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Dans la province de Canton, « le printemps des ouvriers a commencé. »

1. Évolution des conditions et des mentalités

En 20 ans, le travail a gagné en intensité et en pénibilité, avec des rythmes de plus en plus soutenus, non seulement, à la suite de l’introduction en Chine de critères de management et de rentabilité plus rigoureux, mais également du fait de la volonté des ouvriers de gagner plus en acceptant des horaires plus lourds.

Cette tendance s’est poursuivie jusqu’à récemment, encouragée par l’euphorie résultant du changement radical de niveau de vie des ouvriers qui passèrent de la condition de paysan, dont les revenus plafonnaient à 100 euros par an, à celle d’ouvrier au salaire mensuel de 80 euros, et dont l’amélioration de la situation financière correspondait à une « véritable promotion sociale ». Cette dernière était également accompagnée d’un « sentiment nationaliste triomphant ».

Mais cet état d’esprit est aujourd’hui moins fréquent. L’amertume a pris le pas sur l’enthousiasme. Les ouvriers, qui se sentent lésés par rapport à la classe des patrons ou des politiques ayant profité beaucoup mieux qu’eux des progrès économiques et sociaux, constatent que la vie en ville est complexe et que leurs revenus, même en forte hausse par rapport à ceux de la campagne, ne suffisent pas à entretenir décemment une famille et à acheter un appartement.

Leurs salaires restent au niveau des pays du tiers monde. Petit à petit, les nouveaux moyens de communication aidant, l’idée s’est instillée de la nécessité d’une revendication et de l’efficacité possible des grèves. Leur sens de la lutte a encore été favorisé par leur éducation d’enfants uniques, choyés par leurs parents « qui leur passaient tout ».

2. Les employeurs désemparés face aux conflits.

Par le passé on discutait peu des salaires et la gestion des personnels insatisfaits était réglée par le « turn over », meilleur moyen d’étouffer les tensions, avec, de temps à autre, quelques maigres augmentations.

La nouvelle main d’œuvre plus rétive, prend les patrons de court, d’autant qu’il n’existe pas d’organisation patronale capable de les épauler dans les conflits. Comme les syndicats d’ouvriers, ces dernières sont en effet interdites - elles existent à Hong Kong et dans les chambres de commerce étrangères -, ou, quand elles existent, elles sont, dans le système communiste, dirigées par des fonctionnaires.

Mais le désarroi est également perceptible dans les entreprises étrangères. Même si ces dernières avaient mis en place des gestions de personnels plus sophistiquées, elles font aujourd’hui face à des revendications de salaires d’une fréquence et d’une ampleur inconnues jusque là. Parmi les entrepreneurs étrangers, les plus rétifs à céder sur les salaires sont ceux orientés vers l’export. Ceux qui visent le marché chinois sont plus souples.

Il reste que les entreprises, qu’elles soient chinoises ou étrangères, constatent que le nouveau contexte est moins favorable avec des augmentations de salaires qui, partout, varient entre 10 et 20%.

3. Le pouvoir politique paraît hésitant et divisé.

Au niveau central, la classe dirigeante, qui fonctionne sur un mode collégial, « à responsabilité diluée », est une « cryptocratie opaque », dont le souci principal est de se maintenir au pouvoir. Sa longévité est due à la solidarité interne de ses membres et à une remarquable souplesse, caractérisée par une grande capacité à « pardonner les erreurs et à les corriger ». Ce sont les mêmes responsables des erreurs de planification ou des crimes de la révolution culturelle qui dirigent aujourd’hui la politique dite du « socialisme de marché ».

Même s’ils paraissent aujourd’hui divisés sur le traitement des troubles sociaux, ou sur la création de syndicats, les dirigeants ne laissent rien présager de leurs réactions en cas de troubles sociaux graves. A ce jour, ils ont presque toujours laissé les responsables locaux gérer les conflits sociaux et se sont toujours fermement opposés à la création de syndicats indépendants (NDLR : en dépit des mises en garde des chercheurs chinois).

L’analyse montre qu’ils n’interviennent que quand la légitimité du Parti est menacée. (NDLR : et dans ce cas, leur récente réaction a, le plus souvent, été ambigüe, mêlant la souplesse - pression pour les augmentations de salaires, critiques des managers - à la fermeté, avec le licenciement et la poursuite des meneurs.

Le plus souvent la vie sociale - les salaires minimum et les droits sociaux, différents selon les régions - de même que les conflits du travail sont gérés par les autorités municipales, parfois avec l’aide des syndicats, dont la mission est de s’entremettre pour sauvegarder la stabilité sociale. Dans cette organisation, les syndicats officiels apparaissent comme « une autorité municipale ».

Compte tenu de l’enchevêtrement entre les affaires et la politique et du souci des cadres locaux d’attirer chez eux des entrepreneurs, pourvoyeurs d’emplois et de revenus sous forme de taxes, les responsables locaux prennent souvent fait et cause pour le patronat.

Mais, comme ils sont également jugés sur le degré de stabilité sociale de leur circonscription, et qu’ils craignent les désordres, il leur arrive de composer et, par exemple, de prendre en charge les derniers salaires des employés d’une société en faillite.


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