif (naturellement constitué de terre entourée d’eau, toujours au-dessus de la surface, mais ne pouvant ni abriter une résidence humaine ni des activités économiques) ne génère que des eaux contigües de 12 nautiques, à l’exclusion d’eaux territoriales et d’une ZEE. ;

3) Un récif submergé à marée haute ne génère aucune zone de souveraineté, sauf s’il se trouve lui-même dans les 12 nautiques d’une île ou d’une cote, cas dans lequel il peut constituer le point de départ de la mesure des eaux territoriales, des eaux contigües ou des ZEE.

4) Les zones de souveraineté générées par des îlots artificiellement élargis sont celles générées par les structures avant leur élargissement. Les travaux additionnels de remblaiement ou d’extension ne génèrent aucune zone de souveraineté nouvelle.

B. Souveraineté et navigation dans les zones.

1) Les eaux territoriales ouvrent des droits de souveraineté exclusifs conformes aux lois territoriales du pays riverain. Toutefois la convention y autorise, « le passage innocent » (voir plus bas), sans demande préalable des navires militaires ou civils (passage direct à l’exclusion de tout mouvement ou manœuvre non indispensable à la navigation.

Sont interdits : les manœuvres navales, les exercices de tir, d’appontage et de décollage, la surveillance, l’espionnage et le brouillage, la propagande, la pêche et les activités polluantes.)

2) Les eaux contigües et les ZEE sont considérées comme la haute mer où les États riverains ne peuvent imposer aucune restriction de navigation, à l’exception des contrôles de police pour lutter contre la contrebande ou pour faire respecter les restrictions sanitaires.

Elles consacrent cependant la primauté des intérêts généraux de l’État riverain qui bénéficie d’un droit prééminent sur la zone, notamment pour l’exploration des ressources. Espace à finalité économique, la ZEE attribue aux États riverains des droits qui participent du principe général de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles.

Ainsi entendu, le régime juridique de la zone économique exclusive ne confère plus aux États tiers que des droits résiduels et limités au domaine des communications. La Convention de 1982 consacre ce point en précisant que la liberté de navigation et de pose des câbles et pipe-lines sous-marins ne peut être entravée par l’État riverain. (Encyclopédie Universalis).

C. « Passage innocent »

Le passage innocent est un concept du droit de la mer qui permet à un navire de traverser les eaux territoriales d’un autre État, sous réserve de certaines restrictions. L’article 19 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer définit le passage inoffensif comme suit :

- 1. Le passage est « innocent » tant qu’il ne nuit pas à la paix, au bon ordre ou à la sécurité de l’État côtier. Ce passage doit se dérouler conformément à la présente convention et aux autres règles du droit international.

- 2. Le passage d’un navire étranger est considéré comme préjudiciable à la paix, au bon ordre ou à la sécurité de l’État côtier si, dans la mer territoriale, il exerce l’une des activités suivantes :

a) Toute menace ou utilisation de la force contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de l’État côtier, ou de toute autre manière en violation des principes de droit international consacrés dans la Charte des Nations Unies ;

b) Tout exercice ou pratique avec des armes de tout genre ;

c) Tout acte visant à collecter des informations portant atteinte à la défense ou à la sécurité de l’État côtier ;

d) Tout acte de propagande visant à nuire à la défense ou à la sécurité de l’État côtier ;

e) Le lancement, l’atterrissage ou l’embarquement de tout aéronef ;

f) Le lancement, l’atterrissage ou l’embarquement de tout engin militaire ;

g) Le chargement ou le déchargement de toute marchandise, monnaie ou personne contraire aux lois et réglementations douanières, fiscales, d’immigration ou sanitaires de l’État côtier ;

h) Tout acte de pollution volontaire et grave contraire à la présente Convention ;

i) Toute activité de pêche ;

j) La réalisation d’activités de recherche ou d’arpentage ;

k) Tout acte visant à perturber les systèmes de communication ou toutes autres installations ou installations de l’État côtier ;

l) Toute autre activité sans incidence directe sur le passage.

D. Droit de la mer et « clauses de réserve ».

En février 2016, dans « Perspectives chinoises », Sébastien Colin rappelait les raisons pour lesquelles les États-Unis, puissance navale, refusaient de ratifier la convention de Montego Bay. Tout en imputant le refus à une « poignée de sénateurs de l’aile la plus conservatrice » (en réalité 35 sénateurs qui empêchent d’obtenir la majorité des 2/3 nécessaire à une ratification), il ajoutait cependant que le fait que la Chine ait ratifié la convention sans abandonner ses revendications territoriales a pesé dans la décision américaine.

« Le refus du Sénat de ratifier la Convention résulte d’une vive opposition de la part d’une poignée de sénateurs appartenant à l’aile la plus conservatrice du Parti républicain. Leur argument principal est que la Convention est « incompatible avec la souveraineté et les valeurs américaines » et que les États-Unis, dans le cas d’une ratification, ont plus à perdre qu’à gagner sur les plans politique et économique.

En d’autres termes, ils estiment que leur pays ne tirera aucun bénéfice d’une éventuelle adhésion, celui-ci restant tout à fait capable selon eux de protéger ses intérêts maritimes à l’extérieur de la Convention. Lire U.N. sea treaty still a bad deal for U.S.

