Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chronique

Chine – France. Histoire, politique, coopération et maîtrise des transferts technologiques

Le 24 octobre 2013, inauguration dans l’Essonne par Jean-Yves le Drian ministre de la défense français, d’un laboratoire de classe P4 géré par la Délégation Générale pour l’Armement.

Le cadeau français du laboratoire P4

S’il est une copération franco-chinoise baignant dans l’ambiguïté c’est bien celle du laboratoire biologique de haute sécurité P4 dont la première pierre avait été posée à Wuhan le 30 juin 2011. S’inscrivant dans la lutte conjointe franco-chinoise contre les maladies infectieuses, le projet était allé de l’avant en dépit des réticences de la DGA et du CEA. Ces derniers soulignaient que les techniques de pressurisation et d’étanchéité mises en œuvre dans ce type de laboratoire étaient identiques à celles des sous-marins nucléaires.

Dès lors qu’il n’existe que 25 laboratoires de ce type au monde dont seulement une dizaine de pays maîtrisent la technologie, tandis que la presse française communique peu sur la question, on ne peut manquer de s’interroger sur les raisons et les conditions d’un tel transfert qui cède une technologie rare, d’une inestimable valeur marchande, résultat de longues années de recherche par de nombreux experts de très haut niveau.

Les nouvelles aigreurs de la coopération nucléaire

L’appétit technologique des chinois et leur volonté de faire pression s’est également manifesté à rebours dans la faiblesse des accords intervenus dans le nucléaire civil, pourtant un des secteurs emblématiques de la coopération franco-chinoise. Alors qu’en visite à Pékin en décembre dernier le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault avait manifesté la disponibilité de la France pour construire 2 nouveaux réacteurs EPR à Taishan aucun nouveau contrat n’a été signé. Un accord n’a pas non plus été trouvé sur le projet d’usine de retraitement de 800 tonnes de déchets par an, toujours en négociation entre Areva et la China Nuclear National Corporation (CNNC – 中国 核工业集团公司).

Bien que rien n’ait transpiré des négociations on peut conjecturer que Pékin conditionne les contrats à de nouveaux transferts de technologies qui lui permettraient de maîtriser l’ensemble de la filière. Dans le même temps Paris entend bien continuer à bénéficier des efforts consentis depuis 40 ans (250 Mds d’€, création en 2011 de l’Institut Franco-Chinois de l’énergie nucléaire financé à 50% par la France pour la formation des ingénieurs chinois). Mais tout indique que Pékin souhaite hâter le pas vers l’indépendance technologique totale.

Signe que les relations ne sont plus au beau fixe, une échauffourée avait eu lieu en juin 2012 entre Paris et Pékin à propos des exportations de centrales nucléaires chinoises, construites avec des technologies françaises, dont la vente est règlementée par un accord gouvernemental datant de 1995. Ce dernier stipule que toute exportation chinoise d’équipements nucléaires construits avec des éléments d’origine française est soumise à un accord préalable.

C’est dans ce contexte que Paris a fait pression sur l’Afrique du Sud, et en faisant appel à l’OCDE, pour bloquer la vente par Pékin à Pretoria d’une centrale utilisant des technologies françaises. Le litige a été suivi d’une réunion bilatérale à Paris au plus haut niveau pour la remise à plat de la coopération nucléaire franco-chinoise, dans un contexte où AREVA ne souhaite pas brader ses compétences, même si le groupe français a conscience que la Chine est un des seuls marchés d’envergure de la planète.

Sauvetage de Peugeot. Menaces contre les sous-traitants.

Dans le secteur automobile où les positions françaises sont fragiles, les perspectives sont encore plus aléatoires. Pour PSA – 7,3 Mds d’€ de pertes cumulées en 2012 et 2013 - les années 2013 – 2014 seront celles d’un bouleversement culturel puisque, désormais, la famille Peugeot ne contrôle plus le groupe dont elle partage le capital avec l’État français et le Chinois Dongfeng, ancien fabricant public de camions militaires, n°2 chinois du secteur, déjà engagé dans des partenariats avec Honda, Kia, Nissan et Renault.

L’apport de 800 millions par Dongfeng mis en scène lors de la visite de Xi Jinping, fut la bouée de sauvetage de PSA. Il ouvre au Chinois 14% du capital de PSA, a égalité avec l’État français. Dans la ville de Wuhan, fief de l’entreprise chinoise, devenu après bien des tribulations le berceau de l’automobile française en Chine, l’investissement de Donfeng lui donne aussi accès à la R&D de PSA et à celle de ses sous-traitants.

Au demeurant, la décision de Paris de s’impliquer financièrement dans l’affaire est un indice des craintes françaises qui entourent l’accord dont il convient aussi de rappeler qu’il ne créera aucun emploi en France. L’implication publique vise au moins à équilibrer le soutien politique que Pékin apporte à Dongfeng - depuis 2010, le ministre de l’industrie et des technologies de l’information n’est autre que l’ancien PDG de Dongfeng (1999 – 2005), Miao Wei, 苗圩 58 ans, membre du Comité Central depuis novembre 2012 –.

Il n’est cependant pas certain que cette présence publique française dans le capital, assortie de la nomination de Louis Gallois à la présidence du Conseil de surveillance du groupe parvienne à limiter les appétits chinois, surtout si, comme le bruit court, PSA – Dongfeng est autorisé à s’engager, avec l’apport des technologies françaises, non pas seulement en Chine, mais également à la conquête du marché mondial, devenant ainsi un concurrent direct des véhicules construits en France et en Europe par PSA.

Enfin, conséquence néfaste jamais évoquée dans la presse, l’accord PSA – Dongfeng menace les équipementiers français travaillant en Chine. Pour diverses raisons qui tiennent aux défauts chinois d’organisation du secteur et aux faibles investissements en R&D, la part de marché des équipementiers locaux ne cesse de baisser.

Dès lors qu’aujourd’hui un groupe automobile ne fabrique qu’une faible part des composants d’une voiture, les cibles technologiques de Dongfeng seront exclusivement les sous-traitants étrangers qui détiennent le monopole des innovations du secteur automobile en Chine. Compte tenu des appuis politiques dont dispose le Chinois chez lui, il faut craindre que la bataille sera inégale.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Chine - France : Commission mixte scientifique 2024, vers une partie de poker menteur ?

A Hong-Kong, « Un pays deux systèmes » aux « caractéristiques chinoises. »

Chine-Allemagne : une coopération scientifique revue et encadrée

Pasteur Shanghai. Comment notre gloire nationale a été poussée vers la sortie

A Pékin et Shanghai, les très petits pas de l’apaisement des tensions commerciales