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Chine – France. Histoire, politique, coopération et maîtrise des transferts technologiques

Aéronautique et espace.

L’aéronautique (avions ou hélicoptères) où la Chine est en retard, notamment dans le secteur de la propulsion et celui de l’intégration des systèmes embarqués et dans nombre d’autres équipements – dont le train d’atterrissage et l’avionique - est un domaine qui mérite attention, même si les déficiences chinoises – le moteur WS-10 attendu pour 2016 devra encore prouver sa fiabilité – donnent encore de la marge aux constructeurs étrangers. Il reste que les transferts, notamment dans le secteur de la propulsion, se font par le truchement des équipementiers.

A plus ou moins long terme, les modèles chinois deviendront des concurrents des machines françaises et européennes sur le marché mondial. Toute la stratégie des constructeurs étrangers consistera à conserver un temps d’avance dans l’innovation et à trouver la juste mesure entre les transferts de technologie et la protection des intérêts des fleurons de l’industrie nationale.

Le marché intérieur des hélicoptères.

Ainsi, l’accord de production à parts égales à Harbin et à Marignane de 1000 hélicoptères de type EC 175 conçus en commun par AVIC et Airbus Helicopters successeur d’Eurocopter, prévoit l’incorporation dans la version chinoise (AC 352) d’un moteur français Turbomeca, filiale de Safran avec, à la clé, des transferts de technologies, conditions d’accès à l’immense marché chinois. Une commande chinoise de 120 moteurs développés conjointement avec AVIC est déjà en cours, tandis que la version française EC 175 restera équipée d’un moteur Pratt & Whitney. Le marché est immense puisque les experts calculent que, dans les 20 ans qui viennent, le nombre d’appareils en service en Chine passera de quelques centaines aujourd’hui à plus de 5000.

A moyen terme, les positions françaises assurées par plus de 20 ans de coopération entre Eurocopter et AVIC II et une avance technologique indéniable, sont confortables. Elles justifient l’espoir affiché par Airbus de rafler au moins 50% de ce marché. L’inconnue qu’il serait imprudent de négliger, reste cependant la vitesse avec laquelle les ingénieurs d’AVIC seront capables de « siniser » complètement leur appareils produits à Harbin ou ailleurs pour les introduire sur le marché chinois, libérés des contraintes des brevets français. Le risque est réel. Une dérive de ce type a déjà eu lieu au détriment de Kawasaki pour la technologie du TGV chinois.

En 2011 Ma Yunshang, vice-directeur du centre technologique TGV de Qingdao Sifang souleva la colère de Kawasaki quand il expliqua qu’après des essais et améliorations, le TGV chinois CRH 380 A était totalement différent du prototype importé du Japon (...) Il ajoutait que, même si les technologies venaient de pays étrangers, les TGV chinois qui avaient incorporé des technologies purement chinoises n’appartenaient désormais plus au Japon et pouvaient être exportés sur le marché mondial.

L’irrésistible attrait du marché des avions de ligne

Lents progrès techniques chinois

Alors que la Chine peine à mettre au point ses avions moyen-courrier AR J21 et C 919, un autre accord signale une nouvelle fois l’intérêt de l’aéronautique chinoise pour les appareils européens. Il s’agit du contrat de 7 Mds d’€ signé avec Airbus pour la livraison de 70 appareils – 43 A 320 et 27 A 330 – l’achat de ces derniers avait été suspendu pour faire pression sur Bruxelles après la taxe carbone infligée aux constructeurs en contravention avec la législation européenne, finalement levée en avril 2013 avant même d’avoir été mise en œuvre -.

A quoi il faut ajouter la promesse chinoise d’acheter 960 A 320 dans les dix prochaines années. Pour l’instant, la situation est très nettement en faveur d’Airbus puisque le groupe aéronautique européen a obtenu de haute lutte le renouvellement pour 6 années supplémentaires du bail de l’usine d’assemblage des A 320 à Tianjin. Ce qui confère à Airbus un avantage important sur le marché des moyens courriers dont l’ampleur atteindra plus de 3000 appareils d’ici 2030. Le rattrapage réussi par Airbus face à son concurrent Boeing est déjà considérable. Alors qu’il ne détenait que 6% du marché en 1995, le groupe européen fait aujourd’hui jeu égal avec son concurrent américain.

Il n’empêche que la construction aéronautique chinoise a, sans faire de bruit, mis « un pied dans la porte » des technologies de pointe dans le cadre du programme A 350, dernier né d’Airbus dont le premier vol devrait avoir lieu en 2014.