Enfin, le fait qu’un certain nombre d’États, incluant la Chine, aient ratifié le texte sans abandonner des revendications que les États-Unis jugent « excessives » instaure le doute dans leur esprit quant à la réelle utilité de son acceptation. »

Notons que la présentation des revendications chinoises « jugées » excessives par les États-Unis est clairement biaisée. Les réclamations chinoises sont contraires au droit de la mer. C’est un fait et non pas « un jugement ». Cette réalité concerne non seulement les îlots (voir plus haut), mais également et surtout la prétention à la souveraineté sur toute la mer de Chine.

*

Le 12 juillet 2016, le jugement de la cour d’arbitrage de La Haye qui statuait sur une réclamation de Manille, avait clairement invalidé la position de la Chine qui ne se réclame pas du droit international, mais de l’histoire de son influence dans la région. 18 mois plus tard, le 19e Congrès de l’automne 2017 qui affirmait la prévalence des « caractéristiques chinoises » confirma cette jurisprudence chinoise opposée au droit international que Pékin juge marqué par la primauté occidentale.

Rappel du jugement de La Haye (résumé du jugement de 501 pages) que la Chine rejette en bloc.

On retiendra :

1) Que les droits historiques dont se réclame la Chine ont été éteints, étant donné qu’ils sont incompatibles avec les Zones économiques exclusives prévues par la convention du droit de la mer.

2) Qu’il n’y a aucun fondement juridique pour que la Chine revendique des droits historiques sur des ressources dans les zones maritimes à l’intérieur de la ligne en 9 traits. En dehors des eaux territoriales, les espaces marins sont en effet considérés comme la « haute mer ».

3) Que la convention accorde clairement aux Philippines des droits souverains dans sa zone économique exclusive dont font partie les récifs de « Second Thomas » et des « Mischiefs », ainsi que le haut-fond de « Reed ».

4) Que la Chine y a entravé les activités des Philippines d’exploration pétrolière et de pêche tout en protégeant les activités des pêcheurs chinois dans ces zones et en construisant des installations et des îles artificielles sur le récif des Mischiefs sans l’autorisation de Manille, violant ses droits souverains sur son plateau continental et dans sa zone économique exclusive.

5) Qu’autour du récif des Scarborough, la Chine n’a pas respecté les droits de pêche traditionnels des pêcheurs Philippins, la cour faisant remarquer qu’elle parviendrait à la même conclusion s’il s’agissait des droits de pêcheurs chinois entravés par les Philippines puisque les droits de pêche traditionnels n’ont pas été éteints par la convention.

NB : Sur la question des récifs de Scarborough, l’arbitrage confirme : 1) que les droits traditionnels de pêche ne sont pas éteints et que la Chine a illégalement interdit aux pêcheurs philippins d’opérer dans ses parages.2) que l’ensemble, situé dans la ZEE des Philippines, étant toujours viable à marée haute, génère des eaux territoriales de 12 nautiques. Notons que le jugement ne statue pas sur l’appartenance ou non des récifs aux Philippines.

6) Que les activités récentes de réclamation de terres et d’extension à grande échelle par la Chine sur 7 éléments des îles Spratly ont causé des dommages graves aux récifs coralliens contrevenant ainsi aux articles 192 et 194 de la convention imposant de préserver les écosystèmes fragiles et l’habitat des espèces menacées, notamment les tortues de mer, les coraux et les palourdes géantes exploités sans retenue par les pêcheurs chinois.

7) Que, contrevenant à la Convention qui enjoint aux parties en litige de s’abstenir d’aggraver ou d’étendre les différends objets de la demande d’arbitrage, la Chine a construit une grande île artificielle sur le haut fond des Mischief situé dans la ZEE des Philippines, infligé des dommages irréversibles à l’écosystème des récifs coralliens et détruit de façon permanente les preuves de l’état naturel des structures en question.

Lire : Arbitrage de la Cour de La Haye. Tensions et perspectives d’apaisement.

La polémique sur la ratification touche au caractère contradictoire de la convention qui autorise des clauses de réserve sur les souverainetés en mer, cœur même de son objet.

Sur le conflit en mer de Chine du sud, lire le rapport de l’Assemblée Nationale Française du 10 avril 2019.

Dans le paragraphe B « Situation en 2019 », le rapport précise : « Il est à noter que la Chine a, en ratifiant Montego Bay, émis une réserve sur la clause d’arbitrage prévue à la section 2 de la partie XV de la convention sur tout différend relatif à la détermination des zones maritimes. Ainsi la Chine ne reconnaît, pour le règlement du contentieux maritime en mer de Chine, que la négociation. Cela l’a conduite à rejeter, de manière systématique, tout recours à l’arbitrage.

Elle a ainsi refusé de participer à la procédure juridique lancée en 2013 par les Philippines devant le tribunal arbitral de La Haye, et visant à déterminer le statut juridique de certains éléments de la mer de Chine du Sud, et donc les droits maritimes qui en découlent.

La sentence rendue en 2016 a donné raison aux Philippines : le tribunal de la Haye a jugé que la plupart des éléments concernés sont des rochers ou des hauts fonds découvrant qui ne génèrent donc pas de ZEE. Sans surprise, la Chine a rejeté cette sentence, et l’évolution politique dans la zone a conduit les Philippines à la mettre de côté (cf. situation politique). »

Pour une vue française de la question : lire : MontegoBay : 30 ans après. Appropriation et exploitation des espaces maritimes : Etat des lieux, droit, enjeux (document PDF).

Sur la querelle avec les Philippines lire aussi : https://www.questionchine.net/mer-de-chine-du-sud-la-carte-sauvage-des-hydrocarbures-le-dilemme-de-duterte


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