Créée à Harbin en 2009 à la suite d’un accord entre Airbus et le gouvernement chinois par lequel le groupe européen s’engageait à délocaliser 5% de la production du A 350, l’usine HMC (pour Hafei Airbus Composite Manufacturing Centre), JV entre Airbus et ses partenaires chinois a, à l’automne 2013, livré une gouverne de profondeur de 8 m de long en matériau composite (Epoxy renforcé de fibres de carbone) qui allège le poids de l’avion. Il s’agit d’une première réussie après une phase de tâtonnement de plusieurs années ayant nécessité la participation de 140 salariés d’Airbus chargés d’assurer en Espagne les transferts de savoir-faire aux ingénieurs chinois.

A l’avenir, le rythme des productions et des transferts augmentera la charge de l’usine HMC de Harbin dans un secteur technologique clé, ce qui mettra en difficulté d’autres sous-traitants en Europe, tout en consolidant la maîtrise technique de l’industrie aéronautique chinoise. L’attribution à la Chine de la fabrication des éléments en fibres de carbone des gouvernes de profondeur a déjà provoqué des tensions chez le sous-traitant espagnol Aernnova Aerospace. Compte tenu du poids considérable de la demande chinoise et des compétitions internationales sur le marché, dont l’accès est précisément habilement conditionné par les accords sur les transferts de hautes technologies, Airbus pourrait à terme être tenté de sacrifier son sous traitant espagnol.

Propulsion : Lacunes chinoises et vastes manœuvres de séduction

Dans le domaine de la motorisation des avions de ligne (marché évalué à 15 000 moteurs) qui reste un des principaux secteurs où Boeing et Airbus peuvent se prévaloir d’un avantage technologique, le branle-bas chinois est en cours depuis 2012, avec la restructuration d’un secteur jusque là très éclaté désormais regroupé autour de Xi’an Aero Engine, 西安航空动力股份有限公司, (Xi’an Hang Gong Dong Ji Gufen Youxian Gongsi), un des n°1 des moteurs militaires en Chine et bénéficiant depuis deux ans de financements massifs évalués à près de 50 Mds de $ sur les 20 années qui viennent.

Compte tenu de la dimension considérable du marché, les motoristes étrangers - General Electric, Safran, Rolls Royce ou Pratt & Whitney – on déjà cédé aux appels à la coopération des autorités chinoises qui, en contre partie de l’accès au marché, exigent des transferts de technologies.

Compte tenu des liens extérieurs de la Xi’an Aero Engine, connectée par des coopérations à tous les grands motoristes de planète, il n’est pas difficile d’imaginer qu’aux intentions financières et de remise en ordre, s’ajoute une arrière pensée de transfert vers la Chine, par tous les moyens, des technologies de pointe du secteur de la propulsion.

C’est bien dans ce contexte sensible où les groupes étrangers auraient tout intérêt à contrôler la nature et le rythme de leurs transferts pour éviter de se faire déborder, que les équipementiers du groupe Safran, Sagem, Turbomeca et SNECMA, ont développé des coopérations avec des partenaires chinois pour les ailettes de réacteurs et le contrôle des flux dans les turbines, les nacelles, les techniques de sûreté et le câblage, notamment pour le moyen courrier C 919.

Le spatial, cœur emblématique des stratégies de retour de puissance

Le spatial est un autre domaine sensible où les transferts comportant des composants américains sont subordonnés à une licence d’exportation de l’administration des Etats-Unis et où la coopération conclue à l’Élysée par Jean-Yves Le Gall, président de CNES et Xu Dazhe patron de l’Agence Spatiale chinoise – la première de cette ampleur - survient après l’échec en 2009 de la coopération chinoise avec le projet européen Galileo de positionnement spatial.

La Chine ambitionne comme l’UE de développer un système de positionnement spatial indépendant du GPS américain. En 2010, elle a été accusée de piller les technologies spatiales européennes et les constructeurs Astrium Satellites et Thalès furent sommés par la Commission européenne de retirer les composants chinois de 4 satellites de positionnement en préparation.

Cette fois, l’accord qualifié d’historique comprend sous la direction du CNES le maître d’œuvre, la construction conjointe par la Chine et une association entre Thalès et Alenia Space, filiale à 50% de Thalès et de Finmeccanica, de 2 satellites scientifiques destinés l’un à l’observation des océans, l’autre à la cartographie des explosions à très forte énergie de rayonnements électromagnétiques gamma ou « Gamma Ray Burst GRB ». Les deux satellites dont le coût est estimé à 150 millions chacun seront lancés en 2018 et 2020 par une fusée Longue Marche.


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